Ils vont souffler un grand coup de propre
La préservation de la nature et de l’environnement font, à l’évidence, partie des prochains défis. La volonté d’instaurer un nouvel ordre, de prendre à bras-le-corps l’avenir de la planète et des générations futures se manifeste clairement à travers l’émergence de l’économie verte et du regain de popularité des énergies propres. Ces entrepreneurs se posent en précurseurs de cette nouvelle bataille.
Pour eux, l’incertitude a duré plusieurs mois et les a plongés dans une fébrilité similaire à celle qui précède un verdict décisif. La consécration qu’ils ont reçue n’avait, cependant, rien d’excessif. Pour Sondes Bannouri, Maher Oudira et Rim Belgaeïd, c’était l’aboutissement d’un long et minutieux travail. Sondes Bannouri dirige une unité de gestion et de stérilisation de déchets médicaux à risque infectieux à Siliana. « Dasri Sterile » est la quatrième unité de recyclage du pays, après celles de Tunis, Kairouan et Sfax, à traiter les déchets nocifs des hôpitaux. Les établissements hospitaliers étatiques et privés font appel à elle pour le traitement de leurs déchets... L’unité que dirige Sondes supervise l’opération de traitement des déchets de A à Z. Elle collecte, transporte et stérilise. S es machines sont dotées d’une capacité de gestion de 200 tonnes. La première année, « Dasri Sterile » n’était qu’à 36% de sa capacité de production. L’idée de la stérilisation des déchets, plus généralement, celle de la protection de l’environnement générait quelques réticences. En quelques années, les mentalités ont évolué et la cause écologique a gagné plusieurs adeptes. L’unité de Sondes est passée à 80% de sa capacité de production. Le positionnement géographique et l’aspect novateur et résidant dans le traitement d’une bombe à retardement aussi explosive que les déchets nocifs confèrent à cette entreprise une dimension particulière, d’où la présence du chef du gouvernement à l’inauguration du centre en tant qu’unité pilote du nord-ouest. Le segment sur lequel se positionne Maher Oudira est tout aussi futuriste. Lui, a choisi le recyclage des cannettes en aluminium. Ce marché donne le tournis. Chaque année, ce sont environ 2,2 millions de tonnes de déchets qui sont jetés. Les cannettes sont associées aux déchets ménagers et la consommation de boissons en cannettes par individu a fortement augmenté ces dernières années. A titre d’exemple, une cannette met entre 100 et 200 ans pour se dégrader. Elle est pourtant recyclable à l’infini, prévient Maher Oudia. Jouant la carte verte, il fonde Green A lafco. D e 2011 à 2016, l’entreprise fait de la sous-traitance. Ce n’est qu’à partir de cette année qu’elle
passe au recyclage. Aujourd’hui, Maher Oudira exporte les cannettes sous forme d’un produit semi-fini. Il en revend environ 500 tonnes chaque année. Son projet est basé à El Mnihla au gouvernorat de l’ariana. Trier ses déchets est devenu un acte citoyen. La production de l’aluminium, de plus en plus utilisé, est très polluante et consomme beaucoup d’énergie. Ce nombre grandissant de canettes consommées par individu met en évidence l’existence d’un marché de taille. C’est un marché à multiples facettes que Rim Belgaeïd explore à son tour. La jeune entrepreneure produit essentiellement des palettes à partir de sciure de palme commercialisées sous la marque Ecopalme pour les sociétés qui fabriquent des produits alimentaires et sanitaires. La sciure de palme peut faire l’objet de multiples usages, explique Rim. A Gabès, une des plus belles oasis du sud tunisien, les palmiers sont souvent à l’abandon, ainsi des tonnes de déchets restent inexploités chaque année. Rim, qui y a passé le plus large de son temps, a songé au recyclage de ses sous-produits, transformés notamment en produits d’hygiène pour les poulaillers ou des compléments alimentaires pour les bétails. «Beaucoup l’ignorent mais les sciures de palme peuvent servir de fourrage pour le bétail », explique Rim. Elle a dû revoir sa copie et songer à diversifier ses produits en découvrant le coût excessif et l’interminable démarche à entreprendre pour l’exploitation des cires en vue d’un traitement pour le mobilier ou pour les huiles essentielles. Le poulailler de son oncle lui sert aujourd’hui d’exploitation. Elle l’a aménagé de fond en