“Talent management UN DE MES PLUS BEAUX ACQUIS”
Elle a du talent, cela se voit à son allure, à sa démarche et à cette forme d’intelligence qui l’habite. Ses qualités humaines, professionnelles, sa passion pour le métier et ses exigences éthiques n’échappent à personne. Et encore moins au top management qui supervisait son travail, à quelque niveau de responsabilité qu’elle fût et jugeait de ses résultats. Une curiosité de tous les instants, une forte agilité d’esprit et un entrain contagieux. Elle cumule l’ingéniosité des plus entreprenants et l’humilité des sages. Elle a multiplié les postes autant que les challenges et développé les compétences avec détermination. Najla Hamdi a été nommée en début d’année au poste de Country Chair Tunisie-libye, cette filiale tunisienne de Sanofi, citée comme un modèle dans le groupe. Avec cette précision que la multinationale française de l’industrie pharmaceutique était jusqu’à récemment 4ème du top 10 mondial selon le classement mondial des industries pharmaceutiques de Proclinical en 2019. Najla Hamdi, chez qui on découvre au premier abord le courage des missions difficiles, arbore un sourire fier mais mesuré lorsqu’elle en parle. Comme tout leader digne de ce nom, elle ne s’appesantit pas sur ses propres succès mais préfère mettre en avant les mérites de son équipe. Sa connaissance des subtilités du métier, elle l’a acquise grâce à une solide expérience dans le management, conciliant harmonieusement vie privée et vie professionnelle. Son domaine de prédilection : le talent management, qui lui vaudra tous les honneurs lorsqu’elle prendra la tête de la filiale. Juste consécration. Les chantiers titanesques sont loin de l’effrayer, elle y puise toute sa force et sa motivation. Autant de raisons qui nous amènent à aborder avec elle les secrets du succès de la filiale Sanofi en Tunisie et le parcours d’une leader qui n’a pas fini de nous impressionner et de nous surprendre. Interview. Forte d’une solide expérience managériale, vous avez intégré Sanofi Tunisie en 2013, parlez-nous de l’ambiance de travail y régnant ?
Effectivement, après plusieurs expériences managériales dans différents secteurs d’activité (Pétrochimie, télécommunication, industrie mécanique, Finances.) j’ai rejoint Sanofi en 2013 en tant que Directrice des Ressources humaines Tunisie-libye. Vous pouvez imaginer qu’en cette période postrévolution il y avait beaucoup de tensions sociales ! Certes, je suis arrivée munie d’une grande expérience en Gestion des Ressources humaines, mais je devais faire face à un nouveau secteur d’activité, à de nouvelles approches et à une nouvelle culture. C’était un contexte difficile socialement. A ce moment-là, l’urgence était de comprendre les revendications, leurs motifs et leur pertinence tout en rassurant les collaborateurs et en maintenant l’activité. J’ai découvert une multinationale qui fonctionne avec des valeurs fortes et un niveau d’engagement élevé. En effet, avec le dialogue et une communication transparente nous avons pu passer ce cap difficile avec succès. C’était une période complexe mais nous avons pris le temps nécessaire pour arriver à une situation stable et sereine. Je tiens à souligner que les collaborateurs de Sanofi Tunisie ont toujours fait preuve de responsabilité et d’engagement vis-à-vis de leur pays, de leur entreprise et du patient tunisien.
Parlez-nous un peu de Sanofi ?
