Lionel Zensou: le couple épargne-investissement ... pour notre bien-être
Ce fût l’événement économique de ce début d’année ! Lionel Zinsou était invité par la BIAT pour tenir une conférence au sujet des déterminants du décollage économique de la Tunisie. Ancien Premier ministre au Bénin, fraîchement nommé à la tête du think tank progressiste français Terra Nova, Zinsou a fait carrière comme banquier d’affaires à la banque Rothschild avant de diriger le fonds d’investissement européen PAI Partners. Elyes Jouini, vice-président de l’université Paris-dauphine et Noureddine hajji, directeur associé d’ernest &Young Tunisie étaient également conviés à enrichir le débat.
« J’ai fait d’énormes efforts pour être pessimiste quant à la situation de la Tunisie, je n’y suis pas arrivé ». Il n’en fallait pas plus pour que Lionel Zinsou plante le décor. Le ton était à l’optimisme. Un air de zénitude a plané dans la salle. A l’évidence, Zinsou a conforté son optimisme en constatant le communiqué du fonds d’investissement Abraaj lors du rachat des 35% de l’opérateur historique Télécom. Sans ambages le message était, qu’à force d’exigence les tunisiens détiennent des discours alarmistes. La crainte est qu’il en faut moins que ça pour faire fuir les investisseurs étrangers.
Réveillez-vous, le verre est à moitié plein ! L’inflation, tant décriée semble être un exploit tunisien. Une hausse des prix confinée à 6.4% lorsque le dinar a perdu le cinquième de sa valeur est en soi un accomplissement. Dans sa lecture des chiffres, la Tunisie est incontestablement un pays productif et compétitif. Elle a fait montre d’une forte résilience à des chocs aussi bien exogènes qu’endogènes. Pour preuve, sa balance commerciale excédentaire avec l’europe, un des ensembles les plus sophistiqués du commerce mondial. «La Tunisie est plus européenne dans ses échanges que la plupart des pays de l’union européenne », a-t-il avancé. Le déficit commercial avec la Chine n’est nullement un motif de prostration, c’est même le mal des pays industrialisés. Et de préciser « Seule l’afrique est excédentaire avec la Chine car cette dernière ne considère pas l’afrique comme un marché mais plutôt un fournisseur de matières premières.» Zinsou, était également rassurant par rapport à l’autre jumeau, le déficit budgétaire. « Les critères orthodoxes maastrichtiens n’ont pas été établis pour les pays en développement », a-t-il ajouté. D’ailleurs le déficit budgétaire des pays du MENA est le triple de celui de la Tunisie. Pour l’endettement public qui en découle, Zinsou atteste quand bien même un taux de 69% se situe dans la moyenne des p ays m éditerranéens, a ucun d es pays de l’europe n’intègre la dette intérieure dans son taux d’endettement. « Ils n’évoquent que la dette extérieure »… Autant d’arguments pour convaincre les investisseurs les plus coriaces !
… mais on peut y mettre davantage Si le déficit budgétaire en soi ne pose pas de problème, la composition de ce dernier en est un. « Ce n’est pas le déficit le plus efficace, il n’est pas un instrument de croissance économique puisque l’investissement baisse ». C’est là où le bât blesse ! Pour stimuler l’investissement il faut alléger les procédures et la bureaucratie. A ce titre, il ajoute que la question de la masse salariale est plus politique qu’économique. A la hausse du nombre de fonctionnaires, il y a toujours un risque qu’une administration pléthorique soit de moins en moins efficace. « Lorsque j’occupais la fonction de premier ministre, je me suis adonné à éviter la tentation d’optimiser ce que l’on doit supprimer ». Il estime que ce qu’il a fait de meilleur lors de son mandat était d’instituer que le silence de l’administration valait accord. Pour ce qui est de la Tunisie, il estime que c’est un problème qualitatif plutôt que quantitatif. Des solutions pour le déficit commercial ? Certainement pas du côté du protectionnisme ! « Celui-ci a prouvé son inefficacité partout, il ne peut qu’alimenter le secteur informel », a avancé Zinsou. Et à lui d’enchérir « Il y une culture protectionniste partagée en Tunisie. je m’étonne de la voir portée par certains pans de l’opinion ». Il n’y a pas de miracles pour Zinsou, revenant aux équilibres macroéconomiques, la réduction du déficit commercial passe par l’équilibre entre l’épargne et l’investissement. Il précise que ce déficit fantôme explique l’atonie de la croissance et l’écart de la balance des paiements. Zinsou préconise de ce fait l’encouragement de l’épargne, notamment établir une politique stimulant l’épargne longue, à même de financer l’investissement. Pour sa part, ce qui est réellement angoissant c’est la baisse de la recette fiscale au moment où le taux de pression augmente. Il a appelé à ne pas harceler fiscalement les entreprises et à ne pas brimer leur marge. Pour sa part, Elyès Jouini a déploré le manque de vision pour la Tunisie de demain, avec la prise de décisions de court terme. La recherche de consensus a empêché, selon lui, la prise de décisions courageuses. Il pense aussi qu’il n’y a pas eu de redistribution de richesses par la fiscalité. Noureddine Hajji s’est voulu de tout optimisme se référant au résultat du dernier baromètre Entreprise qui sera prochainement publié. trois entreprises sur cinq ont réalisé de la croissance en 2015 et 4 sur 5 estiment qu’en 2018, elles en réaliseront.