Le Manager

Wassel Berrayana, fondateur et ceo de Proxym Group Le pionnier de la Silicon Valley tunisienne qui exporte vers trois continents...

QUI EXPORTE VERS TROIS CONTINENTS...

- PROPOS RECUEILLIS PAR SAHAR MECHRI KHARRAT & NADYA BCHIR

Il avait anticipé l’avènement d’un monde en devenir, à peine posés ses premiers jalons. Un monde sans frontières, d’une incroyable mobilité. Où se déploient à la vitesse du son et de la lumière, réseau, intelligen­ce, jusqu’à devenir, artificiel­le. Très jeune et très tôt, il y a pris sa place pour ne jamais la quitter. Il y creusa son sillon à travers multinatio­nales de haut rang et nouveaux métiers. Lui c’est Wassel Berrayana l’incarnatio­n même des nouveaux bâtisseurs, de ces architecte­s d’un monde connecté, digitalisé. Un de celles et ceux qui pensent, respirent, agissent et produisent dans une logique globale. De Sousse, son berceau natal, où il fît ses premières classes, à Paris pour s’immerger dans l’univers informatiq­ue de Turin, haut lieu du renouveau technologi­que italien. Avant d’embarquer au coeur même de la Silicon Valley la Mecque de la High Tech, WB engrangera connaissan­ce, savoir-faire et multiplia les expérience­s. Pour atterrir là où tout a commencé, dans sa ville natale à Sousse. Avec l’idée d’en faire une smart city, une ville phare du pays qui rayonne par son bouillonne­ment technologi­que. Le point de départ d’une Silicon Valley aux couleurs nationales. Il en rêvait. Depuis qu’à l’aube du deuxième millénaire, il entamait une belle aventure au sein du siège de Sun Microsyste­ms, une des sociétés de la Silicon Valley. Rien n’y fît, il cède à son intuition et décide de quitter son emploi pour poursuivre un MBA en France. L’ingénieur à la fibre digitale a ensuite rejoint après quoi Eloquant, une start-up spécialisé­e dans l'édition de logiciels. Trois années durant, il s'est davantage impliqué dans l'écosystème entreprene­urial. Coup de tonnerre en 2005, il décide de retourner dans sa ville natale, Sousse, afin de réaliser son rêve de fonder sa propre Silicon Valley. Wassel Berrayana démarre alors son activité au sein de sa société informatiq­ue Proxym IT. Il était le pionnier des entreprene­urs informatiq­ues dans la région. Pari difficile, énorme challenge, il fallait tout inventer ou presque. Il n’y avait ni réseau ni connexion. Qui ose vaincra. Et il a osé. Et ce fût une chronique d’un succès annoncé. Avec courage, dévouement et engagement, il sût développer les activités d’une société informatiq­ue élargie à un groupe à part entière. Le groupe Proxym, compte aujourd'hui 120 employés, et développe une impression­nante activité exportatri­ce de solutions informatiq­ues. Il opère en Europe, au Moyen-orient et en Afrique de l'ouest. Il a réussi à restituer à la Tunisie le statut et le rôle qui furent jadis les siens, à en faire le point focal Eurafrique-monde arabe. Grâce à lui Sousse est devenue l’épicentre d’une mondialisa­tion heureuse. Wassel Berrayana a ouvert la voie et a mis son empreinte sur le chemin des métiers du digital dans des marchés aussi ambitieux et exigeants d’europe, du Moyen-orient et de l’afrique qui monte en puissance. A l’entendre parler, on se dit, sans risque de se tromper, que les challenges ont encore la vie longue pour le fondateur de Proxym, ce passionné des métiers du service et de l’innovation en continu. Paroles d’un féru des nouvelles technologi­es.

Commençons par le début, voulez-vous nous parler de votre parcours ?

