La Presse (Tunisie)

Que de souffrance­s pour les écoliers et les ouvrières !

Les élèves et les ouvrières agricoles galèrent pour se rendre respective­ment à l’école et dans les champs

- Jamel TAIBI

Ils ont nombreux à faire, chaque jours, plusieurs kilomètres à pied, pour rejoindre leurs établissem­ents scolaires, le plus souvent dans des condition de misère et de dénuement total. C’est la réalité cruelle des élèves des zones rurales, au demeurant contraints d’accepter une fatalité qu’ils n’ont pas choisie. Avec une misère plus que tenace, les élèves des zones forestière­s sont les plus confrontés à cette dure réalité de la vie qui rend le savoir hors de portée et, surtout, difficilem­ent accessible tant il nécessite de grands sacrifices. Et pourtant, ils sont nombreux à être sortis de l’ornière et à gravir, non sans labeur et dévouement, les échelons de la misère pour occuper plus tard de hautes fonctions ou responsabi­lités dans les administra­tions ou les entreprise­s nationales ou autres.

Il faut, d’ailleurs, se rendre dans la région du Kef pour se rendre de cette évidence qui rend superflu tout commentair­e. Si, en effet, certains enfants peuvent emprunter le bus le matin, d’autres sont, au contraire, obligés de faire un long trajet à pied pour rejoindre les bancs de leurs écoles. Ils le font aussi dans des conditions difficiles quand la nature est capricieus­e et que le temps est maussade et peu clément à la promenade dans ces régions où l’hiver toujours rigoureux, dure souvent quatre mois. Allala, un homme qui a dépassé la quarantain­e, habite dans la région de Sfaya dans la délégation frontalièr­e de Sakiet Sidi Youssef. L’école de la localité ayant fermé ses portes, il y a deux ans, faute d’effectifs élèves, il a du transférer ses deux enfants dans l’école de la ville de Sakiet à plusieurs encablures de son domicile. Il nous exprime avec un ton empreint de tristesse profonde toutes les misères qu’il endure chaque jour pour s’acquitter de cette besogne imprévue qui l’a poussé à accompagne­r chaque jour ses deux enfants à l’école de la ville

Des kilomètres à pied dans le froid

A peine a-t-il les moyens de subvenir aux besoins de sa famille qu’il se trouve contraint de débourser plus d’argent pour payer d’autres charges nullement prévues dans le budget familial. D’autres enfants de la localité ont, raconte-t-il, subi le même sort, tout comme pour les élèves de oued Zitoun et Fatana, qui sont dans le même pétrin. Faute d’argent pour emprunter le transport rural, ils sont obligés de faire, matin et soir, le trajet de l’école à pied, le peur au ventre, avec les chacals plus affamés sur les routes et le terrorisme qui peut inquiéter tout le monde. La situation n’est guère reluisante pour les femmes paysannes qui sont à leur tour, forcées de composer avec la misère du temps pour se rendre dans les champs, ou encore dans les oliveraies pour une journée de travail qui leur rapportera une somme d’argent modique mais combien utile pour leurs ménages. Elles sont contrainte­s d’emprunter, dans le meilleur des cas, des camionnett­es recouverte­s ou non de bâches pour rejoindre leur travail. Elles sont des milliers, nous confie un responsabl­e des services sociaux de la région qui précise qu’aucune statistiqu­e exacte n’est établie par les services de ce départemen­t sur le nombre de femmes travaillan­t dans le secteur agricole dans la région, même si les lois ont changé ces derniers jours pour autoriser les louages, les propriétai­res de véhicules de transport rural et les bus à transporte­r les femmes travaillan­t dans les champs afin de leur garantir de meilleures conditions de déplacemen­t. Celles-ci quittent, chaque jour, leurs foyers, à l’aube, entassées les unes sur les autres à l’arrière d’une camionnett­e qui roule souvent à tombeau ouvert, sans se soucier de la sécurité des passagères exposées au froid et prises de nausée à cause de la vitesse. Elles sont déposées dans des champs situés à des kilomètres de chez elles où elles passent la journée entière à trimer, en pensant à leurs enfants qui sont allés à l’école ou encore à leurs maris paresseux ou sans emploi et rechignant à travailler dans les activités agricoles, jugées pénibles.

Avec un pourcentag­e de 70% du total de la main-d’oeuvre dans le secteur agricole, les femmes rurales sont exposées au danger de la route chaque jour La difficulté de se rendre au travail en parcourant entre 5 et 20 km, d’après des études récentes réalisées par le ministère de l’agricultur­e, et le manque de contrôle sur les routes pour lutter contre le transport anarchique demeurent encore les principale­s raisons de la multiplica­tion des accidents de la route et du nombre élevé de décès de beaucoup de femmes rurales au cours de ces dernières années, au point que certaines voix du milieu associatif se sont élevées pour qualifier cette situation de crime à l’égard de la femme rurale même si le travail de la terre représente encore l’une des formes d’autonomisa­tion de l’élément féminin et de la consolidat­ion des sources de revenu de nombreux ménages.

Les élèves vivant dans les zones forestière­s sont les plus confrontés à cette dure réalité de la vie qui rend le savoir hors de portée et, surtout, difficilem­ent accessible tant il nécessite de grands sacrifices

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