CHRONIQUE
Voilà un produit nouveau, arrivé de Chine, portant le nom de Covid-19 ou 2019ncov, selon les lectures et dont le monde se serait bien passé. Pour une fois, l'empire du milieu fait tout afin d'empêcher ce pur produit made in China, de s'implanter durablement dans le pays d'origine et de se déverser à travers le monde. Le lecteur l'a bien compris, il s'agit bien de ce virus, fléau connu sous l'appellation d'origine de Coronavirus. Des victimes ? Il en a déjà fait et en nombre ! Ainsi, le total de victimes a déjà atteint plus de 2.000 morts et celui des infectés dépassant quelques 75.000 personnes rien qu'en Chine continentale avec 900 cas signalés dans une trentaine de pays à travers le monde. Pour tenter de contenir la contamination, outre les mesures de détection et d'aseptisation, la Chine a confiné la population des villes atteintes, fermé les portes de plusieurs de ses villes et interdit les voyages organisés de ses ressortissants à l'intérieur du pays et vers l'étranger. Même les billets de banque sont mis en quarantaine. Ainsi, les banques ont recours aux rayons ultraviolets ou aux hautes températures pour désinfecter les billets, avant de les placer sous scellés et de les isoler pendant sept à quatorze jours. Si la situation épidémique semble être sous contrôle, elle n'en est pas moins non-maîtrisée pour l'instant. Sur ce dernier point et selon L'EIU (Economist Intelligence Unit), quatre scénarios peuvent alors être envisagés pour une fin d'alerte : (1) optimiste à 25% fin février; (2) probable à 50%, fin mars; (3) pessimiste à fin juin et (4) cauchemardesque, avec aucune maîtrise au cours de 2020. Bloomberg avance que le virus coûterait à l'économie du géant asiatique entre 370 et 495 milliards d’euros, ce qui représente entre 3% et 4% de son PIB entraînant un recul de la croissance, entre 0,2 et 1,4%, selon le scénario envisagé, sur les 5,9% prévue actuellement. Alors quelque soit le scénario qui risque de se produire, ceci ne restera certainement pas sans conséquence sur l'économie mondiale, au sein de laquelle l'ensemble des activités seront touchées et, par ricochet, celles fragiles des pays émergents, particulièrement ceux fortement tributaires de l'économie chinoise. Aujourd'hui, l'importance majeure de ce pays dans la chaîne de l'approvisionnement mondiale à l'import comme à l'export n'est plus à prouver. Des chaînes vont se trouver à l'arrêt, et certaines le sont déjà dans le secteur automobile, en rupture de stock d'intrants. Des fournisseurs de la Chine en matières premières seront également impactés par la contraction de leurs ventes. Cet impact reste globalement difficile à mesurer en raison de la place de la Chine, deuxième puissance économique, a indiqué la directrice générale du Fonds Monétaire International qui prévoit, tout de même, une contraction de la croissance mondiale de 01-02%. Du reste, la paralysie des grandes métropoles chinoises commence à se faire sentir sur la chaîne logistique de plusieurs grands groupes. Boeing, General Motors, Apple, Hyundai, Nissan, Toyota, Volkswagen, Renault, PSA… N'oublions pas que certaines entreprises implantées en Tunisie en offshore sont des sous-traitants de certains de ces constructeurs. Rien que la branche des composants automobiles occupe plus de 260 entreprises dont 65% sont totalement exportatrices et la moitié non résidentes. L'arrêt d'activité de nombreuses usines et entreprises chinoises pourrait également avoir d'importantes répercussions sur les économies voisines, Japon, Corée, Singapour. En outre, conséquence induite, des analystes prévoient une chute brutale de la demande mondiale de pétrole, de cuivre et d'acier au cas où l'épidémie ne serait pas jugulée d'ici mars. Autre victime collatérale, le transport, qu'il soit maritime, routier naval ou aérien. Pour ce dernier,