La vocation de Sanofi est d’accompagner celles et ceux confrontés à des difficultés de santé. Entreprise biopharmaceutique mondiale spécialisée dans la santé humaine, nous prévenons les maladies avec nos vaccins et proposons des traitements innovants. Nous accompagnons tant ceux qui sont atteints de maladies rares, que les millions de personnes souffrant d’une maladie chronique. Nous sommes des femmes et des hommes, des patients, des parents, des soignants, des chercheurs et des professeurs. Nous sommes Sanofi, une entreprise de santé qui oeuvre à améliorer la vie des populations du monde entier. Nos équipes travaillent avec passion et engagement pour comprendre et satisfaire les besoins de santé de chacun. Nous
relevons les défis afin de transformer l’innovation scientifique en solutions de santé. Nous défendons l’égalité des chances et condamnons la discrimination. Nous considérons qu’une meilleure santé commence par l’éducation. Nous sommes 100 000 collaborateurs dans le monde de 145 nationalités et nos produits de santé sont disponibles dans 170 pays. Nous sommes présents dans plusieurs axes thérapeutiques avec un portefeuille varié de solutions pharmaceutiques : de la vaccination, de la santé familiale (douleur, santé digestive..), des pathologies chroniques (diabète, cardiovasculaire, antibiothérapie..) et de la médecine de spécialité (maladies rares, oncologie, immunologie..). Sanofi est présent en Tunisie depuis plus de quatre décennies et nous contribuons fortement au développement de l’accès aux soins pour le patient tunisien. Nous avons été la Première Multinationale pharmaceutique à avoir investi dans un site industriel depuis 1991 avec des investissements réguliers (plus de 42 millions de dinars investis les six dernières années) répondant aux dernières exigences de qualité et de sécurité. Sur notre site de production de Mégrine, nous produisons annuellement 35 millions d’unités (30 millions d’unités destinées au marché tunisien et 5 millions d’unités pour l’ export) soit 11,4% de la production locale tunisienne des médicaments. Nous sommes un acteur industriel majeur puisque 88% des produits commercialisés par Sanofi en Tunisie sont fabriqués localement grâce à un transfert technologique régulier au profit des nos compétences locales.
Quel a été le point d’orgue de ces six années à Sanofi ?
Cette période a été marquée par la consolidation des réalisations et le développement de nouvelles initiatives. Sur le volet thérapeutique, Sanofi Tunisie a poursuivi son programme de mise à disposition des traitements (diabète, cardiovasculaire, HTA, …) ainsi que d’innovations thérapeutiques au profit de la communauté médicale et des patients. Sur le plan scientifique, nous avons développé des partenariats avec les sociétés savantes pour déployer des programmes de formation médicale continue au profit des professionnels de la santé (médecins généralistes et spécialistes, pharmaciens et dentistes). Sur le plan de la recherche clinique, nous avons en 2019 organisé la 21ème édition du Prix Sanofi de Recherche en Santé (en partenariat avec le ministère de la Santé) qui prime les travaux de recherche les plus pertinents réalisés par des compétences médicales tunisiennes. Depuis sa création en 1994, plus de 400 travaux de recherche ont été évalués. Notre objectif, étant de positionner la Tunisie en tant que hub de la recherche scientifique de la région MENA. Enfin, nous avons développé des partenariats avec les structures publiques en général et les autorités de santé en particulier : Institut Pasteur de Tunisie , le ministère de la Santé (dialogue public-privé pour développer le secteur de la santé en Tunisie) ; réglementation des études cliniques,… Sur le plan interne, nous avons mené d’importants chantiers de développement de nos collaborateurs par des programmes individualisés de formation continue, de coaching et de plan de carrière. J’insiste sur le fait que je suis, comme les 500 collaborateurs de Sanofi Tunisie, engagée pour le patient tunisien !
Parlez- nous de votre nomination au poste de country chair ?
Depuis janvier 2019, je suis nommée au poste de country chair Tunisie Libye. En tant que femme tunisienne, je suis fière d'occuper cette fonction. Le passage d’une position de DRH à une position de country chair représente une première au niveau de notre groupe. Je suis fière d’appartenir à un groupe engagé dans la parité homme – femme et la promotion de la compétence féminine.
Quelles sont les compétences qui vous ont permis d’accéder à ce poste ?
A mon avis, la connaissance de l’organisation de l’entreprise, de ses différents métiers, des différentes typologies de collaborateurs ainsi que des enjeux business représentent des prérequis pour occuper la fonction de country chair. Il est aussi indispensable d’avoir une bonne lecture économique et sociale du pays ainsi que des tendances et des besoins du marché. En six ans à Sanofi, j’ai eu la chance et l’opportunité de collaborer avec des managers qui m’ont encadrée et accompagnée dans mon parcours. Je suis toujours passionnée par ce que je fais et j’avance avec beaucoup d’énergie et d’enthousiasme pour les nouveaux challenges.
Quelles sont les difficultés rencontrées ces dernières années, notamment en matière de gestion des hommes ?
En interne, nous avons traité la problématique des conflits sociaux pour aboutir à un climat de travail apaisé et responsable. Comme vous le savez la gestion des conflits sociaux constitue une grande difficulté pour les entreprises. Nous avons fait preuve de dialogue, d’esprit de responsabilité, de rappel
des obligations de l’ensemble des parties et de respect de la législation pour garantir la pérennité de l’entreprise, de ses emplois et du bien-être de ses collaborateurs.
