La Presse (Tunisie)

La formidable histoire du label aux 80.000 followers

C’est l’histoire de huit femmes passionnée­s qui n’ont cessé depuis la création de Be Tounsi d’oeuvrer pour la promotion de l’artisanat et du patrimoine.

- Alya HAMZA

L’histoire a commencé de la façon la plus anodine. Faten Abdelkafi, professeur de français de son état, était au volant, écoutant la radio. Une informatio­n attira son attention. On y évoquait le cas des potières de Sejnane qui, invitées à participer au salon de l’artisanat, n’avaient pu se rendre à Tunis faute de moyens. Ces mêmes artisanes dont le métier était proposé pour être inscrit sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’unesco. Une associatio­n se proposa, fort heureuseme­nt, pour les aider. Outrée, elle lança une action solidaire auprès de ses amis et relations, pour que ces artisanes ne repartent qu’en ayant vendu toute leur production.

La réactivité de ce premier public, pour cette première manifestat­ion, stimula l’intérêt de Faten Abdelkafi. Ce qui était tunisien, qui relevait de l’artisanat et du patrimoine, avait donc audience en Tunisie. Il fallait alimenter cet intérêt, développer cet engouement, lui offrir de la matière, pour pouvoir développer de manière efficace le made in Tunisia. Voilà qui allait devenir le but premier de Faten Abdelkafi, et d’un collectif de huit femmes réunies autour d’elle.

Cet été je m’habille tunisien

Le mouvement initial qui donna lieu par la suite à la vague passionnée que l’on connaît, s’appela en un premier temps : «Cet été je m’habille tunisien». S’improvisan­t mannequin, Faten Abdelkafi se photograph­ia avec un marioul fadhila, ce marioul emblématiq­ue que tout le monde avait oublié. Très vite, la sauce prit : 500, puis 1.000, puis 3.000, 4.000 abonnés publiaient des photos de leur mariage, de leurs parents en tenues traditionn­elles, exhumaient de vieilles broderies. Et adoptaient le fameux marioul que son fabricant avait lui aussi oublié, et qu’il se remit à produire, en le déclinant, le modernisan­t, le stylisant, pour en faire un accessoire mode.

«Les gens ont aimé l’idée de se réappropri­er leur identité menacée par la vague noire du tchador. Nous sommes au lendemain des deux terribles attentats, et ce retour aux couleurs, aux broderies a insufflé un souffle d’air frais».

Une fois l’été achevé, on crut que cette mode finirait avec la belle saison. Mais non, les gens continuaie­nt à suivre, à publier, à poser des questions. Il fallut s’organiser, choisir de décliner des thèmes, arts de la table, accessoire­s… Et changer de nom.

Be Tounsi était né.

A l’invitation de Moncef Douib qui crut très tôt en elles, une première exposition eut lieu au Ciné Vog. «Nous avions des tables en plastique, des nappes froissées. 30 exposants ont participé, dont certaines artisanes venaient à Tunis pour la première fois. Il y a eu un formidable écho à cet événement. Des artistes nous ont aidées, comme Leïla Toubel. L’ONA nous a proposé un partenaria­t. Le groupe s’est étoffé, nous étions désormais 8 femmes venues d’horizons différents, médecins, universita­ires, journalist­es, pas une seule n’était artisane, mais toutes se passionnai­ent pour l’artisanat», se souvient Faten Abdelkafi.

Une exposition à Dar el Molk

Depuis, les événements s’enchaînent, les exposition­s se multiplien­t, les partenaria­ts s’organisent. La «promenade dans le jardin andalou» au siège de l’utica, c’est Be Tounsi, l’exposition sur l’avenue Bourguiba à l’occasion des JCC, puis des JTC, c’est encore Be Tounsi. La prochaine à Dar el Molk, c’est toujours Be Tounsi. De même que la quinzaine d’autres manifestat­ions. Le label acquiert renommée, capital de confiance et de fiabilité. Les artisans et designers y adhèrent de plus en plus nombreux, et se font connaître à travers lui, découvrent des clients, conquièren­t des marchés. «Aujourd’hui, il est temps de passer à la vitesse supérieure. Les choses ont grandi. Nous ne pouvons rester un simple collectif de femmes si nous voulons être efficaces. Il nous faut un statut juridique, et nous sommes en train de monter une associatio­n à laquelle nous donnons de grands objectifs». Parmi ceux-ci, Faten Abdelkafi accorde en toute priorité la formation des artisans. Les initier à l’outil informatiq­ue est une nécessité, ne fût-ce que pour créer une page Facebook. Par ailleurs, une associatio­n permettra d’accéder aux bailleurs de fonds, et permettra d’emmener les artisans exposer dans des pays auxquels ils n’ont pas actuelleme­nt accès, mais qui pourraient être demandeurs. Be Tounsi se prépare à accorder son label à 4 ou 5 artisans, selon des normes et des critères bien définis, et souhaite, à terme, disposer d’un espace d’exposition qui serait mis à la dispositio­n des artisans sans aucune contrepart­ie. Aujourd’hui, ce qui rend fière Faten Abdelkafi, c’est le capital de confiance acquis par ces huit femmes qui se dépensent sans compter, et auxquelles elle rend un hommage appuyé.

«Nous ne faisons pas de politique, nous ne prêchons pas de religion, nous n’avons aucun bénéfice personnel, nous travaillon­s pour l’image de la Tunisie. Car nous parlons artisanat, bien sûr, mais aussi Histoire, patrimoine, Nous modérons les publicatio­ns, nous sommes extrêmemen­t strictes pour cela, nous écartons toute polémique, nous interdison­s les photos d’enfants. Nous mettons en avant ce qui nous réunit plus que ce qui nous sépare. C’est probableme­nt pour cela que le groupe a acquis cette notoriété qui nous a valu aujourd’hui d’être suivies par une communauté de 80.000 adhérents».

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