TOUT CE QUE VOUS DEVEZ SAVOIR
Huit mois après sa nomination à la tête du ministère de l’enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Slim Khalbous dévoile les grands axes de sa réforme lors d’une série de conférences de presse tenues pendant le mois de mai au siège du minis
Une meilleure employabilité
“De 55 à 60 mille nouveaux diplômés arrivent chaque année sur le marché de l’emploi. Le problème est que les modestes taux de croissance du PIB de 1 à 2% ne permettent de créer qu’entre 15 à 30 mille nouveaux postes d’emploi”, assène dès le départ Khalbous. Pour le ministre, l’université doit jouer son rôle dans l’amélioration de l’employabilité des jeunes diplômés, non seulement sur le plan pédagogique, mais aussi en s’ouvrant sur son environnement. Le chômage, explique le ministre, est dû à deux problèmes structurels : une croissance économique stagnante et une pédagogie obsolète.
Une stratégie à quatre axes
La nouvelle stratégie du ministère s’étale sur les années 2017 (ou ce qu’il en reste) et 2018, mobilisant un budget de 105 millions de dinars. Une enveloppe qui couvre quatre principaux axes : la pédagogie, la vie universitaire, les centres de carrières et l’ouverture sur l’environnement entrepreneurial.
Une pédagogie adaptée aux métiers de demain
L’accréditation à l’international de nos institutions n’est plus un choix car à partir de 2023, les universités américaines et européennes ne collaboreront qu’avec des institutions accréditées. La formation des formateurs sera parmi les priorités du ministère. Ce dernier oeuvre afin d’impliquer les entreprises dans l’élaboration des programmes et de les adapter à leurs besoins.
Diplômés et employables
Les soft-skills sont très importants quand il s’agit de préparer les jeunes au marché de l’emploi. De nombreuses initiatives ont été mises en place. Afin d’éviter leur éparpillement, le ministère a lancé le programme 4C. Il s’agit de centres de vie pour les étudiants ayant pour mission de les préparer avant de se lancer sur le marché de l’emploi. L’accompagnement, qui démarre avant même l’obtention du diplôme, devrait permettre aux étudiants d’améliorer leurs soft-skills (communication, esprit de synthèse, travail collaboratif, ...). “Nous allons aussi livrer des certifications dans des skills qui ont un impact positif sur leur réussite sur le marché de l’emploi, tels que l’anglais et l’informatique”, a indiqué le ministre. Une plateforme numérique va permettre aux centres de collecter les données relatives à l’employabilité de leurs diplômés (nature des entreprises et des postes, salaires, temps avant le recrutement, …). Armé de ces informations, l’etat pourrait enfin adapter ses stratégies en fonction des besoins réels des entreprises.
Des étudiants épanouis
La vie universitaire ne se limite pas à la classe. Le foyer, les restaurants et les autres composantes universitaires doivent offrir les conditions propices à l’évolution des étudiants. Naturellement, ceci nécessite un budget important, “Mais nous allons commencer avec des projets simples”, a insisté le ministre. D’après Slim Khalbous, le partenariat avec le secteur privé est une composante essentielle de cet axe.
La recherche scientifique au service de la croissance
“Nous voulons que la recherche scientifique soit un axe de développement économique en Tunisie”, a annoncé Khalbous. Pour ce faire, le ministère va oeuvrer pour rapprocher la recherche scientifique du tissu économique et encourager les diplômés à prendre de l’initiative. Un programme post-pfe va permettre de valoriser les projets de fin d’études et contribuer à implémenter ceux à très forte valeur ajoutée dans l’entreprise. Des fonds de pré-amorçage vont également être instaurés au niveau des établissements universitaires pour encourager la création de startups au sein de l’université.
Docteurs, mais chômeurs !
