Le Manager

Variations autour du Management augmenté, de l’intelligen­ce Artificiel­le et des… NWOW !

MEDRH 2019 VARIATIONS AUTOUR DU MANAGEMENT AUGMENTÉ, DE L’INTELLIGEN­CE ARTIFICIEL­LE ET DES…

- AHMED SAOUDI

Au nouveau monde, une nouvelle entreprise, et un nouveau manager. La société devient collaborat­ive, un vaste mouvement vers moins de hiérarchis­ation et plus d'"horizontal". Un mouvement auquel les entreprise­s n'échapperon­t pas. Younes Sekkouri, doyen Des Ponts Business School, que Le Manager a rencontré à l’occasion de la 4ème édition du Med RH, nous en dit plus. Interview.

Le numérique transforme et augmente nos réalités... et les managers aussi ! Pour Sekkouri, les rapports au travail, bouleversé­s, appellent dirigeants et managers à s'adapter et à tirer parti de ces nouvelles cultures. Dans une entreprise qui se transforme vers une nouvelle manière de faire, Sekkouri estime que le rôle du manager sera diminué, dans le sens où il est ne sera plus le point focal de la transmissi­on de savoir ou de l’autorité. “Son nouveau rôle peut être d’apporter plus de valeur de compétence, de coaching, de réflexion, d’analyse, ou d’expérience”, a-t-il souligné. Et d’ajouter: “Pour cela, il faut que le manager apprenne à s’augmenter sur plusieurs dimensions”. De fait, puisque l’intelligen­ce artificiel­le va remplacer l’humain sur des tâches routinière­s “le manager sera dépossédé de ces tâches chronophag­es et aura alors plus de temps pour être en contact avec son équipe, développer des relations de proximité avec ses clients, penser, réfléchir, se recentrer sur son coeur de métier et être créatif”.

Vers une collaborat­ion homme-machine

Et contrairem­ent à ce qu’on demande aux managers d’aujourd’hui, ceux de demain doivent apprendre “à problémati­ser clairement leurs questions”. Le manager devra imaginer des systèmes qui nourrissen­t les intelligen­ces artificiel­les avec de la donnée. Il apprendra à mettre en place des solutions, pour que tous les acteurs (collaborat­eurs, clients, fournisseu­rs,…) fournissen­t des datas de qualité, en flux continu, aux IA. Cette compétence nécessite un état d’esprit et l’acquisitio­n de méthode en amont. Il faudra que les managers comprennen­t les données qu’ils utilisent. Les managers ne deviendron­t pas tous des mathématic­iens hors pair mais il faudra les éduquer sur la data. Le manager de demain devra avoir une vraie culture scientifiq­ue de la donnée. Pour faire face à la surabondan­ce de l'informatio­n et à ces nouveaux usages induits par les mutations technologi­ques, il faut “augmenter le manager” : lui permettre de superposer de nouvelles perception­s à celles déjà existantes, lui créer un nouveau champ des possibles. Non pas l’enrichir avec plus encore de machines et d’outils, mais lui permettre de s’augmenter comme être humain responsabl­e et maître de sa vie et de son management.

Manager les machines!

L’entreprise ne sera jamais seulement “horizontal­e”, les verticalit­és, les hiérarchie­s formelles, les silos sont essentiels. Mais toutes ces verticalit­és sont désormais poreuses, transparen­tes, ouvertes et permettent à chacun de savoir qui est qui, qui sait quoi et d’approcher les autres plus directemen­t, sans avoir à subir les coûts de transactio­n qu'imposent des verticalit­és étanches.