Et vous en tant que Manager, avez-vous travaillé sur le talent management ?
Tout à fait ! Désormais, le talent management est une réalité qui fait partie des priorités pour assurer l’avenir et la pérennité de toute entreprise. Ce sont les hommes et les femmes d’aujourd’hui qui représentent l’avenir de notre entreprise. Nous sommes transparents avec nos collaborateurs sur les opportunités de développement de carrière ainsi que les programmes d’accompagnement disponibles. Nous confions souvent à nos potentiels des missions et projets spécifiques afin d’évaluer leurs compétences techniques, comportementales et managériales. A ce titre, chaque année il y a une revue globale des performances de nos collaborateurs. C’est un exercice qui nécessite beaucoup de préparation au préalable avec un suivi régulier. Le talent management suppose également la préparation des plans de succession à court, moyen et long termes.
Décrivez- nous un moment où votre équipe a réussi à atteindre des objectifs ambitieux. Comment les avezvous soutenus et motivés ?
Les périodes d’implémentation des changements (organisationnels, stratégiques, business models, mobilité, …) sont souvent sensibles à gérer. Il s’agit, notamment, d’aboutir à un changement de mindset et de faire preuve d’une capacité d’adaptation voire d’anticipation. Ce sont ces phases de l’histoire d’une entreprise (lorsqu’elles sont réussies) qui sont les plus excitantes pour un DRH ou un country chair. J’ai personnellement contribué à la réussite de ces différentes phases (même si cette réussite est d’abord celle des équipes) en privilégiant le dialogue, l’empathie, l’approche participative mais également la fermeté eu égard à la nécessité de la transformation.
Quelle est votre approche pour déléguer et vous assurer que les tâches sont bien exécutées ?
Dans le cadre de mes fonctions je travaille beaucoup en mode projets : la définition des objectifs, des délais et des responsabilités, le « qui fait quoi » est fondamental. Tout est partagé avec mon équipe pour s’assurer d’une bonne compréhension des objectifs et des plans d’action. Le suivi régulier est indispensable que ce soit au niveau individuel ou en groupe. Le tout en se basant sur la confiance et en les encourageant mais aussi en rappelant les objectifs et les règles si nécessaires.
Avez-vous eu affaire à un collaborateur qui s’oppose tout le temps à vos idées ?
Malheureusement non ! j’aurais, néanmoins, apprécié de gérer cette situation !
Que vous ont appris vos années d’expérience en tant que manager?
J’occupe des postes de manager depuis 2001. A travers les différentes expériences, j’ai beaucoup appris et j’ai beaucoup changé ! J’ai appris à être patiente. Les personnes n’ont pas forcément le même rythme de travail et/ ou d’apprentissage. Il faut surtout déceler leurs points forts et les développer. J’ai aussi acquis plus de sensibilité vis-àvis de leurs problèmes et de leur environnement. Quand j’ai débuté, j'avais plutôt une conception mécanique des relations de travail et de la gestion des hommes. Aujourd’hui, seule l’approche « humaine » avec un grand « H » prime.
Nous sommes à l’aube de nouvelles élections: en tant que cheffe d’entreprise, quels sont les critères du candidat idéal ?
Ce que nous vivons est extraordinaire. A moins d’un mois des élections présidentielles, on ne connaît pas le président, c’est formidable de vivre une vraie démocratie. Je suis donc confiante pour la suite surtout que le choix du futur président se fera par les résultats des urnes. J'espère qu’on aura un président qui s’attaquera sans délai aux problématiques économiques et sociales tout en tenant compte du contexte géopolitique, car nous baignons plus que jamais dans un contexte régional, notamment avec nos voisins directs : l’algérie et la Libye. C’est un enjeu indispensable dans la donne du pays.
En ce qui concerne le programme économique, quelles sont vos attentes ?
Je souhaite que l’etat se concentre sur les secteurs stratégiques pour le pays et qu’il encourage les investissements privés pour dynamiser l’économie afin de redresser la situation. Cela passera également par une refonte des partenariats publics- privés.
