LA PRIORITÉ
BOOSTER L’ENTREPRENEURIAT AU FÉMININ EST Pour rompre avec les stéréotypes négatifs liés au genre, la société civile s’est toujours battue. La Chambre Nationale des Femmes Chefs d’entreprises (CNFCE) en est en effet un exemple type. Est intervenue dans ce
Vous venez d’être élue à la tête de la CNFCE. Peut-on affirmer qu’un air nouveau y souffle déjà au niveau de la stratégie mise en place? Le nouveau Bureau Exécutif de la CNFCE, élu le 20 décembre 2017, a adopté pour l’année 2018 un programme tournant autour de 3 axes stratégiques à savoir: la digitalisation, le renforcement des compétences et la synergie entre les régions. Nous avons déjà entamé la transformation des canaux de communication, avec un focus particulier vers les supports numériques. Cette transformation est au service de la mission majeure de la CNFCE; l’instauration et la vulgarisation d’une culture entrepreneuriale féminine forte. Celle-ci est indispensable pour créer une vraie rupture avec la culture profondément ancrée dans l’esprit de certains Tunisiens. Notre stratégie se base sur le renforcement des compétences de nos adhérentes à travers la forma- tion. Pour ce faire, des formations sur des thématiques clés telles que la gestion financière, le numérique, le développement personnel, la langue anglaise, outil indispensable pour celles qui visent les marchés internationaux, sont planifiées et ont déjà commencé. Nous avons aussi mis en place « l’académie des Femmes Cheffes d’entreprises ». Nos adhérentes sont en train d’y acquérir des outils qu’elles utilisent directement dans leurs entreprises. Conscientes que cet outil est vital, nous sommes en train de le dupliquer au niveau des régions. Les régions sont l’autre pilier de notre stratégie. A la CNFCE, nous croyons que la crise économique et le développement de notre pays ne peuvent se faire qu’à travers le développement régional, raison pour laquelle nous avons mis le focus sur la synergie entre les régions. Notre Bureau élargi, composé des membres du Bureau Exécutif national et des 24 Présidentes régionales, représente désormais un espace d’échanges et de partages. Cette synergie est une plateforme pour que les régions présentent leurs programmes et incite, les structures les moins développées, à rattraper les autres. Notre première illustration de ce dynamisme retrouvé, est le « Salon des Femmes Chefs d’entreprises » qui s’est tenu à Sfax au cours du mois de février 2018. Notre idée maîtresse est de partager la Tunisie en pôles, pour que les régions et les structures qui sont développées puissent transférer leur savoir-faire et leurs bonnes pratiques aux régions défavorisées. Au niveau national, la CNFCE est en train de mobiliser toutes ses ressources pour fournir le soutien technique et financier pour la bonne gouvernance des structures régionales et pour le développement et le lancement de projets concrets et efficaces.
Quelles sont les principales actions qui ont été effectuées en faveur de l’entrepreneuriat féminin ? La participation de la CNFCE à mettre en place une évaluation du cadre national du développement de l’entrepreneuriat féminin en partenariat avec l’organisation Internationale du Travail (OIT), est à mon avis, un exploit. Cette évaluation a permis de faire ressortir des recommandations sur lesquelles nous sommes en train de travailler. Nous disposons désormais d’un « mapping » de l’environnement de l’entrepreneuriat féminin en Tunisie, selon les « best practices » de L’OIT. Ceci nous a permis d’élaborer une feuille de route pour l’exercice 2018-2022. Nous pouvons revendiquer que nous sommes porteuses de solutions sur plusieurs points qui préoccupent les femmes Chefs d’entreprises. Et, je peux vous donner en exemple, l’amélioration du cadre juridique, le développement des mécanismes de financement, la sensibilisation des structures de soutien à l’approche genre, l’ouverture vers les marchés nationaux et internationaux et surtout la vulgarisation du numérique au profit des entrepreneures.
La quantité modeste des études réalisées concernant l’entrepreneuriat féminin témoigne-t-elle une certaine indifférence par rapport à la question? Le manque de statistiques et d’études quantitatives a toujours représenté un handicap pour toutes les équipes qui ont dirigé la CNFCE. Je pense que les organismes concernés sont handicapés par le manque de ressources et de moyens d’étude et de recherche. Après, je vous avoue que beaucoup d’études qui restent dans les tiroirs ne sont pas non plus utiles. Ce qui compte, c’est l’implémentation des stratégies, l’adhésion et l’engagement des intervenants et le travail !