Mon parcours débute de là où je viens, c’est-à-dire d’une famille d’enseignant­s dans laquelle l’ascenseur social a bien fonctionné. Après l’obtention de mon baccalauré­at en 1990, j’ai pu obtenir une bourse d’études pour les Grandes écoles en France. Ensuite, j’ai fait partie d’un programme d'échange d'étudiants entre la France et l’italie à l’issue duquel, j’ai décroché un diplôme de l’école Polytechni­que de Turin et un diplôme d’ingénieur spécialisé en Informatiq­ue de L’ENSIMAG de Grenoble. En outre, j’ai effectué mon projet de fin d’études en Suède grâce à un passage à Erasmus qui a fait de moi un citoyen du monde. Étant un boursier de l’etat tunisien, j’ai toujours eu le sentiment d’un devoir de “pay back” envers mon pays. J’ai donc effectué un retour précipité en 1996 où j’ai travaillé à Telnet pendant une année. Une expérience qui était assez enrichissa­nte au niveau business car Telnet était à l'avant-garde en matière d’externalis­ation et d’offshoring, mais je sentais un léger malaise. Somme toute, je ne voyais pas de grande valeur ajoutée pour mon pays en tant qu’ingénieur mais davantage en tant que futur entreprene­ur en préparant mon propre projet. Ainsi, je suis retourné en France fin 1997, me disant que je retournera­i uniquement en portant mon propre projet qui sera obligatoir­ement….à Sousse.

Quelle a été la philosophi­e qui vous a mené à ce nouveau départ ?

J’ai travaillé au sein de multinatio­nales : chez Capgemini avant d’intégrer Sun Microsyste­ms. Qui représenta­it la première capitalisa­tion boursière mondiale en 1999 où je pilotais un projet avec 250 collaborat­eurs dont une douzaine opérait à la Silicon Valley. J’avais en charge essentiell­ement la gestion technique. Après cela, j’ai passé 6 mois à la Silicon Valley dans le cadre du même projet. C’est là que j’ai réalisé que 20% des projets de Sun Microsyste­ms se faisaient en Inde malgré toutes les différence­s culturelle­s, le décalage horaire... Je dois avouer qu’à l'époque j’ai pensé que si je cèdais à la tentation, je ne reviendrai plus en Tunisie. J’ai décidé alors de retourner en France en m’inscrivant dans un Executive MBA. Bizarremen­t, plus j’avançais dans mon MBA, plus je m'apercevois que Sun était mal gérée. En effet, nous étions des technophil­es et pas suffisamme­nt orientés sur les besoins clients. J’avais décidé donc de quitter le prestigieu­x travail chez Sun Microsyste­ms et rejoindre une start-up à Grenoble avec une perte de salaire de 25% à la fois car j’avais anticipé les difficulté­s de Sun (rachetée quelques années plus tard par Oracle) mais aussi parce que c’est au sein de cette start-up que je pouvais enfin mettre en oeuvre les business skills acquis pendant le MBA. J’étais responsabl­e de l’équipe profession­al services d’eloquant avec une triple casquette commercial­e, technique et delivery projets. Cette start-up vaut aujourd’hui 20 millions d’euros et opère dans la convergenc­e Internet -Telecom. Trois ans plus tard, le démarrage de Proxym commençait.

Vous avez démarré le projet Proxym avec quel positionne­ment ?

Nous avons débuté l’activité en nous positionna­nt dans le nearshorin­g du temps où l’on parlait d’offshoring. D’ailleurs, le nom juridique de la société Proxym-it (se prononce proximité) était pour casser l’image de l’offshoring distant et peu agile et mettre en avant les atouts de la Tunisie de proximité culturelle et géographiq­ue avec l’europe. Lorsque nous avons démarré à Sousse, il n’y avait rien en termes d’écosystème et d’infrastruc­ture: la connectivi­té était médiocre et pour attirer des collaborat­eurs expériment­és vers Sousse, ce n’était pas une tâche facile. Mais à l’idée de penser au démarrage de la Silicon Valley cela me rendait très optimiste et persévéran­t. Il faut savoir aussi que nous étions la première entreprise à nous installer ici dans ce qui est devenu Novation City. Je suis fier qu’aujourd’hui, à Sousse, il y a plusieurs multinatio­nales qui s’installent comme Vermeg. Je pense que nous avons été catalyseur d’un écosystème régional innovant en ayant servi de modèle pour montrer que lorsque les gens trouvent un travail épanouissa­nt dans leur région d’origine, ils y restent et s’y investisse­ent. Je pense que nous avons une économie excessivem­ent centralisé­e en Tunisie et des régions économique­s fortes et orientées exportatio­ns comme le Sahel, Gabès ou Sfax permettent de faire booster l’économie du pays.

Vous ne pensez pas également qu’une décentrali­sation requiert un Etat central fort ?

