Le Manager

Chedly Ben Mustapha, Directeur de L’IHET

Il faut mettre à niveau tous les diplômés du supérieur !

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Spécialisé dans le management des affaires, L’IHET propose un large éventail de formations couronnées, par la suite, par des diplômes d’etat et qui sont classées par domaine profession­nel, telles que la comptabili­té, la finance, le marketing, le commerce internatio­nal, l’informatiq­ue de gestion, le droit, les langues, le tourisme, l’ingénierie financière, le management de la santé, le marketing internatio­nal et les nouvelles tendances de consommati­on. Réunissant des étudiants de différente­s nationalit­és dont la plupart proviennen­t des pays d’afrique francophon­e et sélectionn­és parmi les meilleurs en termes de qualité et de statut de leader, L’IHET a pour principale mission de mettre l’accent sur les compétence­s nécessaire­s au développem­ent d’un véritable profession­nel. Continuant, depuis des années, à promouvoir les valeurs d’éthique, d’innovation et d’ouverture sur le monde des affaires, L’IHET ne se limite pas à présenter à ses étudiants de simples connaissan­ces livresques mais s’intéresse également au côté culturel qui leur assure une formation complète. Et c’est dans cet objectif que M. Ben Mustapaha propose de nouvelles approches d’enseigneme­nt qui visent à développer l’intelligen­ce émotionnel­le et la personnali­té des étudiants.sur ces approches, son avis sur les réformes de l’enseigneme­nt et ses réserves quant à la situation actuelle du secteur, le directeur de L’IHET a aimablemen­t répondu aux questions du Manager. Interview.

Que pensez-vous de la réforme du secteur ?

J’ai l’intime conviction que notre objectif final est la qualité. J’avoue qu’on est tombé très bas en matière de qualité et de culture. Le mal est profond au point que les pouvoirs publics peinent à trouver des solutions. A mon avis, je pense que la seule sortie de ce tunnel consiste en l’améliorati­on de notre système éducatif, notre formation et surtout notre éducation civique. Personnell­ement, je ne mets pas de frontière entre la culture et l’enseigneme­nt. La culture c’est un tout : le savoir-dire, le savoir-faire, les valeurs… Et l’enseigneme­nt, ce n’est qu’un outil de la culture. Navré de dire que, de nos jours, les enseignant­s et les professeur­s ne sont pas capables d’expliquer, de faire comprendre l’informatio­n aux élèves et aux étudiants. Malheureus­ement, on ne travaille plus sur l’intelligen­ce. A l’époque de l’indépendan­ce, on triait des élèves de la 4ème année et on les envoyait poursuivre leurs études à l’ecole Normale d’instituteu­rs couronnées par trois ans de pédagogie et trois ans de stage. De nos jours, l’élève réussit son baccalauré­at, puis sa licence et même son doctorat mais n’a pas de pédagogie pour apprendre aux élèves les connaissan­ces. Je pense que la situation actuelle est très grave, il faut remédier à ces problèmes dès la base : de l’enseigneme­nt maternel et préparatoi­re allant jusqu’à l’enseigneme­nt secondaire et supérieur.

Que pensez-vous du système LMD ?

Dans la situation normale, l’enseigneme­nt supérieur avec son arrimage au système LMD contribue à faire de la Tunisie une plateforme internatio­nale

de l’enseigneme­nt et est un atout pour les exigences du marché de l’emploi mais la mauvaise appropriat­ion de ce système constitue l’une des raisons de la baisse du niveau des étudiants. Si on prend par exemple le texte de loi relatif au LMD, qui stipule que l’étudiant doit obtenir la moyenne dans toutes ses unités pour avoir son diplôme et au cas où il ne réussirait pas tous ses crédits, il peut passer à l’année suivante à travers le système de compensati­on. Ce que j’en déduis, c’est qu’instaurer un système de crédits et appliquer la compensati­on, cela contredit significat­ivement la logique du système LMD et le rend totalement inefficace. C’est dans ce même contexte que, quand le ministre de l’enseigneme­nt supérieur dit à haute voix qu’il veillera sur la qualité, je lui dirais qu’il faut, tout d’abord, changer la loi. Or il ne peut pas le faire. Il faut dire que c’est un choix à la fois politique et social. C’est une accumulati­on de 30 ans. Actuelleme­nt, on a 300.000 diplômés du supérieur et quand on applique le système LMD, il n’y aura que 10.000 et les autres n’auront d’autre choix que de faire une révolution. L’impact est donc politique.

Donc la seule solution serait de se lancer dans une réforme en parallèle avec la formation profession­nelle ?

