LE RETOUR DE MANIVELLE
C'est un humoriste, aujourd'hui disparu, qui disait que l'année à venir allait être meilleure. Meilleure non par rapport à celle passée, mais en prévision de celle qui va lui succéder. De quoi réjouir le collectif de mortels que nous sommes, toujours dans l'expectative de bonnes nouvelles. Loin de cette perspective, voilà que l'on nous apprend que chaque Tunisien est endetté de 8.000 dinars pour 2020. Il l'était déjà à hauteur de 7.400 dinars en 2019. Ces chiffres font froid dans le dos au regard de ce que le pays lui-même est appelé à décaisser en 2020 au titre de l'encours de sa dette publique estimé à 94 milliards de dinars, c’est-à-dire près de 75,1% du PIB (contre 86 milliards de dinars en 2019). Cela représente, quand même, l’équivalent de pas moins de deux budgets annuels. Ainsi devront être remboursés, en 2020, 538 millions de dinars, au titre du crédit du Fonds monétaire international (FMI), 400 millions d’euros au titre du crédit contracté sur le marché financier international, 250 millions de dollars au titre de l’emprunt souscrit auprès du Qatar, des obligations du Trésor de l’ordre de 2,166 milliards de dinars et 248 millions d’euros au titre de l'emprunt contracté, en devises, auprès des banques tunisiennes. Ce à quoi il faudra donc s'attendre, pour le prochain exercice budgétaire, arrêté à 47 milliards de dinars (contre 40,8 milliards de dinars en 2019), c'est, principalement et en dinars, 20 milliards dédiés à la masse salariale (40% du budget), 5,5 milliards des ressources affectées aux subventions, 6 milliards au développement et 12 milliards consacrés au service de la dette. Les besoins de financement seront de l’ordre de 12 milliards de dinars, dont 3 milliards de dinars seront levés sur le marché financier intérieur et 9 milliards de dinars auprès du marché financier extérieur. Comme par un pur hasard, ce montant correspond à celui de la dette à rembourser au cours du prochain exercice. Serions-nous, alors, entrés dans une chaîne de Ponzi, qui consiste à toujours emprunter pour rembourser une dette ? Les conséquences, à terme, sont connues. C'est l'effondrement du système aux répercussions qui risquent fort d'être dramatiques avec les mesures drastiques prévisibles imposées par les créanciers. En cela les exemples ne manquent pas. Alors gare au retour de manivelle ! Le plus inquiétant, dans ce contexte, c'est que nulle part dans les discours il n'est fait appel à l'austérité, à commencer par l'etat lui-même, alors qu'il n'a pu affecter que moins de 13% de son budget au développement ! Confortablement le gouvernement sortant va finalement passer la patate chaude à celui qui va lui succéder. L'on parle d'une composition gouvernementale faite de personnalités particulièrement compétentes et reconnues pour leur probité. Bien heureusement, car l'on voit mal comment un gouvernement composé d'incompétents et de margoulins pourrait sortir le pays du marasme économique et social dans lequel il a été enfoncé des années durant! Dieu nous en garde.