D’après vous, quels sont les freins à l’entrepreneuriat féminin ? Notre premier défi est de développer le tissu de micro-entreprises féminines. Les études de L’INS ont montré que la majorité des entreprises fondées par des femmes sont constituées au maximum de 3 personnes. A nous de les renforcer et accompagner. Par ailleurs, le manque de compétences pourrait, à mon avis, se révéler un obstacle majeur à la croissance et à la compétitivité des entreprises portées par des femmes. Une grande majorité d’entre elles lancent un projet qui ne correspond pas à leur formation académique. En outre, et quoique les mécanismes de financement existent, une proportion importante de femmes trouvent des difficultés à élaborer des « business plans » bancables. Le second défi, consiste à franchir le premier pas dans l’entrepreneuriat. La création entrepreneuriale par des femmes jeunes diplômées reste vraiment insuffisante. Il y a urgence à mettre en place un encadrement spécifique. Il faut les inciter à lancer leur «startup». Or, garantir la pérennité des startup est toujours difficile en Tunisie car les mécanismes de financement concernent les 3 premières années d’exercice, alors que celles-ci restent fragiles durant les cinq premières années. C’est pourquoi, il devient impératif de lancer des programmes pour la pérennité des startup. Pour conclure, je considère que l’héritage culturel est également un des freins à l’entrepreneuriat féminin en Tunisie. Le leadership féminin devrait s’acquérir sur les bancs de l’école grâce à des techniques, par des « success stories », par les médias. Tout le monde a un rôle et une responsabilité à assumer. Vous savez, et, malheureusement, même au sein de la famille nous ne bénéficions pas d’encadrement qui pousse la femme à devenir leader. C’est ce travail de fond qu’il faut changer !
Le mot de la fin ? L’avenir économique de la Tunisie repose en grande partie sur l’entrepreneuriat féminin. Plus nous inciterons les femmes à lancer leurs propres projets, plus nous les encadrerons à développer leurs projets et plus nous augmenterons nos chances pour redécoller. C’est un travail ambitieux mais j’estime que nous avons dans ce pays les moyens de toutes nos ambitions !
En tant que vice-présidente de la CONECT, vous êtes en charge de plusieurs programmes dont notamment le programme « Thniti ». Quelle a été la proportion des bénéficiaires femmes ? La CONECT se donne pour mission de répondre à la diversité des besoins des promoteurs de projets, qu’ils soient hommes ou femmes, de les accompagner et de les aider à réaliser leurs rêves d’entrepreneurs. Cependant, nous tenons à ce que les femmes soient favorisées au niveau de la sélection. Le processus du programme Thniti comprend plusieurs étapes, à savoir le sourcing du couple idée/entrepreneur(e), la formation, le coaching, l’accès au financement et la En tant qu’experte en entrepreneuriat, vous collaborez avec L’ONUDI, quels sont les projets prévus afin de faciliter le renforcement du leadership féminin ou l’encouragement de l’entrepreneuriat ? L’ONUDI a lancé en 2016 un programme régional d’envergure englobant 7 pays de la région MENA, à savoir la Tunisie, le Maroc, l’algérie, la Jordanie, l’egypte, le Liban et la Palestine a été mis en place. A l’heure où les femmes sont portées vers les secteurs traditionnels, nous avions pour but de les orienter vers l’investissement dans le secteur industriel et les services liés à l’industrie ainsi que dans la technologie. Pour ce faire, nos actions tournent autour de 3 axes majeurs. Il s’agit en premier lieu de développer le climat des affaires pour qu’il soit plus favorable à l’investissement des femmes. Nous agissons également pour renforcer les structures intermédiaires, c’est-àdire, les associations oeuvrant en faveur de la femme, pour qu’elles offrent des services adéquats aux besoins de la femme entrepreneure. Enfin, nous accompagnons et nous coachons à travers les associations les femmes porteuses d’idées, pour qu’elles apprennent à promouvoir leur projet via la communication et pour qu’elles arrivent à établir des business plans bancables, lancer leur projet et accéder au marché. Pour 2018, ce même projet franchira un nouveau pas en focalisant les efforts sur la multiplication des dispositifs d’accompagnement et d’encouragement des femmes pour investir dans le domaine industriel. Et ce, en renforçant leurs capacités et les capacités des associations de femmes dans les pays cibles et surtout oeuvrer ensemble à lever les verrous et favoriser l’entrepreneuriat féminin en contribuant au développement des mécanismes financiers et Vous venez d’être nommée Haut commissaire pour la Tunisie au World Business Angel Investment Forum, y aurait-il une quelconque discrimination positive dans ce programme ? Incontestablement, l’accès au financement reste le défi majeur pour les PME et pour les startup. Le WBAF est un réseau international qui met le focus sur la promotion et le développement de nouveaux produits financiers destinés aux entrepreneurs, notamment le Business Angel et la finance participative (crowdfunding). Le titre de Haut commissaire est attribué aux quatre coins du monde à des personnes - des mentors, des business angels, des CEO etc, … - ayant contribué au développement de l’entrepreneuriat. Ces Hauts commissaires ont pour mission de représenter le réseau dans leur pays et de mettre en place, en partenariat avec l’écosystème local, des actions pour innover en matière de financement des startup et des PME. A l’heure actuelle, plus de 45 Hauts commissaires sont opérationnels dans le monde. Ce projet concerne toutes les PME, non seulement celles lancées par des femmes, qui incontestablement ont un potentiel important et ont une place privilégiée dans ce réseau international. Quant à la Tunisie, des programmes en faveur de la femme entrepreneure vont certainement être planifiés. Ce partenariat et cette représentation pour la Tunisie viennent à point nommé répondre aux besoins des entrepreneurs en matière de financement, et ce en enrichissant l’offre de financement pour les startup et les entrepreneurs mais aussi proposer des services complémentaires tels que le mentoring et le réseautage qui sont aujourd’hui indispensables, particulièrement si on souhaite s’ouvrir à l’international.
