Trois Religions et une Grande Bleue
Après avoir connu un franc succès et attiré 120 000 visiteurs dans son édition précédente à Marseille, l’exposition « Les lieux saints partagés », devenue itinérante, a pris place cette année dans les murs du Musée du Bardo où elle se poursuivra jusqu’au 12 février. Produite par le « Mucem », Musée national des Civilisations de l’europe et de la Méditerranée, cette exposition-phare qui gratifie le visiteur de chef- d’oeuvres tunisiens et de prêts rares internationaux est dédiée aux partages religieux en Méditerranée. A l’initiative de la Présidence de la République, cette nouvelle version est le résultat d’un partenariat exceptionnel entre l’institut National du Patrimoine, le Musée National du Bardo et le « Mucem ». Fruit de plusieurs années de recherches scientifiques, l’exposition pose un regard différent sur les comportements religieux des populations méditerranéennes et met en évidence l’un des phénomènes les plus intéressants de la région, à savoir le partage et l’échange entre communautés religieuses. La question des identités religieuses est l’une des plus sensibles parmi celles qui se posent au « vivre-ensemble » en Méditerranée. Un phénomène religieux, peu connu du grand public mais très présent en Méditerranée, est porté à la connaissance des visiteurs de cette exposition. Il s’agit des lieux saints partagés par des fidèles de religions différentes. L’exposition consiste en un parcours à travers les grandes figures et les lieux saints partagés par les monothéismes en Méditerranée. A la fois artistique, anthropologique et historique, elle réunit plus de 150 oeuvres d’art, objets du quotidien, films et photographies. Des prêts significatifs provenant d’institutions ou de collections privées internationales à l’instar du Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, à Paris, le diocèse d’agrigente et la paroisse de Lampedusa, en Italie, composent cette exposition. D’autres proviennent également des musées tunisiens, notamment de Nabeul, Sbeitla, Raqqada, Carthage, Djerba, de Sfax et de Tunis. Cette exposition sera également l’occasion de découvrir des espaces rarement montrés au public, fleuron de l’architecture tunisoise : les appartements du Petit Palais, situés au sein même du Bardo. L’exposition présente plus d’une vingtaine de lieux saints partagés en Méditerranée, du Maghreb au Proche-orient, en passant par Notre-dame-de-la-garde à Marseille, Lampedusa et Istanbul, et propose au visiteur un périple méditerranéen inédit autour des lieux de culte et des figures partagés par les trois religions monothéistes. Le parcours des visiteurs sera ponctué par des vidéos qui sont le résultat d’enquêtes de terrain menées par Dionigi Albera et Manoël Pénicaud, anthropologues, dans le cadre de la préparation de l’exposition. Ces films documentaires permettent de contextualiser les objets exposés et de montrer les lieux et les rituels dans lesquels ils apparaissent. Bousculer les certitudes, déconstruire les préjugés et s’interroger sur ce que nous partageons dans tous les sens du terme, voilà l’ambition de cette exposition qui, de témoignages contemporains en exposition de pièces historiques, propose une immersion au coeur de ces lieux saints partagés. Pour faire face à la montée des fondamentalismes et des théologies exclusivistes, il faut de nouvelles clés pour comprendre au mieux la complexité des échanges entre religions méditerranéennes. C’est ce que l’exposition souhaite offrir à ses visiteurs. Dans ce «musée-martyr », durement frappé par une attaque en mars 2015, oser programmer une exposition qui montre que des croyants de différentes religions peuvent encore fréquenter pacifiquement les mêmes sanctuaires est comme une réponse par la culture aux violences terroristes qui se succèdent et aux fondamentalistes de tous bords.