Le plafond de verre sera-t-il brisé dans les instances de décision
La diversité des genres à la croisée du management et de la sociologie a le vent en poupe. De plus en plus les entreprises accordent de l’importance à la gestion de la diversité des genres. « La diversité des genres dans les sphères de décision des entrep
Organisé par l’institut Arabe des Chefs d’entreprise (IACE) et la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ), cette rencontre, inscrite dans le cadre du “programme régional d’intégration économique des femmes dans la région MENA” (Econowin) est l’occasion propice pour lever le voile sur la réalité tunisienne. Et pour but ultime de jeter la lumière sur les retombées sur l’entreprise. Fait paradoxal, la Tunisie qui a pour réputation d’être avant-gardiste dans le monde arabe en matière d’égalité homme-femme, ne fait pas exception concernant la diversité du genre dans le paysage régional. The Global Gender Gap Report de 2017, mettant le focus sur l’écart entre les hommes et les femmes, et ce, dans quatre domaines clés, à savoir la santé, l’éducation, l’économie et la politique, a fait ressortir que la Tunisie occupe la 117ème position sur 144 pays. « Les données recueillies sont alarmantes », a avancé Olfa Arfaoui, Country Manager Econowin. Et d’ajouter : « Nous avons un taux de femmes diplômées qui avoisine les 60% dont uniquement 30% travaillent» . Cette égalité est encore plus menacée quand il s’agit des postes de prise de décision. En effet, si au niveau mondial les femmes représentent 18,6% du top management, ce n’est que de l’ordre de 8.5% dans les entreprises tunisiennes. «La présence de la femme dans le top management, comparée à d’autres postes plus modestes en Tunisie, n’est pas importante. Pour preuve, seulement deux femmes siègent aux conseils d’adminis- tration des entreprises cotées en Bourse en Tunisie. Le milieu universitaire n’est pas mieux loti : 60% d’enseignants sont des femmes alors que le poste de président d’université ne compte que trois femmes », a déclaré Majdi Hassen, Directeur exécutif de L’IACE.
Le cap est fixé mais le chemin demeure long Mettant l’accent sur son expérience, Essma Ben Hamida, CEO d’enda Tamweel, estime que l’héritage culturel et la mauvaise interprétation de la religion sont les deux raisons majeures qui font que la femme soit écartée des milieux de travail et notamment des postes de top management. Quant à la directrice générale de l’institut de la Normalisation et de la Propriété Industrielle INNORPI, Mme Amel Ben Farhat, elle adhère totalement à cette cause. Ayant sui-
vi une filière réputée masculine, la DG paraphrase le titre d’un article qui illustre une réalité qu’elle a toujours vécue: ”C’est bien d’être une femme, mais c’est plus simple d’être un homme”. Amel Ben Farhat juge son parcours comme étant une bataille dont elle est sortie gagnante. Aucun encouragement ni soutien ne lui ont été apportés, seule sa volonté lui a permis de grimper sur les cimes. Vient la rejoindre dans ce même contexte, H enda Essafi, la seule femme à avoir occupé le poste de DG dans les 15 sites de Faurecia Automative Seating sur l’europe et la région North-africa qui considère que rien ne peut retenir une femme qui a la ténacité d’évoluer. Indéniablement, les participants se sont accordés à affirmer que pour réussir une vie professionnelle les femmes doivent redoubler d’efforts. Toutefois, elles sont parfois prisonnières de stéréotypes et d’héritage culturel les confinant aux modèles de mère et d’épouse pour se conformer à un cadre jugé normatif. Peu nombreuses sont les femmes ayant réussi à casser les codes surannés, l’idéal serait de faire de ces exceptions une généralité. Ainsi, on peut aisément se rendre compte qu’un long chemin reste à parcourir pour valoriser le potentiel des femmes qualifiées et compétentes. C’est pourquoi, ont été proposées lors de ce débat de multiples solutions. Le travail commence dès la pe- tite enfance. Il serait pertinent de cibler les générations futures en soulevant l’intérêt des enseignants du primaire sur ce défi. La sensibilisation sur cette question demeure nécessaire dans la mesure où tous les acteurs sociaux sont concernés. Il devient opportun d’avertir non seulement les femmes –qui s’autocensurentmais aussi les hommes – pouvant représenter un handicap devant l’évolution de la femme. Il devient vital que l’homme perçoive la valeur ajoutée des femmes dans des postes de décision, a précisé Sonia Dammak, directrice de communication chez Vivo energy. En outre, les formations et le coaching au sein des entreprises s’avèrent d’autant plus indispensables. Les entreprises peuvent également mettre en place des mécanismes qui favorisent la diversité des genres à travers le recrutement, la rétention ou la promotion. Le programme Econowin peut être à cet effet un réel catalyseur. Incontestablement, toute diversité est source de richesse, celle des genres ne fait pas exception.
Les femmes décident, les entreprises gagnent L’intégration économique des femmes est un levier de croissance économique d’un pays. D’ailleurs, selon une étude menée par le Mckinsey Globale Institute, une participation des femmes à l’économie plus égalitaire permettrait d’augmenter de 28000 milliards de dollars, soit de 26% le PIB mondial annuel à l’horizon de 2025. Et ce n’est pas Hatem Becha, DRH Valeo, qui le démentira. En effet, offrant des produits d’organes de transmission dans l’automobile avec 4 sites et 2000 employés dont 45% sont des femmes, le responsable a témoigné qu’accorder une importance à la participation féminine dans le top management a bien apporté ses fruits. L’année dernière, après 17 ans de service, l’entreprise a décidé de changer de stratégie, en dépassant les blocages que se font les managers à l’égard des femmes. Résultat: en recrutant une technicienne, les résultats ont augmenté de l’ordre de 10%. Tentant l’expérience une deuxième fois, l’équipe a chargé une jeune diplômée d’occuper le poste de manager. Cette dernière a réussi à gérer une équipe de 400 personnes et à résoudre le problème du sureffectif dont a tellement souffert l’entreprise. L’idée a été approuvée par Sonia Dammak qui persiste et signe sur le fait que l’intelligence émotionnelle est essentielle en leadership et en management. Sa sensibilité et sa capacité de voir les choses autrement font de la femme une composante essentielle dans l’entreprise. La discrimination positive à l’égard de la femme devient une urgence pour apporter une richesse au sein de l’entreprise.