Etant donné la baisse du nombre des étudiants, l’université ne pourra plus continuer à recruter tous les docteurs dans les universités publiques. Celai dit, “ce n’est pas admissible que des docteurs soient au chômage”, a signalé Slim Khalbous. Le nombre de postes ouverts est en baisse, passant de 1170 en 2015 à 377 en 2016. Cela est dû à la décroissance du nombre d’étudiants : entre l’année dernière et cette année, le nombre d’étudiants a diminué de 28%. Ce faisant, le ministère a élaboré une stratégie qui devrait permettre d’employer la majorité des doctorants dans les deux années à venir. Un financement de 7 millions de dinars sera réservé aux docteurs chercheurs dans le cadre du Mobidoc, de même pour les thèses en entreprise. Quant au post-doc, un cadre juridique sera mis en place et des incitations sont prévues pour les entreprises qui recrutent les jeunes docteurs. Le ministère de l’enseignement supérieur a signé un partenariat avec l’agence
Tunisienne de Coopération Technique, permettant aux docteurs d’aller à l’étranger pour gagner en expérience. L’agence va pouvoir puiser dans une base de données dédiée aux docteurs pour répondre aux demandes de l’étranger. Les docteurs peuvent aussi être recrutés en entreprise ! Etant donné qu’ils ont passé de longues années dans les laboratoires, le ministère va leur fournir un stage d’initiation à la vie professionnelle, avec des coachs experts en la matière. Khalbous a également annoncé la tenue, en décembre prochain, d’un grand forum pour le recrutement des docteurs, avec la participation d’un grand nombre d’entreprises. Le ministère de l’emploi, pour sa part, devrait fournir une ligne spéciale de financement dans le cadre du programme “Contrat de la Dignité”. Mille contrats seront disponibles à partir de janvier 2018 avec une double prime. Et pour les docteurs qui souhaiteraient se lancer dans l’entrepreneuriat, le ministère va mettre le paquet : un fonds de 25 millions de dinars leur sera dédié. Jusqu’à 500 projets portés par des docteurs seront ainsi financés, à hauteur de 100 mille dinars !
De la nécessité de regarder vers d’autres horizons
Le ministre a mis l’accent sur l’importance de renforcer les partenariats traditionnels de la Tunisie. Il a fait savoir l’existence de trois projets avec les pays maghrébins : un nouveau programme d’échange et de mobilité, un projet relatif à la réalisation d’un portail pour les universités maghrébines et un projet de réseautage entre les instances d’assurance. Pour ce qui est des partenariats avec les pays du Golfe, il a évoqué l’existence d’un projet qui porte sur la création d’un complexe médical universitaire en Tunisie financé par le Qatar et d’un projet de centre d’excellence pour le pétrole et les énergies renouvelables en partenariat avec l’arabie Saoudite. Nombreux sont les projets qu’il faudrait consolider avec l’union européenne, a fait savoir le ministre. Il s’agit de H2020, PRIMA, TEMPUS ou encore ERASMUS+.
Renforcement des relations avec l’asie et l’afrique
Le Japon était le premier pays en Asie avec lequel la Tunisie a noué des partenariats dans l’enseignement supérieur. Sur ce volet, le ministre a indiqué l’exis- tence de plusieurs programmes entre les deux pays, à l’instar du projet sur « la valorisation des bio-ressources en milieux arides et semi-arides» et un projet sur « la valorisation industrielle des bio-ressources ». Sur le continent africain, le ministre a indiqué que la Tunisie offre son assistance professionnelle dans le domaine scientifique et pédagogique à de nombreux pays, et en particulier les pays francophones. Par ailleurs, le nombre des étudiants étrangers dans les établissements universitaires tunisiens a atteint 7346 en 2017. L’objectif est de réaliser une hausse de 5% en 2019 et de 10% en 2021. Dans les universités publiques, les étudiants étrangers ne représentent que 1% du nombre total des étudiants. Dans le secteur privé, par contre, la part des étudiants étrangers est de 15%, dont 98% proviennent de l’afrique Subsaharienne ! Vers où se dirigent les étudiants tunisiens ? Le ministre a fait savoir que 825 étudiants tunisiens bénéficient d’une bourse à plein temps et 1709 étudiants bénéficient d’une bourse par alternance. Les pays les plus convoités par les étudiants tunisiens sont : la France, le Canada et l’allemagne. Prenant acte du phénomène de la fuite des cerveaux, le ministre a fait savoir qu’un grand nombre de compétences tunisiennes ne font pas bénéficier la Tunisie de leur expérience et compétence acquises dans des établissements étrangers de renommée internationale. Sur un nombre total de 1840 chercheurs dans l’enseignement universitaire expatriés, 1646 sont établis dans le monde arabe. Le ministre a indiqué qu’il envisage que soient créés des mécanismes pour que les compétences tunisiennes restent en contact avec la Tunisie et puissent faire profiter le pays de leur expérience.