Sur 100 entrepreneurs tunisiens, seulement 12 sont de sexe féminin, d’après une étude réalisée en 2017 par l’international Finance Corporation ! Ce faible taux serait principalement attribué à des disparités en termes d’accès au financement entre les deux sexes, selon une étude réalisée par le Centre des Nations unies pour l’afrique. De ce fait, toujours d’après L’IFC, 63% des femmes entrepreneures indiquent ne pas avoir accès au réseau traditionnel des banques et d’institutions financières. Il en résulte un déficit de financement de 300 millions de dollars pour les femmes entrepreneures tunisiennes. D’après L’IFC, le marché des femmes représente une opportunité en or pour les banques pour accroître leurs parts de marché avec une clientèle qui représente le meilleur taux de fidélité et de ventes croisées. En effet, en Tunisie, selon les mêmes sources, 18% des PME formelles appartiennent à des Femmes en Tunisie, soit 972.
Pour un meilleur accès aux banques En l’absence d’un fonds de garantie à l’initiative des femmes en Tunisie, plusieurs banques de la place ont déployé des programmes visant à améliorer l’accès des femmes porteuses de projets au financement. Sur ce volet, la Banque Tunisienne de Solidarité a réussi à atteindre un taux de parité de 47% pour les 13 mille prêts qu’elle a accordés en 2017, a annoncé Riadh Hanchi, Chef division Contrôle de Gestion à la BTS. Et pour 2018, la Banque vise à atteindre la parité totale dans la distribution des 15 mille prêts prévus pour l’année. Pour sa part, la Société Tunisienne de Banque a noué plusieurs partenariats avec des associations d’en- trepreneuriat féminin, dont le Centre International des Femmes Entrepreneures (CIFE) ou encore la Chambre Nationale des Femmes Chefs d’entreprise de L’UTICA. La Banque de l’habitat, de son côté, a décidé d’adhérer au programme Women Banking Champion de l’international Finance Corporation. Ce programme régional vise à renforcer les capacités des institutions financières pour les aider à devenir la banque de choix pour les femmes. Pour Fatma Fourati, entrepreneure dans l’agribusiness, le problème ne provient pas des banques: “Je n’ai jamais rencontré de difficultés dans les banques liées à ma féminité”, a-t-elle déclaré. Pour Fourati, c’est plutôt au niveau des mécanismes d’appui de l’état que les femmes rencontrent plus de discrimination.
Est-ce différent pour la finance alternative? “Les taux varient légèrement d’une région à une autre, mais grosso modo, nous avons réussi à atteindre la parité homme-femme pour les projets que nous finançons”, s’est félicité Mohamed Taha Allani, directeur des opérations à Taysir Microfinance. Et pourtant, l’institution financière ne dispose d’aucun programme ou initiative dédiés aux femmes! L’interlocuteur reconnaît cependant que la parité inter-genre se limite au nombre de crédits accordés; en termes d’encours, la gent masculine se taille la part du lion. Les femmes, explique-t-il ont tendance à lancer des projets de taille moindre, souvent, informellement. Le même constat a été relevé par Yassine Housseini, du Département Marketing de Enda Tamweel où, en 2017, 62% des clients sont des femmes mais qui ne per- çoivent que 55% du montant des crédits accordés. De plus en plus d’entrepreneurs font appel à des fonds d’investissement pour financer la création ou le développement de leur projet. Là aussi, les chiffres montrent une prépondérance des projets portés par des hommes, indique Karim Ghenim, PDG de Biat Capital Risk. Et pour cause : “Nous recevons moins de projets portés par des femmes que de projets pilotés par des hommes”, explique-t-il. Et d’ajouter : “Ce qui importe le plus pour l’investisseur c’est la rentabilité du projet; nous privilégions les profils avec lesquels nous pouvons collaborer et travailler pour développer le projet, qu’il soit homme ou femme” a confirmé Mohamed Salah Frad, General Manager de UGFS-NA. Et d’ajouter: “Par contre, nous avons remarqué qu’il y a un manque d’initiative féminine”. Pour pallier ce décalage, le general manager D’UGFS-NA propose d’adapter les initiatives d’accompagnement et les agences d’appui public afin de mieux servir les femmes entrepreneures.