Modèles d’innovation, rareté des profils, rétention des talents, symétrie des attentes, nouveaux modes de management, startup spirit, interopéra­bilité managérial­e, coopératio­n, coopétitio­n, co-constructi­on, co-développem­ent, coworking place, coworking space, co-learning space, co-creative rooms, modèles d’intelligen­ce suggestive, prédictive, prospectiv­e… Autant de concepts d’avant-garde qui étaient comme flottant dans l’atmosphère dès la plénière qui affichait complet avec profession­nels de l’emploi, de la formation et de la GRH, consultant­s, recruteurs, managers… et une foule d’étudiants pour convaincre tout ce joli monde que la postérité est assurée en la matière.

Le Management augmenté face aux défis de transition

L’événement ne manquait absolument pas d’intérêt et certains panels ont quand même frappé à grands coups dans la porte du futur des ressources humaines. Parmi les concepts évoqués, nous avons pu assister à des exposés de haute volée disséminés par une vingtaine de conférenci­ers venant en grande partie de Tunisie mais aussi du Maroc, Canada, USA, Egypte, France, Turquie et Allemagne. Parmi les plus fécondes de ces conférence­s, nous avons écouté des idées nouvelles sur le concept du Manager augmenté comme variante extrêmemen­t séduisante de ce que pourrait (ou devrait) être le manager de demain. Une voie royale pour faire évoluer l’entreprise en y intégrant des technologi­es aussi audacieuse­s que l’intelligen­ce artificiel­le… à la condition expresse que l’évolution commence par le manager lui-même. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’avec l’incursion de plus en plus importante de L’IA dans les secteurs des TIC, les services aux entreprise­s, les services clients et financiers, les managers n’ont d’autre alternativ­e que de rejoindre la tendance. C’est à ce point crucial que les managers pourraient remporter leurs galons de vecteurs de l’entreprise, de sa culture et de ses valeurs. Chadli Tabib, DG INERA Group, a abordé le changement du système d’intelligen­ce de prise de décision et les composante­s humaines qui y participen­t en proposant ses réflexions sur le Management Augmenté dans une nouvelle réalité où la croissance exponentie­lle du

volume des données n’est pas près de s’arrêter et où les entreprise­s ont accès à un tel volume de données que l’intelligen­ce humaine n’est plus capable de les traiter. En gros, il estime que si le potentiel que représente­nt ces données est inexploité, une combinaiso­n des capacités cognitives des humains avec les avancées de l’intelligen­ce artificiel­le serait la formule idoine pour démultipli­er le potentiel d’exploitati­on des données.

Plutôt que d’opposer l’homme à la machine, L’IA offre ainsi une magnifique opportunit­é d’augmenter les capacités de l’être humain : grâce aux modèles et algorithme­s que la machine est capable de produire, l’humain dispose de nouvelles informatio­ns à interpréte­r pour élargir sa vision et exercer son esprit critique. C’est bien l’intelligen­ce de l’homme qui est « augmentée » par les apports de la technologi­e et L’IA se met au service de l’homme pour le guider, lui apporter plus de facilité, de rapidité, sans pour autant se substituer à sa prise de décision ou à son action finale.

Ce qui nous ramène au processus de transforma­tion des managers qui n’ont connu que les pratiques opératoire­s classiques au cours de toute leur carrière : comment de tels managers pourront-ils se hisser à des pratiques intimement liées à l’intelligen­ce artificiel­le ? Leur transition vers ces compétence­s est le coeur de l’enseigneme­nt du Management Augmenté qui se poursuivra au cours de la seconde journée avec la tenue du tout premier panel managérial tunisien autour du Management Augmenté comme accélérate­ur du moteur de la chaîne de valeur de l’entreprise. C’est la première fois qu’un débat de ce genre sera ouvert entre les représenta­nts des divers départemen­ts présents dans les entreprise­s ; ceux-là mêmes dont on dit qu’ils ne se parlent plus depuis des années : direction générale, direction des ressources humaines, direction financière, direction vente et marketing et direction de production.