Comment valoriser la recherche scientifique
En 2017, le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique gère un budget de 300 MDT destiné à la recherche dont 30% sont alloués directement aux structures de recherche. Néanmoins, certains problèmes bureaucratiques peuvent entraver cette gestion. “Nous n’avons pas pu, par exemple, débloquer un montant de 70 MDT alloué à la recherche scientifique et pour les laboratoires de recherche”, indique Slim Khalbous. Dans le même contexte, il a indiqué que plusieurs multinationales ont exprimé leur volonté de faire de la recherche scientifique avec l’université tunisienne comme c’est le cas dans d’autres pays, « mais aujourd’hui elles n’ont pas trouvé le cadre juridique idoine pour en faire. Il faut préparer des incitations à l’intention de ces multinationales pour une meilleure relation gagnant-gagnant. Le financement de la recherche scientifique provient essentiellement de l’etat à hauteur de 95%. Les dépenses en recherche scientifique constituent 0,66% du PIB. Le ministère de l’enseignement supérieur et de la Recherche scientifique finance la recherche à hauteur de 73%, suivi de 12% de la part du ministère de l’agriculture et celui de la Santé et 3% d’autres départements. Ces dépenses en recherche scientifique sont orientées vers les domaines suivants : sciences exactes (33%), sciences de la vie et biotechnologie (29%), sciences sociales, économiques et humaines (24%) et sciences techniques et ingénierie (13%). Nonobstant ces problèmes bureaucratiques et réglementaires, la recherche ne se porte pas si mal. Le nombre de publications scientifiques indexées est passé de 284 en 1990 à 5739 en 2016. La Tunisie est le premier pays en Afrique en production scientifique rapporté au PIB et au nombre d’habitants et est classée 60ème pour le nombre total de publications selon Web of Science. La structure de la recherche scientifique en Tunisie est composée de 314 laboratoires, 324 unités de recherche, 40 centres, et 37 écoles doctorales. A cet égard, le ministre a fait savoir que l’orientation est de réduire le nombre des unités de recherche pour les fusionner étant donné que leur nombre est un obstacle. En quoi consiste la nouvelle stratégie de la recherche scientifique? Les objectifs de la stratégie sont bel et
bien déterminés : à l’horizon 2022, la part du PIB allouée à la recherche scientifique devrait atteindre 1%. Le financement externe de la recherche scientifique (secteur privé, bailleurs de fonds et autres) devrait passer de 25% pour atteindre les 50%. Pour pouvoir drainer les finance- ments étrangers, certains chercheurs seront formés sur la manière de marketer les recherches et se conformer aux appels à candidature. Ils seront attelés à la tâche en collaboration avec le ministère. Le ministre a également fait savoir que des incitations seront destinées à la création de startups dont la mission est de prospecter, moyennant une rétribution, des financements étrangers pour les projets de recherche. Le ministre a indiqué que des financements seront accordés en priorité aux recherches portant sur les six domaines prioritaires de l’etat.