comble. A vrai dire, C’est de cet endroit que l’idée d’exploitation de la sciure de palme est née. Révélation C’est la révélation d’un marché qui pousse Sondes Bannouri à franchir le pas. Grâce à son master en économie verte et la création d’emplois verts, elle a pu élargir ses connaissances sur ce nouveau modèle économique qui concourt à développer tous les modes de production alternatifs. Sa curiosité insatiable et sa grande expérience dans des entreprises privées l’ont initiée aux aléas et aux turbulences du marché. Possédant elle-même une fibre entrepreneuriale et disposée à prendre des risques, elle se lance dans l’aventure. L’idée de faire du recyclage a surgi lorsqu’elle s’est aperçue de l’absence de structures de tri et de recyclage de déchets nocifs dans le pôle du nordouest. O utre s on l eadership d ans l a région, Sondes Bannouri peut se prévaloir d’avoir impulsé une nouvelle dynamique de croissance propre. Et elle ne s’arrête pas là. Elle voudrait surfer sur la vague du soutien accordé aux entrepreneurs de l’économie verte pour passer à 1000 tonnes de production par an et compléter la chaîne de valeur en intégrant le tri sélectif et le recyclage car aujourd’hui sa mission se limite à la stérilisation. Maher Oudira a travaillé pendant plusieurs années en tant que responsable pour le compte d’une multinationale américaine leader dans le recyclage des cannettes. C’est d’ailleurs de là que s’est imposée l’idée de ce projet. Maher Oudira n’était pas un nouveau venu du métier, il maitrisait habilement toutes les règles du jeu avant de devenir entrepreneur
son projet de construire un hub pour la fusion et le recyclage des cannettes. Il veut aussi superviser toute la chaîne, du tri à la production. Avant de jeter son dévolu sur la sciure de palme, Rim Belgaeïd a tenté d’explorer plusieurs terrains. La cosmétique la tentait beaucoup. Toutefois, elle ne détenait pas de relais suffisants pour faire aboutir ce projet. Ayant toujours voué une grande passion pour les parfums, Rim voulait également extraire des huiles essentielles à partir de la sciure de palme. Hélas, sur le plan administratif, ce projet était, de par sa structure et son coût, presque impossible à mettre en place. Un autre boulevard s’est ouvert à elle et elle s’y est ruée. «Etant entourée des oasis de Gabès, je mesurais qu’on passait à côté d’un grand potentiel de recyclage et de production». L’exploitation de son oncle étant libre et disponible, elle décide de l’investir.
Souk At-tanmia : accélérateur de projets L’accompagnement et le suivi qu’assure Souk At-tanmia est un grand coup d’accélérateur dans la concrétisation des projets. Tous les entrepreneurs s’accordent à dire que Souk At-tanmia a été un tremplin. Le Partenariat lancé en 2012 par la Banque africaine de développement avec le soutien financier de prestigieux acteurs tels que le Royaume Uni, le Danemark et les Etats Unis, leur a été d’un grand appui durant tout le parcours entrepreneurial. Souvent livrés à eux-mêmes, confrontés aux réticences et aux obstacles inhérents à l’initiative privée, les entrepreneurs ont besoin d’aide pour réaliser leur projet. Sans la formation qu’ils nous dispensent, les connaissances qu’ils nous apportent en matière de soft skills, les réseaux dans lesquels ils nous introduisent, nos idées auraient eu du plomb dans l’aile, affirment ces jeunes entrepreneurs. Souk At-tanmia nous assure un suivi avant et après la création du projet. Ce programme nous facilite l’accès aux marchés et met à notre disposition ses relais et ses réseaux, fait valoir Maher Oudira. Et puis, il y a le volet financement. Souk At-tanmia renforce les capitaux propres des projets grâce à une contribution financière sous forme de dons. Pour chaque lauréat, le Partenariat offre des fonds d’une valeur maximale de 50 000 dinars. Pour autant, l’entrepreneuriat n’est pas un long fleuve tranquille. C’est le sens du cri d’alarme lancé par Rim face aux lourdeurs administratives. Toutefois, leur détermination à aller au- delà l’emporte. Le bonheur de voir leur projet se développer pas à pas n’a pas d’égal. Sondes s alue l a p atience d e s es h uit employés qui mènent avec elle la bataille sans rechigner. Maher, compte étendre la liste de ses fournisseurs. Leurs yeux pétillent d’espoir et d’ambitions.