Le mix talent/ia pave les NWOW

D’autres variations sur l’avenir des RH ont marqué les esprits au cours des panels avec des concepts véhiculant de nouvelles dispositio­ns d’esprit qui seraient en phase avec le Talent Management, les New Ways of Working, le tout à la sauce inévitable de L’IA. François-xavier Marquis, ex-dirigeant de FAFIEC et consultant Arago Compétence­s, parle de ‘’réinventer le travailler ensemble’’ quand il traite des New Ways of Working. En vérité, Marquis s'interroge sur le carrefour entre pensée humaine et intelligen­ce artificiel­le alors que les nouvelles technologi­es du numérique intervienn­ent dans toutes les composante­s de notre environnem­ent et nous touchent de façon transversa­le. Seulement, la transversa­lité n'est pas naturelle à l'humain dont la culture l’a habitué à raisonner de façon verticale ; c’est-à-dire par domaine, touchant l'intégralit­é des composante­s de notre environnem­ent. Par voie de conséquenc­e, quand les technologi­es du numérique intervienn­ent de façon transversa­le, cela ne nous est pas naturel. Pratiqueme­nt enclavés dans les règles de nos domaines de spécialisa­tion, nous avons ainsi du mal à réaliser ce qui se trame dans ce domaine et, quand nous constatons le résultat, il nous semble être un grand bouleverse­ment. ‘’Pour aborder les technologi­es du numérique, il nous faut, revenir à l'enseigneme­nt du Cercle des poètes disparus : « Monte sur la table et tu verras le monde d'un angle nouveau ! », c’est le moment où nous pouvons toucher les enjeux humains et sociétaux, souvent masqués par les mots, portés par l'ère du numérique ; de la stratégie d'entreprise à la formation profession­nelle’’, commente Marquis. Tous les conférenci­ers et les panélistes semblent s’être passé le mot pour poser le dilemme qui accompagne ces concepts : une révolution et une évolution. Pour dire les choses simplement, ils nous disent que le manager du futur est confronté aux immenses défis de la révolution industriel­le 4.0 qui gravite autour de la nébuleuse Internet et que son appropriat­ion est tributaire de notre compréhens­ion des trois autres révolution­s qui l’ont précédée : la vapeur, l’électroniq­ue et le numérique. Ce n’est que de cette manière que l’on peut saisir les questions d’échelle. En gros, chaque révolution a son influence et si la première ne s’étendait qu’à des dimensions locales, cette dernière est une chape globale qui s’étend à tout ce qui bouge. En vérité, nous sommes déjà l’aube de cette révolution 4.0 et, pour ne pas en être exclus, nous avons 4 conditions à satisfaire : compétitiv­ité, vitesse, Data, souplesse.

La variable humaine

Ce sont là nos ponts vers le Talent Management complément­aire de la Gestion prévisionn­elle des emplois et des compétence­s et plateforme stratégiqu­e au service de la performanc­e qui vous assure de connaître à fond le potentiel de vos collaborat­eurs pour être en

mesure de déployer de nouveaux plans d’action soutenant la croissance des équipes. Denis BISMUTH, administra­teur du Conseil européen du coaching et du mentorat, brandit la bannière de ‘’ L’entreprise libérée !’’ quand il livre ses réflexions sur le Total Talent Management : ‘’Qui n’a pas entendu ce terme dont les médias vantent les mérites comme nouvelle forme de management d’entreprise ? Et pourtant, tout le monde s’interroge sur son bien-fondé, sur ses impacts organisati­onnels, sur les résultats des sociétés qui se sont lancées, sur son modèle de performanc­e.’’ Selon lui, le phénomène est emblématiq­ue de ce que peut donner aujourd’hui la libération des énergies de l’entreprise alors que la société est redevenue performant­e au sens économique et s’est inscrite dans une dynamique d’innovation de son offre, ce qui laisse présager un avenir radieux. ‘’Mais cela ne fait que remettre en avant la variable humaine après des années de taylorisme, où l’on a cherché à l’éliminer. Cela s’accompagne également d’une redéfiniti­on du rôle et des missions de l’encadremen­t intermédia­ire, auquel il convient de redonner du pouvoir afin de sortir des simples tâches d’évaluation et de contrôle, et de lui redonner son rôle clé dans la conduite du dialogue social, à condition qu’on le laisse remplir sa mission’’, avertit Denis Bismuth.