De G. à D. : Sonia Dammak, Bertrand Delanoë, Ahmed Bouzguenda, Youssef Chahed, Abbes Mohsen et Radhi Meddeb
un appel à l‘adresse des autorités législatives en leur conseillant d’éviter certaines erreurs effectuées par la France en la matière. « Nos erreurs sont d’abord la complexité des responsabilités. Pour ma part s’il me venait à être de nouveau candidat à la mairie, ce qui n’arrivera plus jamais, je dirais que je préfère avoir moins de responsabilités mais les avoir entièrement » De ce fait, Bertrand Delanoë gratifiera tous les candidats aux élections municipales d’un conseil : « plus le projet est bien élaboré en amont, moins il y aura de problèmes dans la mise en oeuvre». Selon l’intervenant, ce qui se produit le plus souvent est qu’il existe plusieurs échelons qui se chevauchent. A ce titre, Radhi Meddeb précise que pour l’heure, collective. Vous allez constater au cours des événements que la démocratie participative est un état d’esprit où l’on donne la possibilité aux acteurs de s’exprimer » explique Bertrand Delanoë. Pour Abbès Mohsen, ancien maire de Tunis, la réussite de la décentralisation est possible à condition de respecter deux conditions, à savoir la salubrité des finances et la loyauté par rapport à ses principes fondateurs. Dans le premier cas, les collectivités locales, libérées de la tutelle de l’etat doivent se garder d’accorder des largesses financières à des associations ou des communautés considérées comme des réservoirs électoraux mais plutôt oeuvrer à créer de nouveaux établissements, à améliorer la mobilité urbaine et interurbaine.
La pression fiscale sous le collimateur Parmi les défis à relever, le risque de l’accroissement de la corruption apparaît ici en tête d’affiche, suivi de la crainte de l’aggravation de la pression fiscale. Par ailleurs, Faycel Derbel, Ministre-conseiller auprès du Chef du Gouvernement indiquera de son côté que la pression fiscale qui est à ce jour de l’ordre de 23%, auquel il faudrait ajouter les 1% pourrait-elle être accentuée par la décentralisation? La réponse selon l’expert en la matière est non ! « Nous avons atteint un taux record ». Faisant acte des difficultés financières et de la « modicité des ressources » des collectivités locales, les réformes deviennent impératives a martelé le ministre. Et pour précision, il expliquera qu’il faut simplifier les régimes d’imposition, élargir les champs d’application de la TCL en premier lieu mais aussi des autres redevances, l’amélioration du recouvrement des taxes et des redevances locales. Néji Baccouche, président du centre d’etudes fiscales a bonde dans le sens que les collectivités locales doivent avoir les moyens de la mission dont elles sont chargées, rappelant au passage que « la légitimité d’un pouvoir se fonde sur l’impôt ». Il met l’accent également sur la nécessité de former des cadres et des compétences au sein des collectivités locales, facilitant la voie à ce que ces dernières réalisent leurs objectifs. Décentralisation et risques de corruption : contrer le mal à son origine ! A ce titre, une panoplie d’experts ont expliqué que des appréhensions sont légitimes dans la mesure où dans la Tunisie postrévolutionnaire, ni la loi ni l’etat ne sont fortement respectés. Dans ce sillage, une interrogation et non des moindres a surgi dans les airs de ce panel : existe-il une relation entre la décentralisation et la corruption ? Pour tenter d’y répondre, l’expert-comptable et ancien député Slaheddine Zahaf expliquera que lorsque la décision est prise de manière collégiale au niveau régional, le risque de la corruption diminue. Néanmoins, un des principes de la décentralisation est l’amélioration de l’administration publique. A cet effet, il parait incontournable de faire face à des risques de dérapage notamment si des instruments sont conçus de manière ambigüe. Slaheddine Zahaf indiquera de même que lesdits principes n’ont toujours pas été mis en place. Il appellera alors à une meilleure organisation pour consacrer une administration viable et fiable tout en respectant le rôle joué par l’etat. Neila Chaâbane, universitaire de son état mettra donc l’accent sur la nécessité de maîtriser l’ensemble des ressources tout en mettant en place des garde-fous en vue de faire front à la corruption. Selon ses dires, la corruption pourrait venir du fait qu’il y ait absence d’autonomie financière et matérielle que nécessitent les collectivités locales. Cela agirait comme une sorte de brèche par laquelle pourrait donc se faufiler les risques de corruption et il serait difficile par la suite d’en effectuer la traçabilité. Les risques de la corruption viendraient essentiellement et dans un premier ordre du manque voire de l’absence de moyens financiers et matériels. A partir du moment où l’on identifie l’origine du mal, il devient aisé d’agir en conséquence et d’en limiter ou éradiquer les effets néfastes. Faire mur contre les risques de la corruption revient à fournir les ressources nécessaires là où elles se trouvent réellement. Aussi complexe et à forts enjeux qu’elle est, la décentralisation suscite donc l’intérêt et la mise à contribution de tous les acteurs