l'organisation de l'aviation Civile Internationale (OACI) a rapporté que "70 compagnies aériennes ont annulé tous les vols internationaux à destination et en provenance de Chine" et "50 autres compagnies aériennes ont réduit leurs activités aériennes". Et que le coronavirus déborde sur la saison Eté 2020 et c'est le tourisme qui en prendra un sérieux coup. La Tunisie a reçu entre janvier et août 2019 près de 20.000 touristes chinois en augmentation de 10,1% par rapport à la même période de 2018. Le ministre avait annoncé que son département tablait sur l'accueil de 50.000 visiteurs venant de l'empire du milieu en 2020. Cela peut paraître minime, mais il faut garder à l'esprit le fort potentiel qu'il représente. A ce stade se pose alors la grande question : "Sommes bien préparés tant au plan de la prévention que de l'intervention en cas de déclaration de cas". Tous les pays ne sont pas préparés de la même manière à affronter cette nouvelle crise. C’est ce que révèle le rapport de Global Health Security Index 2019. Établi par un panel de 21 experts internationaux et portant sur 195 pays, Global Health Security Index donne un classement selon la capacité des différentes infrastructures et systèmes de santé de faire face à des catastrophes sanitaires majeures telles que les épidémies.
Parmi les conclusions, le rapport laisse apparaître qu'aucun pays n’est prêt à 100% pour affronter des phénomènes de type épidémie bien que certains se situent en meilleure position que d'autres. Ainsi, la moyenne mondiale des 195 pays est de 40,5 sur une échelle de 100. Même parmi les 60 pays aux revenus les plus élevés, la moyenne n’est que de 51. Elle n’est que de 50 pour 116 pays à revenus élevés et moyens, souligne encore le rapport. La Tunisie, pour sa part, se positionne à la 122ème place avec un score de 33,7, nettement en dessous de la moyenne mondiale. Pour pouvoir établir son classement, le rapport analyse six indicateurs, (1) prévention : (2) détection et reporting : (3) rapidité de réaction : (4) système de santé : (5) conformité aux normes internationales et (6) environnement à risque. Sur le volet prévention, seulement 7% des pays les plus riches répondent de façon satisfaisante aux impératifs de prévention préconisés par le rapport. La Tunisie, pour sa part, se situe en 99ème position avec un score de 31,7. Concernant le critère de reporting, 19% seulement des pays obtiennent une bonne notation, (Tunisie : 136ème ; score : 33,7). Le plus mauvais résultat concerne la rapidité de réaction pour laquelle seulement 5% des pays évalués présentent une capacité satisfaisante, (Tunisie : 87ème ; score : 39,1). Quant aux différents systèmes de santé, la note globale est de 26,4 sur 100, particulièrement mauvaise (Tunisie : 91ème ; score : 24,0). Sur le critère de conformité aux normes internationales, en matière de menace biologique, le rapport relève que seule la moitié des pays y répond, (Tunisie : 177ème ; score : 31,0). Enfin, pour ce qui est du sixième critère, 23% des pays présentent une situation politique stable et des gouvernements efficaces selon le rapport, (Tunisie : 100ème ; score : 55,7). L'ensemble n'est guère rassurant si l'on y ajoute d'autres inconnues à savoir la perméabilité des frontières, la non-généralisation des contrôles aux entrées et, au-delà, la circulation de personnes porteuses et non détectées. Certes, le nombre quotidien de nouveaux cas confirmés de l'épidémie semble être en baisse pour être tombé, pour la première fois, vers la mi-février, à moins de 2.000. Toutefois, incertitudes et inquiétudes, suscitées par l'apparition de cette épidémie, qui semble s'inscrire dans la durée, demeurent présentes. Et bien que l'on a insuffisamment outillé pour mesurer l’ampleur des répercussions économiques et même financières de cette maladie meurtrière, il est certain que celles-ci ne seront pas des moindres.