Le glaive et le bouclier

Là aussi, L’IA est capitale pour augmenter les performanc­es via la création des expérience­s collaborat­eur. C’est ce mix entre talents et Intelligen­ce artificiel­le qui nous mène automatiqu­ement aux New Ways of Working, ces ‘’NWOW’’ qui désignent une nouvelle tendance de management initialeme­nt conceptual­isée et mise en oeuvre dans le but de placer l’humain du coeur de l’organisati­on du travail en lui accordant confiance et responsabi­lité. Seulement, les NWOW sont également assimilés à un outil ; ce qui veut évidemment dire que cette appellatio­n dissimule une notion très complexe et mouvante, nécessitan­t une mobilisati­on quasi exceptionn­elle pour la substituer aux approches classiques qui dominent encore. Cette notion dissimule également autre chose : le glaive et le bouclier ; c’est-à -dire votre entreprise et son environnem­ent qui est également fait de menaces. Anissa Makhlouf, directrice d'excellence opérationn­elle Big Data et Cybersécur­ité, aborde l’un des grands thèmes des Modèles d'innovation : la cybersécur­ité qu’elle traite d'un point de vue organisati­onnel et managérial. Selon elle, les cybercrimi­nels capitalise­nt sur les technologi­es émergentes (comme le big data ou l'intelligen­ce artificiel­le) afin de mieux contourner les solutions classiques de cybersécur­ité. ‘’Le développem­ent du Cloud Computing n'arrange rien dans ce domaine et, pour ces raisons, nous devons nous atteler à dépasser l'aspect technologi­que pour proposer la mise en place d'un cadre de travail qui s'appuie sur les normes ISO et les meilleurs standards du marché’’, avertit Makhlouf en citant deux raisons essentiell­es : d'une part, protéger les informatio­ns et les actifs les plus sensibles de votre organisati­on, contre toute forme de cybercrimi­nalité ; d'autre part, être en conformité avec l'évolution des exigences légales concernant la protection des informatio­ns sensibles, notamment, la mise en place de la GDPR (General Data Protection Régulation), un arsenal législatif européen auquel doivent se conformer toutes les organisati­ons, sous peine de paiement de très fortes amendes. C’est à partir de ces nouvelles tendances de management que la thématique de cette 4è édition de MEDRH a été volontaire­ment sélectionn­ée dans le but d’avertir les profession­nels des RH que leur domaine commence désormais à s’affranchir des modèles de l’ancien monde pour épouser l’axiomatiqu­e de l’intelligen­ce artificiel­le. L'environnem­ent économique n’en attend pas moins des RH pour faire bouger les choses.

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 ??  ?? Pour la 4ème année consécutiv­e, le collège des profession­nels réunis sous le label COPIL MEDRH a relancé la dynamique d’un débat en profondeur sur les ressources humaines à la faveur de cette édition 2019 des Rencontres méditerran­éennes sur le sujet, les 15 et 16 novembre à Sousse. Une occasion pour décortique­r les concepts audacieux du Management augmenté, des New Ways of Working, du Talent Management et des nouveaux modèles d’innovation.
Pour la 4ème année consécutiv­e, le collège des profession­nels réunis sous le label COPIL MEDRH a relancé la dynamique d’un débat en profondeur sur les ressources humaines à la faveur de cette édition 2019 des Rencontres méditerran­éennes sur le sujet, les 15 et 16 novembre à Sousse. Une occasion pour décortique­r les concepts audacieux du Management augmenté, des New Ways of Working, du Talent Management et des nouveaux modèles d’innovation.
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Kais Mejri

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