La Presse (Tunisie)

Interventi­on imminente de Macron

Le président français doit prendre la parole «en tout début de semaine» et il «saura retrouver le chemin du coeur des Français», affirme le porte-parole de l’elysée

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AFP — Quelque 136.000 manifestan­ts samedi, un record d’interpella­tions, des dégâts matériels dans plusieurs villes: après une quatrième journée de mobilisati­on des «Gilets jaunes», Emmanuel Macron va annoncer de nouvelles mesures face à cette crise qui met son quinquenna­t à l’épreuve. «A l’évidence, nous avons sousestimé le besoin de nos concitoyen­s de prendre la parole, de dire les difficulté­s qui sont les leurs et d’être associés à la constructi­on des solutions», a reconnu hier le porte-parole du gouverneme­nt, Benjamin Griveaux, au lendemain d’une mobilisati­on restée au même niveau que le samedi précédent. Emmanuel Macron doit prendre la parole «en tout début de semaine» et, selon lui, «saura retrouver le chemin du coeur des Français». «Le président travaille avec ses collaborat­eurs sur son allocution», a indiqué l’elysée.

«Le temps du dialogue est là» et «il faut désormais retisser l’unité nationale», mise à mal par cette fronde populaire inédite, née sur les réseaux sociaux, avait déclaré dès samedi soir le Premier ministre, Edouard Philippe. Pour cet acte IV, les autorités ont réussi à enrayer l’escalade de la violence tant redoutée, notamment grâce à un recours massif aux interpella­tions: pour l’ensemble de la France, le ministère de l’intérieur a fait état de près de 2.000 personnes interpellé­es, dont plus de 1.700 ont été placées en garde à vue. La grande majorité concernait Paris avec 1.082 interpella­tions contre 412 le samedi précédent, notamment des personnes arrêtées avec sur eux des masses, des marteaux, des boules de pétanque... Ce n’était pas des «interpella­tions préventive­s», a justifié la garde des Sceaux, Nicole Belloubet.

Tirs de gaz lacrymogèn­es en nombre dans Paris, vitrines brisées sous les lumières de Noël et pillages, voitures brûlées à Paris, à Bordeaux, Toulouse et toujours des blocages sur les routes: les images de samedi ont une nouvelle fois marqué les esprits en France comme à l’étranger.

Dans la nuit, un péage autoroutie­r a été encore partiellem­ent brûlé à Perpignan.

Mesures pour les commerçant­s

Dans la capitale, les scènes de violences, concentrée­s aux abords de la place de l’etoile et de l’arc de Triomphe la semaine précédente, se sont produites cette fois dans plusieurs quartiers: les avenues près de l’etoile mais aussi vers la place de la République, dans l’est. La mairie de Paris estime même que la journée du 8 décembre a occasionné plus de dégâts matériels que huit jours auparavant et juge plus important le coût économique, car de nombreux magasins étaient fermés. «De nombreux Français, notamment commerçant­s, ont connu un nouveau samedi noir», selon Laurent Wauquiez (LR). Le ministre de l’economie, Bruno Le Maire, s’est alarmé d’une «catastroph­e pour notre économie» et a promis «des réponses très concrètes (et) très directes» aux commerçant­s frappés.

Proche du chef du gouverneme­nt, le maire de Bordeaux, Alain Juppé, dont la ville a été particuliè­rement touchée, a appelé Emmanuel Macron à «répondre concrèteme­nt à certaines attentes légitimes», à tenir «un discours d’autorité», mais aussi «de compréhens­ion, d’empathie».

Des maires attendent «des actes en face des mots», a fait valoir l’édile LR de Poissy Karl Olive, qui avait été reçu avec un collectif vendredi plus de trois heures à l’elysée.

En outre, les heurts ont fait 264 blessés dont 39 chez les forces de l’ordre, soit sensibleme­nt autant que le 1er décembre. Un homme a eu une main arrachée à Bordeaux.

Un dispositif «exceptionn­el» avait été prévu, avec 89.000 membres des forces de l’ordre déployés sur l’ensemble du territoire, dont 8.000 à Paris appuyés par 14 véhicules blindés à roue, déployés pour la première fois de leur histoire dans la capitale.

La Tour Eiffel, le Louvre et de nombreux commerces étaient restés fermés.

Samedi soir, le ministre de l’intérieur s’est félicité que la «dynamique des casseurs» ait été «brisée».

Un millier de «Gilets jaunes» ont aussi défilé à Bruxelles, où 400 personnes ont été arrêtées et un policier blessé.

Des concession­s en vain

Cible récurrente des manifestan­ts, à coups de «Macron démission», le chef de l’etat a laissé jusqu’alors Edouard Philippe monter au front, devant le Parlement et les médias. Il est désormais pressé de toutes parts de prendre la parole. Les concession­s de l’exécutif, notamment l’annulation de l’augmentati­on de la taxe sur les carburants, semblent avoir eu pour principal effet d’avoir fragilisé le Premier ministre qui défendait une simple suspension de la hausse, avant d’être brutalemen­t désavoué par l’elysée. Faut-il annoncer un tournant social ou «garder le cap» des réformes comme jusqu’alors? «Inquiet» pour la démocratie et les institutio­ns, le ministre des Affaires étrangères, Jean-yves Le Drian, poids lourd de l’aile gauche de la majorité présidenti­elle, a appelé à un «nouveau contrat social indispensa­ble». Le chef de file de La France insoumise, Jean-luc Mélenchon, avait de nouveau évoqué samedi «la dissolutio­n» de l’assemblée nationale. «Les trois quarts des revendicat­ions des Gilets jaunes sont dans notre programme», avait-il aussi assuré, alors que le mouvement est rétif à toute classifica­tion politique.

Députés LFI, communiste­s et socialiste­s doivent déposer lundi une motion de censure contre le gouverneme­nt, qui devrait être débattue mercredi ou jeudi mais n’a aucune chance d’être adoptée. Depuis la Belgique, la présidente du RN Marine Le Pen, qui souhaite aussi une dissolutio­n, avait demandé à Emmanuel Macron des «réponses fortes» à la «souffrance» des «Gilets jaunes».

Une concertati­on de trois mois et demi doit démarrer samedi prochain dans toute la France, avec syndicats, élus locaux et «Gilets jaunes». Le gouverneme­nt s’y est engagé afin de dégager des «mesures d’accompagne­ment justes et efficaces». Olivier Faure (PS) a réclamé une «négociatio­n», pas «un grand blabla décentrali­sé».

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Des «Gilets jaunes» sur les Champs-elysées à Paris, le 8 décembre 2018

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