“Discrimination positive” Alors qu’une bonne partie de la population féminine réclame un accès plus facile au financement, certaines indiquent qu’elles profitent au contraire d’un traitement privilégié. “Je peux prétendre que grâce à ma féminité, j’ai pu accéder à des évènements de networking qu’autrement il m’aurait été impossible d’atteindre”, a indiqué Ameni Mansouri, cofondatrice de Dabchi.com. Et de conclure : “Pour réussir, tout comme les hommes, les femmes doivent lutter et travailler aussi dur que possible. C’est la seule formule pour réussir”.
(PNUD) appuyé par le gouvernement japonais et en partenariat avec l’office du développement du Sud (ODS), l’agence nationale pour l’emploi et le travail indépendant (ANETI) et la Banque tunisienne de solidarité (BTS). Un programme qui permet à toutes ces parties prenantes de mettre en commun leur savoir-faire et d’instaurer un processus inclusif dans l’élaboration des programmes liés à l’entrepreneuriat. Le programme a appuyé près de 40 projets, formé et accompagné près de 200 personnes. Ahmed fut sélectionné parmi les six lauréats du gouvernorat de Kebili. « Sans doute, dira-t-il, parce que j’ai pu fournir les arguments et les preuves de la pérennité du projet. Avant d’ajouter: « je suis persuadé que l’élément qui a le plus joué en ma faveur, c’est que j’ai baigné dans ce métier et je le maîtrise sur le bout des doigts ». De l’issue de cette épreuve, il n’est pas peu fier. Cette délivrance lui a donné des ailes. Le don de 20 000 dinars et les prêts du même organisme et de la BTS ont été déterminants pour financer les 140 mille dinars que le projet a coûtés. Un pari gagnant a priori, Ahmed pense pouvoir rembourser ses dettes en quatre ans au lieu des sept prévus dans le business plan. Depuis le démarrage de l’entreprise début octobre dernier, il a enchainé les projets : construction d’un Souk local, de dépôts, ... Et le carnet de commande est bien chargé ! les commandes affluent de partout, les clients attendent. La machine qui était censée travailler deux fois par semaine tourne à plein régime sept jours sur sept. Douze emplois ont été créés. Son secret, il est intransigeant avec les normes et les standards qu’il avait appris dans son ancien parcours en génie civil. Son voeu le plus cher est de pouvoir participer aux appels d’offres de la région, qui malheureusement se renouvellent sans trouver preneur. Consternant pour une région qui s’est faite une notoriété dans le bâtiment et la construction. La raison est toute simple. « Pour avoir l’agrément, il faut disposer d’un montant de 20 000 dinars bloqués dans un compte ». Une forte frustration pour cet entrepreneur tellement fier et satisfait de son nouveau parcours.
La magie du travail Il est fasciné par la magie du travail et des bénéfices qu’el Faouar peut en tirer. Il n’a pas de mots assez forts pour défendre cette idée porteuse d’espoir pour la région. « Nous sommes dans une région désenclavée à 20 km du centre du gouvernorat, les projets ne manquent pas et j’ai la possibilité de faire travailler tous ces jeunes qui flânent dans les cafés », a-t-il souligné. Avec toute la force des mots, il lance un appel à l’etat pour revoir cette réglementation ou aider les jeunes promoteurs au financement de ce dépôt de garantie ». Inéluctablement, un effet de levier vertueux pourrait en découler qui pourra décupler les investissements. Une telle situation est en faveur des grandes structures, qui finissent vraisemblablement par sous- traiter de tels projets à des petits promoteurs sans réelle perspective de grandir dans ces conditions. Serait-il plus efficient et plus équitable d’encourager les jeunes entrepreneurs à se développer et à embaucher. La bureaucratie a ses raisons que le bons sens ne peut ignorer ! En attendant, il organise méthodiquement sa résistance, en avançant malgré tout. Il mise sur sa force de caractère, sur sa détermination et l’envie de vaincre et de gagner. Il a pour lui sa capacité de contourner les obstacles, d’entreprendre et d’avancer pour construire son propre avenir.