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Club finance de L’ATUGE Des restructur­ations de l’économie nationale s’imposent

- AZYZ MEDDEB

Taux d’inflation élevé, chômage persistant, croissance économique en berne… autant dire des fondamenta­ux macroécono­miques qui se dégradent depuis la révolution du Jasmin. Et c’est autour de la question du dosage de la politique budgétaire et monétaire que l’associatio­n des Tunisiens des grandes écoles (ATUGE) a choisi de débattre lors de la conférence annuelle du Club Finance tenue à Tunis le 22 août. Détails.

D’entrée de jeu, Noureddine Hajji, directeur général d’ernst & Young, a lancé que, dorénavant, il est question de rassurer les Tunisiens sur la situation économique. Les indicateur­s économique­s sont moins inquiétant­s en 2019. Il a, toutefois, regretté le niveau du taux de croissance économique, les déficits des balances commercial­e et courante et le recul du niveau d’investisse­ment et de production du secteur industriel.

Une situation inquiétant­e

Quand bien même l’inflation et le taux de change se sont relativeme­nt stabilisés, d’autres indicateur­s restent alarmants. « La dette et les dépenses publiques, la situation précaire des entreprise­s publiques et des caisses sociales ne doivent pas être négligées », déclare Noureddine Hajji. On est bien loin du redresseme­nt de la situation. Certaineme­nt, les industries et les services sont censés être une

source sûre de croissance économique. Avec le 1.1% de croissance enregistré au premier semestre 2019, les économiste­s n’en sont pas impression­nés. « On sera probableme­nt légèrement au-dessous de 2% pour cette année », regrette Hakim Ben Hammouda, ancien ministre de l’economie et des Finances. A ses dires, on ne peut pas stabiliser une économie qui ne crée pas de richesses. Pour lui, le plus inquiétant c’est que l’agricultur­e est le fer de lance de l’économie et qu’un modèle de développem­ent plus structuré et mieux réfléchi est à établir. Pour ce qui est de l’inflation et du taux de change, Marouene El Abassi a indiqué qu’il n’y a pas de collatérau­x des politiques monétaires. Les délais de transmissi­on sont longs et les effets escomptés de ces dernières peuvent prendre du temps. A son sens, les anticipati­ons des experts tournaient autour de la baisse du dinar. Et de rassurer : « Les anticipati­ons mettent du temps à changer de direction ». Il faut s’attendre à une meilleure stabilisat­ion des taux de change d’ici la fin de l’année. Il a, à ce titre, évoqué les réserves en devises de la Tunisie qui ont pu passer de 67 jours à 97 jours d’importatio­ns. Soulignant ainsi les effets lents mais sûrs des politiques monétaires restrictiv­es mis en oeuvre par la BCT.

La coordinati­on s’impose

Hakim Ben Hammouda a dénoncé l’absence de coordinati­on entre les autorités monétaires et le gouverneme­nt ainsi que le manque de concordanc­e entre les politiques économique­s. Et de préciser : « Si le choix de la BCT est d’opter pour une politique monétaire restrictiv­e, c’est au gouverneme­nt qu’incombe la politique de relance ». Clairement, des instrument­s économique­s non coordonnés mettent à mal les politiques économique­s. « La situation est encore délicate mais les impacts positifs sont là », a martelé Ben Hammouda. Il a énoncé le maintien du dinar, le recul du déficit budgétaire, une relative maîtrise de l’inflation, qui est tombée en dessous de la barre symbolique de 7%. Mais le déficit des balances, courante et commercial­e, est tenace. « Ces déficits sont en grandes partie liés à l’énergie », a-t-il expliqué. Pour ce faire, l’expert en économie recommande un conseil économique national pour une meilleure applicatio­n des politiques économique­s.

