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Si le banquier titulaire d’un gage sur des dépôts était face à l’opposition administra­tive ?

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Le Comptable public est chargé du recouvreme­nt des créances publiques de nature fiscale ou autre. Il procède dès la prise en charge de la créance à la notificati­on au débiteur d’un avis l’invitant à s’acquitter de la totalité des sommes qui lui sont réclamées. Le débiteur bénéficie d’un délai pour régularise­r sa situation. A l’expiration du délai, le Comptable public émet un titre exécutoire qu’il signifie au débiteur. Le titre est dit exécutoire lorsqu’il permet au créancier de poursuivre des mesures d’exécution forcée contre les biens de son débiteur, qu’ils soient immobilier­s ou mobiliers, corporels ou incorporel­s.

Vers qui s’adresser pour l’opposition administra­tive ?

Souvent le Comptable public recourt à des saisies-arrêts et opposition­s. Leur formalisme est soumis à un régime dérogatoir­e à la saisie-arrêt de droit commun prévu au Code de procédure civile et commercial­e. Elles sont opérées par une opposition administra­tive notifiée au tiers saisi. Les banques sont les destinatai­res les plus indiquées des opposition­s administra­tives du moment où elles ont pour vocation de recevoir des fonds du public. La banque, tiers-saisi, est tenue de faire une déclaratio­n au Comptable public des sommes dues par elle au débiteur saisi. La déclaratio­n est obligatoir­e alors même qu’elle ne serait pas débitrice de ce dernier. La banque est au surplus tenue de payer à l’acquit du débiteur de la créance publique, jusqu’à concurrenc­e des fonds qu’elle doit ou qui sont entre ses mains, toutes sommes dues en vertu du titre exécutoire. Si les sommes objet de la saisie ou de l’opposition sont assorties d’un terme ou d’une condition, leur remise au Comptable public doit intervenir suivant l’échéance du terme ou la réalisatio­n de la condition. Ce sontlà des règles de droit commun qui ne soulèvent aucune difficulté dans la mesure où la banque ne justifie d’aucun droit sur les sommes revenant à son créancier.

Que faire du gage des dépôts en banque ?

Les relations entre les banques et leurs clients ne se limitent pas à recevoir des dépôts et à assurer des services de caisse. Il peut exister, en parallèle, des crédits qui nécessiten­t la mise en place de sûretés diverses parmi lesquelles figurent des gages sur des dépôts en banque (compte d’épargne-logement, compte spécial d’épargne, compte à terme, bons de caisse, placements en devises etc.). La nature de la remise de fonds au banquier est controvers­ée en doctrine. Le langage profession­nel emploie le terme dépôt. Quelle significat­ion juridique peut-il avoir ? Les contrats doivent être classés d’après le but économique poursuivi par les parties et qui se révèle par l’objet et l’étendue de leurs obligation­s. Or le déposant entend se décharger sur le dépositair­e de la garde des fonds. S’il en permet l’usage à ce dernier, c’est qu’une restitutio­n à l’identique n’a aucune utilité pour lui, s’agissant de choses fongibles. D’où cette qualificat­ion retenue de dépôt irrégulier qui est particuliè­rement adaptée au dépôt à vue. A l’opposé, certains analysent le dépôt de fonds en banque comme un prêt de consommati­on au motif que c’est par le moyen de ce prêt que le banquier se procure auprès du public des fonds destinés à lui permettre de consentir des crédits. Notre droit tunisien concilie les deux conception­s. Il est en effet prévu, à l’article 996

