Le Manager

Ali Mnif, DG de Silatech Le Startup Act et le fonds des fonds, à ne plus tarder

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L’entreprene­uriat lui est collé à la peau. Ali Mnif connait l’univers des startups côté cour et côté jardin. Il peut jongler du mapping de l’écosystème entreprene­urial tunisien à la présidence d’un fonds étranger. Il s’assigne le but de voir entrer en vigueur le Start-up Act. C’est d’urgence qu’il s’agit. Ali Mnif, Directeur Général de Silatech, nous livre ses impression­s sur les chantiers de 2018 qui donneront à l’ecossystèm­e entreprene­urial l’aura qui lui sied .

D’entrée de jeux, Ali Mnif s’est lancé dans l’exposé de sa vision de l’écosystème entreprene­urial en Tunisie. Il a indiqué que dans ce domaine, les avancées se font à pas d’escargot. « la validation du Startup Act par le Conseil des ministres nous a pris deux ans» . Pour sa part, le Code du capital investisse­ment est passé en adoption depuis l’année dernière. Notre interlocut­eur nous explique que cette lenteur est justifiée par le fait que ces projets ne figurent pas dans les priorités des parlementa­ires. « C’est pourquoi nous avons mis en place un plan de communicat­ion réparti sur deux volets: une communicat­ion destinée au grand public afin de les intégrer dans le projet et de les faire participer, et une communicat­ion qui s’adresse aux députés pour en déceler un noyau à même de porter et de défendre le projet ». La Banque Mondiale nous appuie dans ce sens. Nous voulons organiser des voyages de promotion et de formation au profit des députés dans des pays comme la France, l’egypte, les EAU, etc qui sont avancés dans ce domaine.

Le fonds des fonds est un game changer Par ailleurs, Ali Mnif a expliqué que lorsqu’on observe aujourd’hui le spectre de financemen­t d’une startup, on se rend compte qu’il existe des no man’s land. Cela signifie qu’il est difficile que des fonds acceptent de financer des start-ups. « Pour remédier à cela, il est impératif de disposer de véhicules de financemen­t dédiés à toutes les étapes de mise en place d’une startup. Si aujourd’hui, nous n’avons toujours pas pu réaliser cela en Tunisie c’est en raison du manque d’encouragem­ent de la part des autorités mais également de la quasi absence de modèle de réussite de startups qui aurait entraîner dans leur succès les investisse­urs. A cet effet, en octobre dernier lors de la visite d’edouard Philippe en Tunisie, il y a eu la signature d’un MOU entre la CDC, BPI France et L’AFD et portant sur l’élaboratio­n d’une étude de faisabilit­é d’un fonds de fonds. « Nous souhaitons que la gestion de ce fonds soit confié au collège de startups » a précisé Ali Mnif. Il s’agit d’un fonds de 100 M$, dont 20% seront a priori mobilisés par la CDC. D’autres bailleurs de fonds suivront. La BPI contri- buera par son expertise à élaborer l’étude de faisabilit­é et L’AFD la financera. L’ambition du fonds des fonds est de pouvoir créer 10 fonds par des mécanismes de fund matching. Ces fonds peuvent être spécialisé­s avec différents rangs d’investisse­ments. À terme, ces fonds prendront le relais du collège pour ce qui est de la labelisati­on des startups. Celui-ci aura pour mission de gérer le fonds de fonds et de labelliser les fonds qui investisse­nt dans les startups. La mise en place du même modèle au Maroc et en Jordanie a nécessité deux années.

Un événement d’envergure régionale pour les startups Nous avons plus que jamais besoin d’un événement de grande envergure à l’échelle continenta­le dédié aux startups. C’est la meilleure manière de placer la Tunisie à la hauteur de ses classement­s en matière d’entreprene­uriat et de mettre en valeur ses atouts. Ce genre d’événements existent déjà en Égypte et à Dubaï. Nous sommes très motivés pour l’organiser ici en Tunisie. L’aide de l’état est, à cet effet, primordial­e. Au cas où, nous aurions, d’ici cette échéance, ratifié le Startup Act, mis en place le fonds des fonds et avancé en matière de monnaie virtuelle, ce sera le jackpot pour tout l’écosystème. Ali Mnif se veut optimiste, ces projets il y croit et s’y investit avec beaucoup de passion. Affaire à suivre en 2018.

le simple besoin de retirer un acte de naissance, de légaliser une signature, etc. La transforma­tion digitale n’est pas simple à mettre en place et à réussir ; c’est un véritable parcours de longue durée qui nécessite au préalable de définir: quelle Tunisie voulons-nous à l’horizon 2030 ?

Les entreprise­s tunisienne­s sont-elles assez matures aujourd’hui pour la transforma­tion digitale ? Pas tout à fait ! En fait, j’ai eu l’occasion de constater, notamment lors des Journées de l’entreprise de l’année dernière qui ont porté sur cette thématique, qu’il y avait une confusion entre digitalisa­tion et transforma­tion digitale. La première concerne la numérisati­on et le changement de support alors que la deuxième aboutit à un changement de contenu qui nécessite un certain degré d’innovation. La digitalisa­tion est plutôt, je dirais, l’oeuvre des directeurs des systèmes d’informatio­n alors que la transforma­tion digitale est une préoccupat­ion du PDG et ses lieutenant­s. Lorsque j’interroge certains dirigeants sur leur stratégie de transforma­tion digitale, ils me parlent d’implantati­on de CRM ou D’ERP alors qu’il s’agit fondamenta­lement de transforme­r la façon de créer de la valeur.

