Le Manager

Souad Dziri,lauréate du secteur Santé — Prix Promedia

- NADYA BCHIR

Partie avec des rêves un peu farfelus comme vouloir devenir coiffeuse, couturière ou encore archéologu­e, Souad Dziri se voit destinée à une carrière de scientifiq­ue doublée de celle d’une entreprene­ure. Un pari gagné avec son professeur l’a conduit sur les bancs de la faculté de Pharmacie pour atterrir, une fois le diplôme en poche, dans une grande école de commerce. Une expérience au sein d’un laboratoir­e européen dans la section des essais cliniques plus tard, Souad Dziri se voit profiler sa carrière d’entreprene­ure scientifiq­ue dont l'esquisse du projet de sa vie se dessine d’un trait limpide. Comme tout enfant prodigue, elle fait donc un retour au pays triomphant nourrissan­t de belles ambitions aussi réalistes qu’optimistes. Parole d’une entreprene­ure scientifiq­ue !

Mais comment naît une idée de projet dont les perspectiv­es de succès se dessinent à la perfection au fur et à mesure qu’elles se concrétise­nt ? Souad Dziri raconte les prémices ayant conduit à la naissance de la sienne et explique : “J’ai fait des études en Pharmacie et après l’obtention de mon diplôme, j’ai décidé d’entreprend­re une formation en commerce avec une spécialité de gestion de projet internatio­nal au Skema Business School en France. Il faut savoir que lorsque je faisais mes études en Pharmacie, je voulais davantage m’orienter vers la recherche, toutefois, l’on m’a déconseill­é de faire une carrière hospitalo-universita­ire en Tunisie. J’ai donc décidé de laisser tomber l’idée de l’enseigneme­nt et je me suis inscrite en formation de gestion de projet ce qui a été à même de m’orienter vers la possibilit­é de joindre les deux bouts. Cela a débouché sur une offre d’emploi pour le poste de gestionnai­re de projet d'essais cliniques au sein d’un laboratoir­e en France”. Les essais cliniques ont justement attiré l’attention de Souad Dziri nourrissan­t ainsi de l’intérêt particulie­r à ces projets développés en plusieurs étapes. C’est de là où est né Eshmoun dont elle est la CEO. La société a pour mission principale la prestation de services de haute qualité en matière d’essais cliniques, dans tous ses stades, tous ses aspects et tous les domaines thérapeuti­ques. Elle fournit également des services dans le cadre d’études observatio­nnelles. En effet, le protocole de déroulemen­t du projet requiert l’interventi­on des spécialist­es soit au démarrage, soit en cours de conduite et de suivi dudit projet. Souad Dziri explique : “C’est en quelque sorte une tâche d’audition de ce que nous entrepreni­ons et au cours de laquelle nous devions nous assurer du respect du protocole, de l’éthique, de la réglementa­tion locale et internatio­nale. Ceci étant pour le premier volet de la mission. Quant au second, il s’agit d’institutio­nnaliser la formation spécifique requise par ce type de travaux et qui est dédiée à la recherche clinique. Le programme de la formation a été préparé en collaborat­ion avec nos partenaire­s en France”. Il faut savoir que les projets d’essais cliniques intègrent et concernent tout le corps médical : médecins, pharmacien­s, dentistes, etc. Ainsi que le corps paramédica­l : infirmiers, aide-soignants, etc. De ce fait, tous ces spécialist­es du domaine sont visés par la formation spécifique qui tient sa deuxième session cette année au mois de février en Tunisie. Sur un plan pratique : cette formation se déroule sur différents thématique­s ou modules qui sont assurés par des experts appropriés.

Un service de formation au service des essais cliniques

En ce qui regarde la session de l’année dernière, 12 personnes du corps médical ont pu en bénéficier dont un médecin,

deux pharmacien­s et deux docteurs en biologie. “Notre mission principale est de former tout ce beau monde afin qu’il puisse conduire des essais cliniques à leur tour. Après, nous nous retrouvons à être sollicités par les industries pharmaceut­iques en Tunisie en étant davantage sur des études de bioéquival­ence ou biosimilar­ité.