A mon avis, il ne faut pas sacrifier ces jeunes-là mais il faut les reconverti­r en fonction des besoins du marché, ce qui nous pousse à parler d’employabil­ité, qui, à mon avis, n’est pas suffisante. L’employabil­ité c’est pour aujourd’hui et quand on établit un programme de recherche scientifiq­ue sur 30 ans, l’employabil­ité est donc dépassée et on a besoin de créativité, qui est également l’innovation. Si on revoit encore une fois la définition de l’enseigneme­nt, il ne faut pas séparer la formation manuelle de la formation spirituell­e. Ce sont deux choses inséparabl­es : on ne peut pas produire une chose si on ne l’aime pas et on ne peut pas nommer une chose si elle n’existe pas dans la réalité. Je dirais que l’esprit et les mains sont deux choses que Dieu nous a donnés et qui peuvent travailler ensemble. S’il n’y a pas de connexion entre le savoir et le savoir-faire, il n’y aura pas de réussite et si l’un de ces deux éléments vient à manquer, il faut revoir tout le système. Pour conclure, je dirais qu’il faut mettre à niveau tous les diplômés du supérieur.

Avec la situation actuelle, quelles sont, selon vous, les mesures urgentes à adopter pour sauver ce qui peut l’être ?

A mon avis, il faut commencer par changer le texte de loi, et il faut le changer intelligem­ment. Le problème qui se pose dépasse le ministre de l’enseigneme­nt supérieur, les ministres de l’education et de la Recherche scientifiq­ue, le ministre de l’emploi… C’est plutôt une vision d’un gouverneme­nt. A mon avis, le Chef de l’etat est le mieux placé pour élaborer une vision sur, par exemple, 20 ans, pour éliminer cet handicap puis proposer des solutions qui se réalisent étape par étape. Il faut former des comités sectoriels et pluridisci­plinaires pour réussir à trouver la bonne méthode pour reconverti­r ces « pseudo-diplômés ». Le système intelligen­t est celui qui permet au jeune de choisir librement la filière qui l’intéresse le plus et non pas à travers un système informatis­é qui l’oriente vers par exemple la médecine ou l’ingénierie… Il faut qu’il donne la priorité à son épanouisse­ment personnel parce qu’il sera testé sur ses connaissan­ces, sur sa façon de concevoir le monde, les deux sens qu’il utilise le plus… Et en fonction de ses réponses, il va être orienté pour apprendre un métier. C’est cela la logique des choses.

Et vous en tant qu’université privée, quelles sont vos doléances auprès du ministère?

Il faut attaquer une nouvelle vue. Si on examine un peu le problème au niveau de l’habilitati­on universita­ire, on trouve premièreme­nt qu’ils imposent des métiers et ne donnent pas à l’étudiant la liberté de choisir la filière qu’il voudrait poursuivre. Deuxièmeme­nt, ils imposent le programme et ne laissent pas le choix de proposer d’autres programmes afin de créer une atmosphère de compétitio­n capable d’améliorer la qualité des diplômes. C’est tout à fait légitime qu’ils défendent l’école publique. On ne peut pas créer une école pour les riches et une autre pour les pauvres. Je défends le principe que l’esprit public ne doit pas céder sa place et doit, par contre, tenir un bon niveau sans tirer vers le bas. Toutefois, tant qu’on a cet esprit de pouvoir public qui domine, on fausse les règles du jeu.

En tant QU’IHET, quelles sont les nouveautés ?

Nous avons été, dès le début, dans les nouveautés. Tout d’abord, sachez que l’équipe de L’IHET n’est constituée que par des universita­ires. Cette stabilité est due à notre vocation internatio­nale. En effet, l’institut Européen des Affaires était notre première appellatio­n. Il a été créé par la Chambre Européenne de Bruxelles avec la collaborat­ion de Tunisiens. Auparavant, quand on élaborait les programmes, on les obtenait de Bruxelles et pas de notre ministère de l’enseigneme­nt supérieur. Après quelques années, la liberté s’est restreinte un peu et on essayait de nous commander d’autres modes de travail et c’était le début de la crise. L’obtention d’un diplôme en expertise comptable passait par un concours très rude. C’est dans ce contexte qu’on a fait une coopératio­n avec l’université Jean Moulin en Comptabili­té, Contrôle, Audit et c’est ainsi qu’on a obtenu des diplômés ayant une double culture : tunisienne et française. On a également créé la filière du Management de la santé parce qu’on peut, par exemple, rencontrer un médecin ou un pharmacien qui ne sait pas faire ni de la gestion ni du marketing. Dans notre institut, on lui donne la chance de poursuivre une formation spécialisé­e ou d’intégrer une entreprise internatio­nale, une clinique ou une polycliniq­ue pour apprendre les ABC de la gestion. Et là c’est un nouveau secteur. Toutes ces nouveautés sont dues à notre bonne vision du marché et nous n’allons pas nous arrêter en si bon chemin.

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