FISCALEMENT CORRECT
L’être humain, tout comme l’entreprise du reste, toute personne physique ou morale au sens fiscal du terme ont ceci en particulier : ils n’aiment pas avoir à faire à l’administration. Moins ils l’approchent, mieux ils se sentent. Cela peut parfaitement se comprendre si, à l’inverse, le fonctionnaire, doté de la toute-puissance que lui confère son rôle de représentant de l’etat, ne se met pas, comme il se doit, au service des citoyens. De là à leur demander de s’acquitter d’un prélèvement sur leurs revenus, représentant leur contribution aux ressources de l’etat, il y a un pas de géant que beaucoup rechignent à franchir. Or le principe même du consentement à l’impôt constitue l’un des fondements, sinon le plus important, de la démocratie par son principe de base qui se veut égalitaire. A cet égard, il est intéressant de relever un titre récent relevé sur le Washington Post: “Ne diminuez pas nos impôts”, un appel de rejet du cadeau fiscal adressé par plus de 400 millionnaires et milliardaires américains au Congrès à l’initiative de l’association «Responsible Wealth» soit littéralement “richesse responsable”! Ils ont estimé que baisser les impôts pour les familles les plus aisées, alors que la dette du pays est élevée et que les inégalités sociales ont retrouvé leur niveau des années 1920”, est inapproprié. Une démarche à méditer. Mais si reconnaître l’importance de l’impôt est une chose, améliorer son impact et son fonctionnement en est une autre, au vu des obstacles tenant à une certaine absence de culture civique, de citoyenneté et de perte de confiance associées aux faiblesses institutionnelles que nous reconnaissons. Une telle situation n’est pas l’apanage de la seule Tunisie. Ainsi selon la Banque mondiale, chaque année, l’évasion fiscale fait perdre davantage aux pays en développement que l’ensemble de l’aide qu’ils reçoivent. Chaque année, d’après la Fondation pour les Études et Recherches sur le Développement International (Ferdi) : «Les pays en développement accusent un manque à gagner d’en- viron 1 % de leur PIB à cause de l’évasion fiscale». D’où la nécessaire pédagogie à mettre en place, tendant à convaincre l’ensemble des acteurs de leurs droits comme de leurs devoirs, fiscal entre autres, afin d’être en meilleure position pour demander des comptes aux pouvoirs publics. En parallèle, des systèmes fiscaux plus solides, plus sains d oivent être adoptés et des administrations fiscales profondément réorganisées avec des intervenants mieux formés ayant à leur disposition des techniques modernes leur permettant de déployer efficacement leurs interventions en tout point du territoire. Certes, l’on ne peut s’attendre à atteindre, dès demain, le même niveau du citoyen fiscalement correct de Scandinavie. Cependant, de nombreux pays à bas revenu ont réussi à accroître leurs recettes fiscales en améliorant leurs dispositifs en la matière, à l’instar des réformes rwandaises qui en sont une preuve concrète. Ainsi, les services fiscaux du Rwanda, soutenus par un effort international, ont entrepris des réformes pour renforcer leur organisation interne, la formation ainsi que leurs relations avec les autorités locales et les contribuables. Résultat : une forte augmentation des recettes nationales, de 9 % du PIB en 1998 à près de 15 % en 2005. Le pays finance, aujourd’hui, 62% de son budget par des recettes intérieures et se présente, maintenant, comme l’une des économies africaines les plus performantes, avec 6% de croissance en 2017. Bien entendu, la Tunisie, pays qui a encore besoin de l’aide extérieure, devrait savoir l’utiliser pour renforcer la politique fiscale, gagner en autonomie et être moins dépendante, à terme, des concours financiers externes, qui commencent à peser lourds, très lourds, sur les finances de l’etat. C’est s’engager à construire le pays pour ne servir aucun autre calcul que celui de servir les générations à venir !