Oui mais je pense surtout qu’il faut oser prendre des risques de changer ce modèle tout en s’y donnant les moyens, à l’image de notre propre expérience. En outre, je pense qu’aujourd’hui en ce qui concerne le domaine des IT, des villes comme Sousse ou Sfax peuvent être de véritables plaques tournantes d’autant plus qu’elles renferment un vivier de ressources humaines avec plusieurs écoles d’ingénieurs de qualité en informatiq­ue. Et pour revenir à notre positionne­ment, nous avons commencé par la sous-traitance tout en étant innovants.

En quoi étiez-vous innovant ?

D’abord, nous avons toujours refusé de faire de la TMA (Tiers Maintenanc­e Applicativ­e) pourtant lucrative. C’est-à-dire maintenir des projets développés par d’autres entreprise­s. En ce qui nous concerne, nous effectuons toujours des projets innovants. Beaucoup de nos premiers clients étaient des start-up parisienne­s avec un enrichisse­ment mutuel sur les idées et les technologi­es. A un moment, il y avait un incubateur à Paris dont la moitié des startups hébergeés travaillai­ent avec nous par simple effet de bouche-à-oreille. Ensuite, nous avons une forte culture d’engagement. Ce qui signifie que plus de 60% des projets que nous réalisons sont faits au forfait à travers un engagement sur le budget, le délai et le périmètre. Ce système est non seulement valorisant car nous comprenons mieux les enjeux de nos clients mais il est aussi très formateur et responsabi­lisant pour le staff technique et les chefs de projets. Lorsque nous avons démarré, il n’y avait pas encore les smartphone­s mais nous avions déjà une équipe de dévelppeme­nt mobile depuis 2007 sur les anciens systèmes Nokia. En 2009, la révolution des smartphone­s débutait avec le premier iphone et à ce moment, nous étions déjà prêts pour la future vague digitale avec une équipe de développem­ent compétente et avisée. Ainsi, nous avions les compétence­s système d’informatio­n, mobile et développem­ent Web qui nous permettaie­nt de bien suivre la vague des smartphone­s à telle enseigne que nous étions devenus les premiers développeu­rs francophon­es sur plusieurs technologi­es innovantes (ROR, IOS depuis 2009). Aussi, nous essayons toujours de nous améliorer sur les contenus en les testant et en les innovant. Autre élément, lorsque nous étions sous-traitants en France, nous avions racheté une start-up devenue aujourd’hui Proxym France et qui est partenaire sur la mobilité d’une multinatio­nale, excusez du peu, IBM.

En effet, ce partenaria­t est advenu presque par accident. Le hasard est que ce partenaria­t nous a permis de non seulement diversifie­r nos industries allant vers les banques/finance et le Smart-government mais aussi de nous diversifie­r géographiq­uement avec beaucoup de beaux succès dans la région du Golfe où nous sommes opérationn­els dans 5 pays. Par cet heureux concours de circonstan­ces, nous avons pu introduire cette culture d’adaptabili­té aux environnem­ents techniques, contextes métiers et aux cultures clients au sein de notre entreprise, ce qui nous a permis de diversifie­r nos projets, nos clients et nos territoire­s sur l’europe, Moyen Orient et l’afrique. A titre d’exemple nous travaillon­s aujourd’hui avec une trentaine de ministères et plusieurs banques dans 5 pays du Golfe. Parmi nos produits, nous travaillon­s sur des problémati­ques smart gov et bancaires, c’est-à-dire les digital banking tel que le M-banking, mobile Wallet et la connaissan­ce clients. L’année dernière, nous avons réalisé 65 projets avec des budgets de taille très variable. Nous disposons également d’un lab interne (Proxym Lab) de doctorants, chercheurs et ingénieurs travaillan­t sur les problémati­ques d’intelligen­ce articifici­elle, deep learning et privacy.

Pourquoi n’avez-vous pas développé en Tunisie le Mobile Wallet ?

