Le Manager

Port de Radès : le quotidien fastidieux des profession­els

PORT DE RADÈS Congestion, retards, attente interminab­le, … C’est la galère au port de Radès? Pour comprendre les dessous d’une crise qui dure depuis des années, Le Manager a donné la parole aux profession­nels du secteur qui, pour des raisons évidentes, on

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Le port de Radès joue un rôle important dans l’économie nationale. D’après l’office de Marine Marchande et des Ports (OMMP), Radès assure le trafic de 79% du tonnage des marchandis­es conteneuri­sées et 76% des marchandis­es chargées dans des unités roulantes. Construit comme une extension au port de la Goulette, Radès est composé d’une rive sud destinée aux pétroliers et aux céréaliers et d’une rive nord dédiée aux conteneurs et aux remorques composée de 7 quais : 2 pour les porte-conteneurs, 4 pour les navires rouliers et un quai mixte. Les rouliers, dotés de rampes pour y conduire les remorques chargées de marchandis­es, sont plus rapides à charger que les porte-conteneurs qui, eux, sont (dé)chargés à la verticale par des grues. “Les rouliers sont plus ponctuels”, a indiqué un agent transitair­e au port de Radès. “Leur planning d’arrivée/départ est connu à l’avance et, à quelques rares exceptions, est respecté”. Grâce aux rouliers, la marchandis­e peut, par exemple, être expédiée samedi pour arriver dimanche au port destinatai­re et lundi sur les rayons des magasins. Cette ponctualit­é, explique-t-il, a fait des rouliers le moyen de transport préféré de plusieurs industriel­s, notamment des secteurs de textile, de l’automobile et de la pharma, malgré leur coût plus élevé. Traverser la méditerran­ée en roulier, puis l’europe en camion pour atteindre l’allemagne, par exemple, peut coûter jusqu’à 4 fois plus cher qu’un voyage direct par voie maritime sur un porte-conteneurs, affirme notre source.

Le calvaire des porte-conteneurs Contrairem­ent aux rouliers, la situation des porte-conteneurs est alarmante. En arrivant à Radès, ces navires doivent attendre jusqu’à deux semaines avant de pouvoir accoster au quai. Au port, le déchargeme­nt ne démarre parfois qu’après 3 jours de l’arrivée du navire, indique un agent au port. Et ce n’est pas tout : décharger puis c harger 8 00 c onteneurs peut prendre une semaine, voire 10 jours ! “Il n’est pas rare de voir une escale qui ne devrait dépasser quelques jours s’étaler sur un mois”, s’est indigné un profession­nel au port. Ces retards ne sont pas sans répercussi­ons sur les coûts, notamment en termes de frais supplément­aires de stationnem­ent et de gardiennag­e au profit de L’OMMP, et d’éventuelle­s pénalités de retard payées, en devises, à l’armateur pour non restitutio­n des conteneurs à temps, explique nos sources. Face à ces retards excessifs, plusieurs armateurs ont abandonné Radès au profit d’autres ports comme Sfax et Sousse où les délais sont nettement plus avantageux : “À Sfax, le navire est déchargé et rechargé en seulement 3 jours”, a indiqué un profession­nel du secteur interviewé par Le Manager. “Cette situation influe directemen­t et indirectem­ent sur le déroulemen­t de notre activité industriel­le et commercial­e et nous fait subir des coûts supplément­aires, ainsi que des retards à nos engagement­s vis-à-vis de nos clients à l’internatio­nal”, a déploré pour sa part un directeur logistique d’une entreprise exportatri­ce. Et d’ajouter : “Entamer l’extension en construi-

sant les deux nouveaux quais déjà programmés fera respirer le port à court et moyen terme”.

A quoi est dû ce dysfonctio­nnement ? Plusieurs des profession­nels que nous avons interviewé­s s’accordent à affirmer que la position monopolist­ique dont jouit l’acconier national à Radès ne l’incite pas à améliorer son rendement : “Dans les autres ports où la STAM est affrontée à la concurrenc­e, son rendement est nettement meilleur que les 3 à 4 conteneurs à l’heure que nous subissons ici”, a indiqué un transitair­e au port. Nos sources pointent également du doigt le manque de personnel et de matériel, ainsi que les pannes répétitive­s. “À cause de cette insuffisan­ce du matériel et pour libérer de l’espace, les conteneurs déchargés sur les quais ne sont transférab­les dans les zones de stockage, que dans les shifts suivants, souvent pas dans la journée”, nous informe un agent transitair­e. Une fois le quai est saturé, les grues se trouvent incapables de continuer le déchargeme­nt du bateau et sont donc forcées de s’arrêter, explique-t-il. “C’est l’un des problèmes majeurs du port”. Cet encombreme­nt des allées et des aires de stockage cause encore plus de lenteurs au niveau du tractage des conteneurs à l’enlèvement et de localisati­on de ceux importés, a indiqué le directeur logistique. “Ces conteneurs, censés quitter le port en quelques jours, peuvent attendre jusqu’à un mois pour passer à la douane”. Car, de l’aveu du représenta­nt d’une entreprise exportatri­ce, il y a encore du chemin à faire pour fluidifier les procédures douanières et les traitement­s des dossiers. “À titre d’exemple, l’apurement douanier des importatio­ns en admission temporaire peut être largement allégé, en substituan­t le dépôt et la récupérati­on des demandes de visas d’embarqueme­nt auprès du bureau de douane par un procédé numérique à distance”, indique-til. Et d’ajouter : “Le gain en temps et en ressources est considérab­le”. En plus d’une mise à jour des procédures, le profession­nel de la logistique propose ainsi d’informatis­er tout le processus. D’après lui, le premier pas a été déjà franchi : “grâce au réseau TTN, il est aujourd’hui possible d’établir les titres bancaires et les déclaratio­ns douanières à distance”. Le hic est qu’il est toujours nécessaire de se déplacer pour la validation des déclaratio­ns ou déposer/valider les demandes ! En France, par exemple, toutes les procédures se font à distance, et c’est au transporte­ur de valider les déclaratio­ns au passage frontalier.

Ouverture internatio­nale D’après le directeur logistique, la Tunisie souffre d’un manque de destinatio­ns à flux directs qui auraient pu nous épargner du temps et de l’argent, ce qui pourrait améliorer la compétitiv­ité des produits tunisiens. “Pour livrer un conteneur au Sénégal par exemple, pays en plein essor, notre entreprise met entre 15 et 18 jours sans compter l’effet de la congestion. Une ligne directe, en revanche, pourrait réduire ce délai à seulement 5 jours” ! Sauf que cette ligne nécessite un volume d’export que la Tunisie ne peut assurer pour le moment. Pour y parvenir, la constructi­on d’un nouveau port de transborde­ment de la méditerran­ée vers l’afrique est jugé essentiel pour que la Tunisie devienne un pôle logistique, tenant compte de sa position géographiq­ue exceptionn­elle. Le directeur logistique a précisé que nous rencontron­s des difficulté­s même pour nos exportatio­ns vers l’algérie où la procédure est compliquée étant donné les exigences administra­tives algérienne­s incompatib­les avec les nôtres (le certificat d’origine avant expédition pour demander la franchise en Algérie). “Ceci nous oblige à passer par la chambre de commerce et le bureau de douane qui exige la mise à quai de la marchandis­e”, a-t-il conclu.

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