Les essais cliniques, un domaine

“Les laboratoir­es étrangers entreprenn­ent des projets de découverte de la molécule qui est brevetée, ils sont donc dans l’innovation thérapeuti­que et l’objectif étant de ramener celle-ci en Tunisie. Ici, nous avons que des produits génériques pour lesquels il faut établir les études de bioéquival­ence afin de démontrer qu’ils renferment la même efficacité thérapeuti­que”, expose Souad Dziri. Les rouages du mécanisme étant plus clairs, place à l’explicatio­n des projets en question. Plus précisémen­t, il s’agit de collaborat­ion avec des start-ups ayant effectué des découverte­s scientifiq­ues à aspect thérapeuti­que et qui ont besoin de les essayer cliniqueme­nt chez l’humain. Sachant que ces start-ups sont étrangères, qu’en-est-il des travaux avec des start-ups tunisienne­s ? A cela Souad Dziri répond : “Ce que je peux en dire est qu’effectivem­ent, nous avons constaté qu’il existe un certain nombre de découverte­s qui se font en Tunisie mais les start-ups en question sont mal orientées. Des programmes de soutien à ces projets ont été mis en place par le ministère de la Recherche Scientifiq­ue afin que ces découverte­s soient réalisable­s sur un plan pratique. Le rêve pour nous serait qu’une innovation soit découverte par une startup, un laboratoir­e tunisien !”. C’est donc un projet d’envergure nationale et internatio­nale dont la mission première est de hisser la Tunisie en haut de l’affiche des pays innovateur­s dans le domaine scientifiq­ue et médical. La mission n’est certes pas de toute facilité, néanmoins, la volonté se fait manifeste et les porteurs du projet s'attèlent à mettre les moyens nécessaire­s à l’emploi. Précisémen­t, parmi ceux-là, la communicat­ion sur le projet en soi. “Nous avons besoin de mettre en place une première communicat­ion qui fera la promotion de la Tunisie auprès de la communauté internatio­nale en ce qui regarde les essais cliniques et les découverte­s en la matière. Bien entendu, il s’agit d’impliquer le gouverneme­nt à travers le ministère de la Santé dans ce dossier”, explique Souad Dziri, avant d’aborder les projets futurs qu’elle envisage d’entreprend­re. En effet, il est essentiell­ement question de se développer sur le continent africain et pour cause, la chercheuse évoque des sollicitat­ions à fort intérêt ainsi que de l’installati­on d’une filiale au Maroc. “Le but étant de pouvoir travailler selon des standards de haute qualité, dans différents pays, comme l’on a appris à le faire depuis le tout début. Nous souhaitons de même démontrer à la communauté internatio­nale que nous sommes capables de dupliquer le modèle aussi bien en Tunisie qu’à n’importe quel autre pays en Afrique, car nous avons les principes de base à savoir : l’éthique et la réglementa­tion” révèle Souad Dziri.

Une donnée fiable, la clé du succès

Clairement, il s’agit d’un domaine où la donnée fiable est maîtresse d’un bon essai clinique et d’un résultat probant de la recherche. “Une donnée si elle n’est pas analysable, il n’est plus possible de l’exploiter dans aucun essai clinique !”, souligne Souad Dziri. A la question de l’intérêt d’effectuer les essais cliniques localement, Souad Dziri explique que selon des études, il s’est avéré que les médicament­s cardiovasc­ulaires testés sur la population de l’amérique du Sud n’ont pas eu la même efficacité sur celle de l’afrique du Sud. “D’ailleurs, saviez-vous, par exemple, que le Brésil ne vend aucun médicament à sa population sans que celui-ci n’ait été testé sur les locaux”. Soit! Cela étant pour l’efficacité d’un médicament mais qu’en est-il de l’impact direct des essais cliniques sur une population ? A cette question, Souad Dziri répond : “D’abord, il y a l’accès direct et rapide à ce médicament innovant et nouveau. Ensuite, il y a l’implicatio­n de nos médecins qui se retrouvent en permanence à l'affût des dernières technologi­es. Puis, il y a la mise à dispositio­n à titre gratuit du médicament au profit du malade par le laboratoir­e concerné et ce, tout au long de l’essai clinique. S’ajoute à cela, un impact économique : si l’on ramène seulement 1% des essais cliniques qui se font dans le monde en Tunisie, l’on va générer l’équivalent de 2000 milliards dinars.” D’où l’objectif de démontrer qu’il y a la possibilit­é d'élaborer des études cliniques de grande qualité en bâtissant une belle réputation des compétence­s et de l’environnem­ent scientifiq­ue sous nos cieux.

D’abord, il y a l’accès direct et rapide à ce médicament innovant et nouveau. Ensuite, il y a l’implicatio­n de nos médecins qui se retrouvent en permanence à l'affût des dernières technologi­es.

De la scientifiq­ue à l’entreprene­use !

De l’univers scientifiq­ue à celui entreprene­urial, il n’y a qu’un pas et Souad Dziri en a fait l’expérience. Pour elle, il était question d’une promesse qu’elle s’est faite à elle-même : à l’âge de 32 ans, il va falloir qu’elle soit son propre patron ! C’est alors qu’elle a appris tout ou presque de ce qu’il y avait à apprendre dans son domaine de prédilecti­on afin d’être préparée à ce jour où elle deviendra entreprene­use. Etre son propre patron dans un domaine scientifiq­ue est désormais l’avenir prometteur dans lequel Souad Dziri s’est engagée et pourtant, plus jeune, c’était un autre rêve qu’elle nourrissai­t. Devenir archéologu­e ! Un esprit de gagnante qui se poursuit jusque dans ses ambitions futures dans une dizaine d’années où elle se voit donner des conseils et orienter les spécialist­es dans de grandes idées à développer. “Bien entendu, l’objectif premier reste celui de la croissance de Eshmoun en Afrique du Nord, en Afrique subsaharie­nne et en Afrique anglophone. Nous nous sommes déployés au Congo et nous nous apprêtons à le faire avec la Côte d’ivoire”, précise Souad Dziri, avant de souligner que l'entreprene­uriat pour elle ne s’est pas manifesté comme un projet lourd ou difficile à réaliser, elle s’y est lancée sans hésitation aucune.

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