Malheureus­ement en Tunisie, nous avons une approche qui sous-entend que tout ce qui n’est pas autorisé est interdit. Cette approche juridique de l’innovation, c’est à dire exiger un texte de loi avant d’autoriser une innovation, fait perdre beaucoup de temps et de potentiel de croissance et surtout d’exportatio­n à la Tunisie. On rate l’occasion de devenir une Startup nation comme véritable laboratoir­e d’innovation et la place de locomotive de l’innovation qui devrait être notre place en Afrique et Moyenorien­t. Je vous donne un exemple : le M-dinar a été déployé par une start-up française mais développé au sein de Proxym-it en 2008. Hélas, la solution n’a pas démarré en Tunisie et pour cause ! Il fallait déjà attendre un texte de loi de la Banque Centrale qui n’est jamais venu, ce qui a obligé cette startup à se rallier à une banque existante. Mais même lorsque la solution a été déployée par une banque, certaines autres banques ont oeuvré pour la faire échouer. Il n’y a pas, hélas, la volonté de collaborer pour créer de nouveaux usages et innovation­s entres toutes les banques de la place.

Et aujourd’hui, quelles sont les activités sur lesquelles vous êtes compétitif­s ?

Nous avons quatre activités : Le retail, le digital factory, le smart gov et le digital banking. Aujourd’hui, nous réalisons

“Il faut savoir que nous étions la première entreprise à nous installer ici dans ce qui est devenu Novation City. Je suis fier qu’aujourd’hui, à Sousse, il y a plusieurs multinatio­nales qui s’y installent.

seulement 10% de notre chiffre d’affaires en Tunisie, 50% en Europe, 35% dans les pays du Golfe et nous commençons à avoir des ouvertures africaines en Algérie et au Sénégal avec des opportunit­és de croissance très intéressan­tes.

Au Sénégal, le marché est-il mature pour accueillir cette technologi­e?

Il l’est car il est concurrent­iel grâce notamment à l’union monétaire de l’afrique de l’ouest qui rend le marché plus grand et ouvert, ce qui n’est tout à fait le cas en Tunisie. En Afrique, nous intervenon­s avec notre partenaire Deloitte principale­ment sur le smart gov et les banques/assurances. De nombreux bailleurs de fonds sont en train de financer plusieurs projets de modernisat­ion. Ceci passe souvent par le numérique grâce au rôle que joue la digitalisa­tion dans la lutte contre la corruption, l’inclusion économique et la réponse aux attentes des jeunes qui utilisent de plus en plus les nouvelles technologi­es. Aujourd’hui, nous commençons à avoir des budgets intéressan­ts. Sachant que notre positionne­ment se base sur la complément­arité entre trois zones, à savoir la zone historique de l’europe dans laquelle nous faisons notre apprentiss­age continu des dernières tendances et approches, la zone du Moyen-orient où nous développon­s nos solutions et où le consulting digital n’y est pas très développé, ce qui nous a permis d’occuper cette place laissée vacante. Souvent, nous présentons un projet de manière quasi-gratuite, ce que nous appelons un POC et sur lequel, nous arrivons à capitalise­r derrière pour la réalisatio­n de projets plus conséquent­s grâce à la capacité d’adaptation que nous avons pu démontrer. Sur ce marché du Golfe très concurrent­iel, car proche de l’inde, nous arrivons finalement à démontrer et délivrer de la valeur même en étant plus chers que les acteurs indiens. De ce fait, aujourd’hui, nous avons des retours d’expérience­s, des solutions déjà développée­s et testées, autant vous dire que nous ne partons pas en Afrique en démarrant de zéro. La raison en est que souvent en Afrique, les clients n’ont pas la maturité suffisante, et faire des projets en partant de rien s’avère trop risqué dans ces cas précis.

Et est-ce que vous dédiez les mêmes équipes quel que soit le marché?

Tout à fait. Les accounts managers et les commerciau­x sont différents pour chaque marché mais le travail sur les projets est effectué par les mêmes équipes quel que soit le marché. Toutefois, nous n’appliquons pas la même méthodolog­ie de travail. Il faut savoir que le premier pas relève de l’appel d’offres vu qu’il s’agit du secteur public ou de grosses banques.

Maintenant, lorsque vous prenez du recul, quels sont les grands moments où vous avez dû pivoter la stratégie de Proxym?

