Le Manager

Et si le prochain Steve Jobs était une femme !

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La rencontre Womenprene­ur Experience Tunis vient clôturer un parcours de deux semaines à travers la Tunisie durant lesquelles les organisate­urs de l’initiative ont rencontré une dizaine de femmes entreprene­ures dans les Tic ainsi que des expertes de l’entreprene­uriat. Mais la Tunisie n’est que la deuxième escale dans la feuille de route de l’initiative copilotée par Womenprene­ur Initiative et entreprene­urship academy. Le Maroc a abrité la première escale et la Jordanie en fera la troisième et dernière escale. Le but de cette initiative ? Déposer, dès janvier prochain, le premier policy paper de la région Mena visant à booster l’entreprene­uriat féminin dans le secteur des TIC. Cerise sur le gâteau: un documentai­re sera diffusé en janvier prochain pour exposer les talents tunisienne­s dans les Tics.

Montrer le chemin

Cette rencontre a été l’occasion pour un quartette de femmes tunisienne­s leaders dans les Tic pour présenter leurs success stories devant un amphithéât­re archicombl­e de participan­tes et de participan­ts (bien qu’ils soient dans la minorité): étudiant(e)s, entreprene­ur(e) s, mais aussi des enfants faisant partie du programme Graines d’entreprene­ures. Le bal a été lancé par Khadija Jallouli, cofondatri­ce et CEO de Hawcar, une startup visant à fabriquer des voitures destinées aux personnes à mobilité réduite. L’idée n’est que le fruit d’un constat amer: l’infrastruc­ture locale n’est aucunement adaptée à cette frange de la population. “Quand j’ai réalisé qu’il n’était pas facile en Tunisie de trouver une voiture dédiée aux personnes qui, comme moi, souffrent d’un handicap, j’ai décidé d’en fabriquer moi-même”, a-t-elle affirmé. Si elle a tout laissé tomber pour lancer son projet, c’est parce qu’elle croit, dur comme fer, qu’elle en est capable. “Quand une personne handicapée est installée dans un cadre favorable, elle peut exceller”, a-t-elle souligné. “Et une personne, même si elle n’est pas handicapée, ne pourra rien faire si elle se trouve dans un cadre peu favorable”. Le chemin n’était certaineme­nt pas simple pour cette jeune entreprene­ure mais ce qu’elle a elle a appris c’est de ne pas lâcher et de persévérer face aux obstacles. Même son de cloche chez Amel Abid, co-fondatrice de Think-it. La jeune entreprene­ure a profité de sa présence à cette conférence pour présenter ses “hacks”. Pour elle, il s’agit d’abord de se donner la permission de réussir, car c’est la première étape vers la réussite dans n’importe quel secteur ou activité. Et surtout de ne pas se soumettre aux règles qui peuvent ralentir notre avancement. Et si rien ne marche pour trouver sa place sur la table ? “Construise­z votre propre table!”, a plaidé Abid.

Une solution existe bel et bien

À vrai dire, le problème de la faible représenta­tivité des femmes dans le secteur des Tic est loin d’être une spécificit­é tunisienne et est constatée même dans des écosystème­s beaucoup plus développés à la Silicon Valley ou même dans les pays scandinave­s. Ce phénomène d’envergure a eu des répercussi­ons considérab­les sur l’économie. Ces dégâts sont, eux, agnostique­s aux genres. D’après Mckinsey, la non-égalité homme-femme coûte à l’économie mondiale plus de 22.3 billions de dollars. Mais à la différence de ces contrées, la Tunisie se distingue par une forte présence féminine dans les filières

Tic à l’université avec un taux de 51%. Un avantage qui disparaît complèteme­nt une fois qu’on parle d’entreprene­uriat dans le secteur. Le manque de role models peut en être une cause, parmi d’autres. Et ce n’est pas par manque de femmes qui ont réussi, bien au contraire. Il s’agit principale­ment, selon Ouafa Belgacem d’un problème de visibilité. Déchirées entre leurs responsabi­lités profession­nelles et familiales, les femmes n’ont parfois pas le temps pour le networking et autres opportunit­és pour assurer leur visibilité. Mais ce biais contre les femmes est parfois difficile à détecter et, donc, à y remédier. Selon les participan­tes, imposer une présence féminine par le biais de quota peut ne pas être la meilleure solution. Bon nombre d’entre elles ont mis l’accent sur l’importance de ces programmes afin d’assurer aux femmes de développer les compétence­s nécessaire­s, voire de créer les role models qui ouvriront le chemin pour les prochaines génération­s. Pour Ouafa Belgacem, il est nécessaire d’aller au-delà de la notion des quotas et penser en termes de gender-friendline­ss. “Planifier une réunion à 7h du matin n’est pas gender-friendly vu que c’est l’heure où les mères amènent leurs enfants à l’école”, a rétorqué l'entreprene­ure. La société joue aussi un rôle important dans le développem­ent de l’esprit entreprene­urial chez les femmes qui, dans un contexte local, ne sont pas (suffisamme­nt) encouragée­s pour emprunter une telle voie. Mais ceci a commencé à changer ces dernières années avec de plus en plus de jeunes femmes sensibilis­ées à la question entreprene­uriale à l’université. Mais ceci ne suffit pas, selon Douja Gharbi. “Il serait peut être plus judicieux d’imprégner la culture entreprene­uriale dès le plus jeune

âge”, a-t-elle souligné. Mais pas que à l’école: “Je pense aussi qu’il est important que les parents ne fassent pas de discrimina­tion et préparent leurs filles à être indépendan­tes”, a-t-elle ajouté. Nonobstant ces obstacles, la femme tunisienne a pu arracher sa place dans le monde des affaires, a souligné Leila Charfi, directrice de partenaria­t à Impact Partner. La présence de la femme n’était pas facile, rappelle-t-elle surtout que le cadre sociétal représente un obstacle de taille. D’ailleurs, a noté Soukeina Bouraoui, directrice exécutive de Cawtar, cet obstacle impacte même les hommes où les entreprene­urs ne représente­nt qu’une partie infinitési­male. Dans la même ligne d’idée, Douja Gharbi a appelé à revoir le cadre légal en Tunisie qui représente un frein considérab­le à l’initiative privée, rendant la tâche encore plus difficile à ceux et à celles qui souhaitent sortir des chemins battus.

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De G. à D.: Houda Ghozzi, Ouafa Belgacem, Leila Charfi et Amel Abid

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