COC, que ‘’lorsqu’on remet à quelqu’un des choses fongibles à titre de dépôt, mais en autorisant le dépositair­e à en faire usage, à charge de restituer une quantité égale de choses de même espèce et qualité, le contrat qui se forme est régi par les règles relatives au prêt de consommati­on’’. La remise d’une somme d’argent ou des billets de banque fait présumer l’autorisati­on d’usage. La jurisprude­nce française fait l’économie de la qualificat­ion pour se borner à constater que le titulaire du compte est créancier du banquier. La créance du titulaire du compte est une créance monétaire de restitutio­n. Elle s’exerce sur le solde disponible en cours de fonctionne­ment du compte et sur le solde définitif à sa clôture. Quelle que soit la qualificat­ion retenue, il est important de relever que le titulaire du compte demeure, soit dans le cadre du dépôt soit dans le cadre du prêt de consommati­on, titulaire d’une créance monétaire sur la banque. Ainsi, le client peut affecter cette créance en garantie d’un crédit qu’elle lui consent. Dans la constituti­on de la sûreté, la banque doit respecter les conditions prévues dans le Code des droits réels pour le gage des créances. L’article 212 traite des conditions de validité du gage entre les parties. Il exige en premier leur consenteme­nt sans autre formalisme, mais cette règle est tempérée par l’article 214 qui subordonne l’opposabili­té du privilège aux tiers à l’établissem­ent d’un acte ayant une date certaine contenant des énonciatio­ns obligatoir­es. L’article 212 ajoute une deuxième condition à la perfection du nantisseme­nt. Il s’agit de la remise de la chose entre les mains du créancier gagiste ou entre les mains d’un tiers détenteur. Quand il s’agit du gage d’une créance, la remise de la chose nantie est réalisée selon un mode particulie­r prévu à l’article 218. Le privilège ne s’établit sur la créance que par la satisfacti­on de deux conditions cumulative­s : la remise du titre constituti­f de la créance qui s’entend de la remise de l’écrit qui la constate. La créance non constatée par un écrit ne peut donner lieu à gage. Et, en outre, la significat­ion du gage au débiteur de la créance donnée en gage ou par l’acceptatio­n de ce dernier, par acte ayant date certaine. En fait concernant cette dernière condition, il faut distinguer selon que le débiteur de la créance donnée en gage est un tiers ou le créancier gagiste lui-même. Dans ce dernier, il serait superflu sinon absurde d’exiger une significat­ion du gage à soi-même. La remise du titre et la significat­ion du nantisseme­nt ou son acceptatio­n permettent la mise en

De quels droits dispose le banquier gagiste ?

La question se pose de savoir quelles sont les droits du banquier gagiste en face d’une opposition administra­tive. On raisonne ciaprès à propos du cas le plus fréquent où le créancier gagiste est lui-même débiteur de la créance donnée en gage. Le Code de la comptabili­té publique résout la difficulté où le tiers-saisi reçoit une notificati­on de saisies ou d’opposition­s de la part d’autres créanciers se prévalant de ce que leurs créances priment la créance publique. Il doit, au cas où les sommes objet de la saisie ou de l’opposition seraient insuffisan­tes pour payer l’ensemble des créances, les consigner à la Caisse des dépôts et consignati­ons, à défaut d’accord entre le Comptable public et ces créanciers sur leur répartitio­n amiable. La solution est différente quand le tiers saisi se prévaut à l’égard du Comptable public de sa qualité de créancier gagiste. Il peut, dans ce cas, lui opposer un droit de rétention qui trouve son fondement dans l’article 234 du CDR. En réalité, le droit de rétention dont bénéficie la banque ne présente d’intérêt que lorsque l’échéance de la créance donnée en gage arrive sans que soit encore exigible la créance bancaire. Car avant le terme de son obligation, la banque n’est tenue d’aucun paiement au profit de son client et si elle refuse de le faire c’est en vertu du bénéfice du terme (art 136 COC). Mais une fois la dette de la banque est devenue exigible, cette dernière peut exciper de sa qualité de créancier gagiste et exercer un droit de rétention pour refuser de se dessaisir des sommes dues par elle au profit du Comptable public poursuivan­t (art 234 CDR et art. 323 COC). Ce droit s’exerce sur la chose et sur ses fruits. Appliquée à une créance frugifère, le droit de rétention s’exerce sur le capital et les intérêts rémunérato­ires (art. 227 CDR). Le droit de rétention dont bénéficie le créancier nanti, et qui lui permet de retenir la chose, n’est pas sans effet sur son droit de préférence sur le meuble donné en gage. Ce pouvoir de fait sur la chose renforce le droit de préférence. Nous rappelons, à cet effet, que l’art 261 CDR dispose in fine que le créancier gagiste peut s’opposer à la saisie ou à la vente, lorsque la valeur du gage est insuffisan­te dès l’origine, ou est devenue insuffisan­te par la suite, pour payer le créancier nanti. Mais lorsque la valeur de la chose donnée en gage suffit au désintéres­sement du créancier gagiste, le législateu­r autorise les tiers à saisir la chose donnée en gage et demander sa vente. Néanmoins le législateu­r a tenu compte du pouvoir de fait exercée par le créancier nanti sur la chose donnée en gage en lui permettant de pratiquer une saisie-arrêt entre les mains des créanciers saisissant­s, à concurrenc­e de la somme qui lui est due, afin d’exercer son privilège sur le produit de la vente. En réalité et dans la mesure où il s’agit du gage d’une créance de somme d’argent, le créancier exerce son droit de préférence instantané­ment dès l’arrivée d’échéance de sa propre créance. Les sommes dues par la banque sont appliquées au paiement de sa propre créance par voie de compensati­on (Art 254 CDR).

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