“La consolidation de notre partenariat public-privé avec le Ministère de la Santé fait également partie de nos priorités. Sur le volet des investissements industriels (42 millions de dinars investis au cours des six dernières années), nous maintiendrons les transferts technologiques ainsi qu’une forte production locale.
J’insisterai également sur la modernisation de l’administration tunisienne qui constitue un enjeu majeur pour l’ensemble des secteurs d’activité (transport, éducation, industrie, santé..). Je pense que les champs d’intervention sont connus et nécessiteront des décisions courageuses ainsi que des capacités à fédérer autour d’un projet et d’une vision commune. Je suis optimiste pour la suite.
Justement parlons d’économie. Comment se porte aujourd’hui le secteur des médicaments ?
Le secteur des médicaments continue à se développer malgré les difficultés. Il y a une forte volonté de tous les acteurs pour accompagner ce développement. Je commencerai par une des grandes problématiques de notre secteur, qui est l'accélération de l’octroi des Autorisations de mise sur le marché (AMM). Cela permettrait à la communauté médicale et au patient tunisien de bénéficier plus rapidement des innovations thérapeutiques. Ce serait également un signal positif à destination des multinationales pharmaceutiques concernant leur politique d’investissement en Tunisie. On parle aussi de développement du tourisme médical en Tunisie. Il est donc important pour un touriste de se procurer les spécialités pharmaceutiques en Tunisie. Deuxième point: le système de financement de la santé en Tunisie reste fragile. L’etat tunisien fait face à des difficultés de paiement, ce qui pénalise les fournisseurs. Nous comprenons ces difficultés, mais nous souhaitons plus de visibilité sur les échéanciers de règlement. Troisième point : Sur le plan des maladies chroniques et de spécialité ( diabète, sclérose en plaques, hémophilie, …), l'accélération de l’octroi des AMM, des prix ainsi que des remboursements évitera à la Tunisie d’être en retard sur la mise à disposition des innovations thérapeutiques au profit du patient tunisien. L’augmentation de la couverture vaccinale est également une grande priorité en Tunisie. Cela passe par des mises à jour régulières des carnets de vaccination ainsi que des efforts financiers et logistiques pour vacciner le plus grand nombre de patients tunisiens. Je terminerai en citant un des points forts en Tunisie, et sur lequel il faut continuer à faire des efforts : ce sont les recherches cliniques. Je pense que nous sommes bien partis. En termes de réglementation, les bases sont là, il faut bâtir sur ce qui est acquis.. Actuellement, on en parle de plus en plus, c’est une réelle opportunité pour la Tunisie qu’il faudra exploiter. Dans certains pays, la recherche clinique constitue un pourcentage élevé du PIB, nous pouvons nous en inspirer.
Quels sont les projets de Sanofi en Tunisie ?
Nous continuerons à fournir des médicaments de grande qualité ainsi que des innovations thérapeutiques. La consolidation de notre partenariat public-privé avec le Ministère de la Santé fait également partie de nos priorités. Sur le volet des investissements industriels (42 millions de dinars investis au cours des six dernières années), nous maintiendrons les transferts technologiques ainsi qu’une forte production locale. Nous développons continuellement nos processus de fabrication pour approvisionner le marché et satisfaire les besoins du patient tunisien qui reste notre première priorité. Nous réalisons actuellement 15% de notre chiffre d’affaires à l’export et nous envisageons de renforcer cette activité. D’ailleurs nous sommes en train d’investir dans un grand projet de trigénération, qui consiste en l’autoproduction de nos besoins en électricité (à hauteur de 93%). Nous espérons une accélération des procédures administratives pour déployer ce projet. Nous continuons à investir et à former nos 500 collaborateurs. D’ailleurs, nous comptons beaucoup de collaborateurs tunisiens qui viennent de bénéficier de promotions et de mobilité internationale au sein du Groupe Sanofi. D’un autre côté, nous recevons également des experts. Je tiens personnellement à garder cette ouverture de la Tunisie.
Le mot de la fin ?
J’espère que les élections se passeront bien. Je souhaite le meilleur pour notre pays. Nous avons beaucoup appris de nos erreurs, c’est une chance sur laquelle nous devons bâtir. Je suis très confiante.
“Désormais, le talent management est une réalité qui fait partie des priorités pour assurer l’avenir et la pérennité de toute entreprise... Nous confions souvent à nos potentiels des missions et projets spécifiques afin d’évaluer leurs compétences techniques, comportementales et managériales.