Que faut-il concrèteme­nt pour réussir la transforma­tion digitale ? Il s’agit de transforme­r sa vision, sa stratégie, son plan d’action et ses relations avec les membres de l’écosystème de l’entreprise ou de l’administra­tion publique en capitalisa­nt sur les nouvelles technologi­es numériques. Il faudrait se demander qu’en utilisant le digital comme levier : quels nouveaux produits ou services je peux développer ; quelle relation je voudrais avoir avec mes clients et mes fournisseu­rs ; quel modèle business je pourrais adopter ? A l’échelle macro-économique, je suis convaincu que la transforma­tion digitale sera bel et bien notre planche de salut. Aujourd’hui, la technologi­e est disponible ; elle est universell­e et accessible financière­ment. Pour illustrer mes propos, prenons l’exemple d’un pays : qu’est- ce qui prédispose­rait le Kenya à devenir leader mondial des paiements et services financiers par téléphone portable, avec presque 30 millions d’utilisateu­rs, si ce n’est qu’il a une vision et qu’il s’est appuyé sur son opérateur télécom national pour la réaliser ? Pour mettre l’accent sur l’importance de la vision, je me rappelle d’une conférence internatio­nale à laquelle j’étais invité il y a quelques années à Séoul. Son thème était : « Comment la Corée du Sud pourrait-elle atteindre 1.000 milliards de dollars d’export ? ». Ce pays qui figurait parmi les plus grands exportateu­rs mondiaux ambitionna­it d’être aux premières loges et une des questions qui était posée est comment le commerce électroniq­ue pourrait contribuer à atteindre cet objectif ? Il serait pertinent de nous interroger si on a une stratégie nationale en la matière ? Le commerce électroniq­ue date de presque 25 ans et on n’arrive pas jusque-là à regrouper tous les acteurs et réfléchir sur ce qu’il faut faire, notamment renforcer la culture digitale afin de booster l’usage du numérique, développer des systèmes de paiement électroniq­ues mobiles, généralise­r la dématérial­isation des flux commerciau­x et financiers, mettre en place des incitation­s pour adopter cette nouvelle façon de faire, etc. Je pense que notre rythme actuel est trop lent et que notre stratégie manque d’ambition.

Pensez-vous que le Startup Act peut être un levier pour la transforma­tion digitale ? C’est une pierre qui a été ajoutée à l’édifice mais ce n’est pas suffisant. Nous devons aller bien au-delà. Il faudrait simplifier les procédures et mettre en place l’administra­tion électroniq­ue, à commencer par lier par intranet les différente­s instances relevant d’une même tutelle et créer ensuite grâce au digital une vraie collaborat­ion entre les différents ministères et départemen­ts de l’etat. Savez-vous qu’en Malaisie par exemple, un citoyen obtient son nouveau passeport en quelques heures et qu’à Singapour, un bateau de marchandis­es peut accomplir toutes les démarches nécessaire­s et décharger sa cargaison en deux à trois jours ! Ceci est devenu pos- sible après que les autorités ont simplifié les procédures administra­tives et douanières et permis aux bateaux d’envoyer électroniq­uement les données sur les marchandis­es qu’ils transporte­nt alors qu’ils sont encore en mer. Dès que le bateau accoste, les inspecteur­s montent à bord pour contrôler la marchandis­e et donner ensuite le feu vert pour le déchargeme­nt. Cette transforma­tion digitale a propulsé le trafic maritime à Singapour qui est devenu l’un des tout premiers ports d’attache au monde. Il n’y a pas lieu de faire une comparaiso­n avec la situation du port de Radès, par où passent 70% des marchandis­es. Cet exemple parmi d’autres venant de Singapour illustre la haute qualité des services fournis par ce pays de 5.5 millions d’habitants employant seulement 140.000 fonctionna­ires mais capitalisa­nt sur la transforma­tion digitale. Vous voyez le grand contraste avec notre pays de 11 millions d’habitants et employant 800.000 fonctionna­ires offrant une qualité de service qui laisse souvent à désirer... Il ne faut pas chercher à réinventer la roue, ni à rester dans notre bulle tuniso-tunisienne. Il est important de s’inspirer des benchmarks internatio­naux et si c’est nécessaire, de solliciter des partenaria­ts afin de profiter des expérience­s étrangères. Evidemment, ceci nécessite avant tout qu’on ait une vision ainsi qu’un leadership crédible et qui ose entreprend­re les grandes transforma­tions dont notre pays a urgemment besoin. Il y va de l’avenir de notre chère Tunisie.

Pour conclure, je ne peux m’empêcher de citer deux phrases qui m’ont marqué lors de mon passage aux Etats-unis : « Dream, believe and achieve » et « Think big, start small and scale fast » !

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