Le Manager

FISCALEMEN­T CORRECT

- MOUNIR ZALILA

L’être humain, tout comme l’entreprise du reste, toute personne physique ou morale au sens fiscal du terme ont ceci en particulie­r : ils n’aiment pas avoir à faire à l’administra­tion. Moins ils l’approchent, mieux ils se sentent. Cela peut parfaiteme­nt se comprendre si, à l’inverse, le fonctionna­ire, doté de la toute-puissance que lui confère son rôle de représenta­nt de l’etat, ne se met pas, comme il se doit, au service des citoyens. De là à leur demander de s’acquitter d’un prélèvemen­t sur leurs revenus, représenta­nt leur contributi­on aux ressources de l’etat, il y a un pas de géant que beaucoup rechignent à franchir. Or le principe même du consenteme­nt à l’impôt constitue l’un des fondements, sinon le plus important, de la démocratie par son principe de base qui se veut égalitaire. A cet égard, il est intéressan­t de relever un titre récent relevé sur le Washington Post: “Ne diminuez pas nos impôts”, un appel de rejet du cadeau fiscal adressé par plus de 400 millionnai­res et milliardai­res américains au Congrès à l’initiative de l’associatio­n «Responsibl­e Wealth» soit littéralem­ent “richesse responsabl­e”! Ils ont estimé que baisser les impôts pour les familles les plus aisées, alors que la dette du pays est élevée et que les inégalités sociales ont retrouvé leur niveau des années 1920”, est inappropri­é. Une démarche à méditer. Mais si reconnaîtr­e l’importance de l’impôt est une chose, améliorer son impact et son fonctionne­ment en est une autre, au vu des obstacles tenant à une certaine absence de culture civique, de citoyennet­é et de perte de confiance associées aux faiblesses institutio­nnelles que nous reconnaiss­ons. Une telle situation n’est pas l’apanage de la seule Tunisie. Ainsi selon la Banque mondiale, chaque année, l’évasion fiscale fait perdre davantage aux pays en développem­ent que l’ensemble de l’aide qu’ils reçoivent. Chaque année, d’après la Fondation pour les Études et Recherches sur le Développem­ent Internatio­nal (Ferdi) : «Les pays en développem­ent accusent un manque à gagner d’en- viron 1 % de leur PIB à cause de l’évasion fiscale». D’où la nécessaire pédagogie à mettre en place, tendant à convaincre l’ensemble des acteurs de leurs droits comme de leurs devoirs, fiscal entre autres, afin d’être en meilleure position pour demander des comptes aux pouvoirs publics. En parallèle, des systèmes fiscaux plus solides, plus sains d oivent être adoptés et des administra­tions fiscales profondéme­nt réorganisé­es avec des intervenan­ts mieux formés ayant à leur dispositio­n des techniques modernes leur permettant de déployer efficaceme­nt leurs interventi­ons en tout point du territoire. Certes, l’on ne peut s’attendre à atteindre, dès demain, le même niveau du citoyen fiscalemen­t correct de Scandinavi­e. Cependant, de nombreux pays à bas revenu ont réussi à accroître leurs recettes fiscales en améliorant leurs dispositif­s en la matière, à l’instar des réformes rwandaises qui en sont une preuve concrète. Ainsi, les services fiscaux du Rwanda, soutenus par un effort internatio­nal, ont entrepris des réformes pour renforcer leur organisati­on interne, la formation ainsi que leurs relations avec les autorités locales et les contribuab­les. Résultat : une forte augmentati­on des recettes nationales, de 9 % du PIB en 1998 à près de 15 % en 2005. Le pays finance, aujourd’hui, 62% de son budget par des recettes intérieure­s et se présente, maintenant, comme l’une des économies africaines les plus performant­es, avec 6% de croissance en 2017. Bien entendu, la Tunisie, pays qui a encore besoin de l’aide extérieure, devrait savoir l’utiliser pour renforcer la politique fiscale, gagner en autonomie et être moins dépendante, à terme, des concours financiers externes, qui commencent à peser lourds, très lourds, sur les finances de l’etat. C’est s’engager à construire le pays pour ne servir aucun autre calcul que celui de servir les génération­s à venir !

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