Manager agile le leader-follower !
Depuis la publication en 2001 du Manifeste pour le développement Agile de logiciels, document canonique de la méthode agile, cette dernière n’a cessé de gagner en popularité.
Beaucoup plus flexible et rapide, comparée aux méthodes de gestion de projets classiques, la méthode agile focalise sur l’adaptation permanente aux besoins de l’utilisateur. Ainsi, la règle, la procédure et la planification ne sont plus des vertus en soi, laissant leur place à la souplesse et à la flexibilité. La méthode agile repose sur des cycles de développement très courts, généralement d’une ou deux semaines, appelés sprint, qui permettent d’adopter le produit au feedback de l’utilisateur. Cette agilité suppose, alors, la possibilité de travailler ensemble de manière transversale. L’émergence de la méthode Agile en tant qu’un large mouvement mondial allant au-delà du logiciel a été motivée par la découverte de sa capacité à permettre aux entreprises de faire face aux turbulences que sont les marchés d’aujourd’hui centrés autour des clients. Ceci ne devrait surprendre personne puisque la méthode Agile permet aux organisations d’embrasser le changement continu au lieu d’en avoir peur et de s’épanouir dans un monde de plus en plus instable, incertain, complexe et ambigu. Naturellement, le champ d’application de cette méthode a largement dépassé le cadre du développement logiciel pour toucher (presque) tous les secteurs. Ainsi, la National Public Radio (NPR) aux États-unis l’utilise pour créer de nouvelles émissions et Saab pour produire de nouveaux jets de combat. Même Mckinsey s’est mis à la révolution de l’agile. Et si l’entreprise “s’agilise”, c’est principalement à travers ses managers. Ces derniers se trouvent alors au coeur d’une transformation qui promet de chambouler complètement leur rôle. Comment ? La réponse est loin d’être simple. Heureusement, Le Manager a eu la chance de poser la question à Christophe Derumez, spécialiste en management, à l’occasion de sa participation à l’édition 2019 de Med RH.
Manager agile: autopsy
Pour l’expert, la situation est en quelque sorte paradoxale: alors que l’agilité de l’entreprise suppose une organisation moins hiérarchique, le manager doit, lui, se doter d’un plus fort leadership. “Un manager doit être capable de créer les modalités de coopération entre les
équipes pour répondre à la fois à cette volonté de participation mais également pour répondre aux évolutions sociétales”, a-t-il souligné. Ce leadership, explique Derumez, doit donc être capable de donner du sens, et de pouvoir amener tous les membres de l’équipe à contribuer, chacun de sa place, à la marche collective dans la bonne direction. Mais dans un environnement en pleine mutation le leadership ne suffit plus; et le manager doit adopter ce qu’il appelle du “followship”. Et d’expliquer que le manager agile doit être au service de son équipe. En d’autres termes, il se doit tâcher d’établir une base de confiance, de stimuler l'autonomisation et la transparence et d’encourager la collaboration. L’empathie, l’écoute, et la patience sont tous des caractéristiques du “followship” du manager agile. Aussi, l’agilité et la capacité de travailler en sprint requièrent un cadre fail-friendly. Car, contrairement à d’autres méthodes de gestion de projet, l’échec fait partie intégrante de la méthode agile. “Faire des erreurs permet d’apprendre et d’améliorer ses compétences en vue d’améliorer la qualité du travail”, a souligné Derumez. La capacité du manager à créer un tel cadre est donc primordiale pour la réussite de la méthode agile dans l’entreprise. Mais l’échec ne devrait pas être uniquement le fruit d’une mécompréhension des besoins des utilisateurs. Au fait, le manager doit encourager les expérimentations audacieuses qui permettent de pousser les limites du possible dans l’entreprise. Mais attention: les expérimentations doivent être effectuées rapidement et avec de vrais clients afin de pouvoir collecter le précieux feedback qui permettrait de rectifier le tir dans les prochains sprints. Cette flexibilité et la capacité de s’adapter rapidement aux changements émanent aussi de la capacité du manager à prendre la bonne décision au bon moment. Et parfois, voire souvent, le manager n’a pas le luxe d’avoir tout le temps nécessaire pour une étude en bonne et due forme de toutes ces décisions. Il doit donc se montrer décisif.