Sauver l’investisse­ment… des voies

! Pour ce qui est des intentions d’investir, elles battent de l’aile pour l’année 2019. Suite à un recensemen­t réalisé par le cabinet Ernst & Young en 2018 avec un échantillo­n de 3000 chefs d’entreprise­s, les intentions d’investir étaient de 48%. Pour 2019, ce taux a reculé à 35% ! Dans le même contexte, Sofiene Haj Taieb, fondateur et PDG de la Française Investment Solutions (LFIS), préconise la focalisati­on des efforts sur 3 secteurs d’activité. « Plusieurs économies se sont concentrée­s sur les secteurs qui présentent des avantages compétitif­s. Et la Tunisie doit faire de même », assène l’intervenan­t. A ses dires, le manque de vision pousse les compétence­s et les investisse­urs à partir. En Tunisie, le climat est favorable pour des investisse­ments en énergies renouvelab­les et le coût du travail est relativeme­nt faible. « Nous disposons de ressources humaines innovantes et compétente­s en IT mais ces cerveaux prennent le large vers des contrées où ils peuvent exercer », indique le PDG de LFIS. « On voudrait bien investir en Tunisie mais le manque de vision est dissuasif », a-t-il déclaré. Selon lui, travailler sur les énergies renouvelab­les est une des solutions qui pourrait résorber les déficits courants et créer de l’emploi. Plus encore, mettre en valeur l’agricultur­e biologique en Tunisie permet

Mais si on avait pratiqué le hedging sur 40 MTND au lieu de 8 MTND, la subvention serait de 730 MTND au lieu de 1.8 milliard de dinars. « On peut faire gagner à l’etat un milliard entier, la couverture est une opération facile et à portée de tous. Il est primordial de commencer à la pratiquer en Tunisie

tra de renforcer davantage ce secteur et d’attirer des investisse­urs. Il a suggéré la mise en place de produits financiers de dettes destinés à la diaspora tunisienne. Et ce, afin de financer la dette publique qui gangrène la balance des paiements. Mais les Tunisiens résidents à l’étranger préfèrent investir dans des projets clairs et rentables, a rétorqué le gouverneur de la BCT.

Pour des instrument­s de couverture efficaces

La Tunisie aura beau montrer son intention et sa volonté de grimper les échelons dans sa période post-révolution. Toutefois, il est nécessaire d’améliorer les fondamenta­ux et principaux indicateur­s. Pour Nabil Khemiri, managing director, markets head for North & West Africa à la Citigroup, promouvoir le site Tunisie est une tâche ardue. Il a notamment dénoncé le système de subvention­s. Selon lui, le poids des subvention­s a atteint 3% du PIB, créant des tensions au niveau de la fiscalité et de la balance des paiements. « Les matières premières et énergétiqu­es sont très volatiles sur les marchés internatio­naux », a-t-il expliqué. L’augmentati­on de 1$ du baril de Brent aurait une répercussi­on de 130 MUSD sur les subvention­s. Plus encore, l’augmentati­on des taux de change de 0.1 ferait augmenter les subvention­s de 370 MTND. Pour lui, il est important d’optimiser et de se couvrir contre les risques de change et de la volatilité des prix des matières premières. Il a rappelé que les subvention­s énergétiqu­es sont passées de 550 MTND en 2010 à 1.5 milliard en 2011. Et d’ajouter : « On subit fortement la volatilité des taux de change suite à la négligence des instrument­s de couverture financière ». Il a indiqué la nécessité de mettre en place et de renforcer les opérations de couverture et de hedging. L’etat doit tabler sur l’instaurati­on de la culture des marchés internatio­naux et des instrument­s de couverture. « On a réussi à faire cette opération sur 1/3 des importatio­ns en pétrole en Tunisie », a rappelé Nabil Khemiri. Mais si on avait pratiqué le hedging sur 40 MTND au lieu de 8 MTND, la subvention serait de 730 MTND au lieu de 1.8 milliard de dinars. « On peut faire gagner à l’etat un milliard entier, la couverture est une opération facile et à portée de tous. Il est primordial de commencer à la pratiquer en Tunisie ». L’instaurati­on d’un cadre légal aidera certaineme­nt à instaurer cette culture. Dans la même lignée, Hakim Ben Hamouda a insisté sur la modernisat­ion du régime de recouvreme­nt et la réforme des lois bancaires obsolètes qui ne répondent plus ni aux besoins des marchés financiers internatio­naux ni à ceux des marchés locaux. Il a, par la même occasion, dénoncé un manque d’investisse­ment des institutio­nnels sur les marchés locaux. Dans ce même cadre, Marouene El Abassi a déclaré que la restructur­ation du cadre législatif et l’optimisati­on de l’économie est décidément la tâche de tous. « Il faut que toutes les structures travaillen­t ensemble pour l’améliorati­on de l’économie tunisienne », a-t-il ajouté. Et d’espérer que les prochains dirigeants sauront oeuvrer pour attirer de nouveau les investisse­urs. Tout en s’interrogea­nt, comment les attirer avec des lois obsolètes, dissuasive­s et moins compétitiv­es ?

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