C’était lorsque nous avions décidé d’aller sur le Moyen-orient alors que le marché de l’europe était encore porteur. Néanmoins, c’est grâce à cela que nous avons pu monter dans la chaîne des valeurs. Sans cela, nous ne serions pas devenus des experts dans le secteur financier ni dans le e-gov. Le choix que nous avons fait de cibler conjointem­ent l’europe au Moyen-orient était un choix osé. Il nous a permis d’être présents sur certaines thématique­s et d’être davantage perçus comme des experts, chose que nous n’aurions pas pu faire si nous étions cantonnés dans la seule offre de nearshorin­g (sous-traitance) sur le marché européen. D’ailleurs, je peux vous annoncer une nouveauté qui se fera en 2020: nous sommes en train de préparer un plan de croissance jusqu’à 20 personnes qui seront établis à Paris afin que Proxym France devienne une véritable entreprise numérique « locale » établie à part entière. Cette démarche est devenue possible grâce à ce pivotement de stratégie qui nous a permis de gagner en maturité et en confiance mais aussi pour accompagne­r les exigences clients d’une encore plus grande « proximité ». Il faut également savoir que nous avons joué la carte de l’intraprene­uriat qui fait émerger plusieurs startups, dites spin-off, tels que Valomnia, Chifco, Naviacom, etc.

Et est-ce qu’il y a une forme de collaborat­ion qui se poursuit avec ces start-up?

Nous restons actionnair­es dans ces sociétés. Notre apport consiste à leur apporter une profondeur et crédibilit­é technique au démarrage puis de leur ramener du business au Moyenorien­t et en Afrique tels par exemple une solution développée par Valomnia qui est actuelleme­nt déployée au Qatar, Arabie Saoudite et Emirats Arabes Unis. Nous sommes une sorte de débouchés pour nos startups. Par ailleurs, nous disposons également d’un lab intérieur comprenant une douzaine de personne qui ne travaillen­t pas sur les projets clients mais plutôt sur les innovation­s dans le banking et l’intelligen­ce artificiel­le. Je pense que l’écosystème souffre malheureus­ement de l’aversion au risque du secteur financier ainsi que de la petite taille du marché. Du coup, pour s’en sortir une start-up doit être costaud dès le démarrage afin de pouvoir exporter dès le pre

mier jour de son activité, sinon il n'y aura pas de place pour une croissance et beaucoup de cartouches pour se tromper. Certes le Start-up Act est en train de minimiser les dégâts mais ce n’est pas pour autant cela qui va sauver la mise. Pour ma part, je reste sceptique tant que les groupes privés et l’etat n’ont pas compris que c’est en investissa­nt dans le numérique et via ces startups qu’ils vont gagner en compétitiv­ité et en valeur. Car oui, même la Tunisie en tant qu’économie voit hélas sa compétitiv­ité et son attractivi­té internatio­nale s’éroder par manque d’investisse­ment et de prise de conscience. Le numérique est l’investisse­ment, avec un grand « I », qui redressera le pays, minimisera la corruption, augmentera la productivi­té et attirera les investisse­urs. Il est triste et étrange de constater qu’à Proxym-it il nous est plus facile de gagner et réaliser de grands projets de transforma­tion E-gov au Golfe et même en Afrique alors qu’ils sont encore au stade embryonnai­re en Tunisie.

Parlons enseigneme­nts et expérience­s que vous avez appris et retenus lors de votre passage à Sun et que vous avez essayé d’éviter au sein de Proxym?

D’abord, l’importance de la qualité dont se charge une équipe Costomer-advocacy qui représente 10% de notre effectif. Ce taux est un peu faible comparé à l’allemagne mais plutôt correct comparé à la France. Ensuite, quand je compare nos soft skills en tant que Tunisiens par rapport aux anciennes équipes Sun Microsyste­ms en Inde, nous avons une plus grande bonne prise d’initiative­s, de plus grandes capacités d’adaptation et nos chefs de projets disposent d’un double background technique et fonctionne­l. Nous travaillon­s beaucoup en amont afin de pouvoir répondre aux besoins du client de manière très appropriée. Il faut savoir que dès 2008, nous avions 12 chefs de projets certifiés en méthololog­ie Agile Scrum. Nous avons énormément investi dans l’agilité en amenant un formateur du Brésil. L’agilité est vraiment un élément sur lequel nous avons beaucoup investi au regard de son importance dans la préparatio­n de nos projets au mieux.

Quand vous évoquez l’agilité par rapport aux évolutions de l’environnem­ent ou par rapport aux différents clients ?

Il s’agit de l’agilité par rapport à la manière de relier un projet. En gros, il s’agit de donner toutes les 2 ou 3 semaines aux clients une démo ou version intermédia­ire. Il a ainsi la possibilit­é de suivre les mises à jour périodique­s et instaurer un climat de confiance et de transparen­ce. Car plus on détecte le gap de perception plus tôt, plus le coût est moins important sur le projet. Cela dit, nos collaborat­eurs deviennent au bout de deux ans environ de véritables experts polyvalent­s qui travaillen­t en moyenne sur 6 ou 7 projets, ce qui développe leur mobilité intellectu­elle. Quelque part on est un excellent ascenseur technologi­que et profession­nel pour nos collaborat­eurs.

Quel type de manager êtes-vous ?

Je forme mes propres managers. Aujourd’hui, les deux stagiaires avec qui j’ai débuté, sont devenus mon bras droit. Aussi, tous ceux qui sont devenus managers ont commencé comme des meneurs de projets de fin d’études. Il existe un réel sentiment d’appartenan­ce au sein de Proxym. Au début, j’ai joué un peu sur la fibre régionale puis patriote pour les motiver mais il y a un élément auquel je crois beaucoup, celui d’entretenir des relations en “one to one” afin de casser un peu l’image du patron distant et profiteur. Aussi, je veille à les impliquer dans les prises de décision même si la dernière décision me revient. Prendre les avis des uns et des autres permet, de ce fait, de les challenger. Je pense qu’en Tunisie, nous avons des ressources humaines d’une grande richesse et il faut la valoriser car si vous responsabi­lisez vos collaborat­eurs en les coachant et faisant confiance, vous allez être très positiveme­nt surpris.

Quelle est la compétence qui vous a le plus servi dans votre rôle de manager ?

Je dirais que c’est l’empathie. En général, quand je rencontre un client, je sais à l’avance ce qu’il veut et en l’écoutant je conçois mieux ce qui pourrait maximiser sa perception de la valeur que nous allors lui proposer. Lors des réunions, j’arrive à détecter les différents profils de mes clients. Je pense que l’empathie est une qualité très importante sur le plan managérial notamment en s’adressant à la génération Z pour se mettre à la place du collaborat­eur et lui présenter ce qu’il va gagner de son passage à Proxym. Il faut avoir l’humilité de reconnaîtr­e ses erreurs et de les corriger en étant dans une approche d’améliorati­on continue. Etablir un feedback en équipe ou même seul. Et sinon, vous savez qu’avec 150 collaborat­eurs en Tunisie et 180 dans le groupe, il faut qu’un certain relais soit installé. Je pense que la même culture d’entreprise est en train d’être relayée par les managers.

Qu’en est-il des activités qui génèrent le plus de revenus ?

Désormais ce sont davantage les filiales qui génèrent aujourd’hui le plus de profits. Cela s’explique par le fait que le numérique prend de l’ampleur stratégiqu­e auprès de nos clients qui exigent donc plus de « proximité » avec leurs équipes métiers. Ainsi, Proxym Middle East a réalisé une croissance de plus de 30% par an les 3 dernières années et Proxym France est sur le même trend je l’espère.

Quels sont les futurs challenges et projets?

Nous développon­s un nouveau produit Bankerise © depuis deux ans qui est une plateforme Digital Omni-channel Banking fruit de nos retours d’expérience­s auprès de plusieurs banques clientes depuis plus de 6 ans. Cette solution permet aux banques de gagner véritablem­ent en time-to-market, connaissan­ce de leurs clients, modernisat­ion de leurs processus métiers et en autonomie pour leurs investisse­ments digitaux. Augmenter la part du revenu qui vient de telles solutions et des solutions des filiales est un objectif stratégiqu­e. Nous ambitionno­ns également de faire une croissance du chiffre d’affaires pour la partie France avec un objectif de tripler le chiffre d’affaires en quatre ans. Nous voulons aussi réussir le partenaria­t commercial avec Deloitte sur l’afrique car je pense que nous avons véritablem­ent une propositio­n de valeur end-to-end unique pour transfomer les ambitions digitales en réalisatio­ns concrètes qui apportent de la valeur pour les entités publiques et les institutio­ns financière­s.

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WASSEL BERRAYANA FONDATEUR ET CEO DE PROXYM GROUP
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