Femmes – Entrepreneuriat
Percer le plafond de verre
Une approche de conciliation
La féminisation de l’emploi n’a pas progressé pour des raisons essentiellement liées aux difficultés rencontrées par les femmes au niveau de l’accès au travail. Ces obstacles se sont manifestement accentués après 2011, avec l’amplification de la crise économique. La solution passe, en partie, par l’entrepreneuriat mais les femmes ne sont pas les plus motivées pour se lancer dans une telle aventure. Les chiffres d’une étude menée par la Présidence du Gouvernement, L'ONU Femmes et avec le soutien financier du Quai d’orsay ont montré que les femmes préfèrent le secteur public et que ce dernier s’est massivement féminisé. Plusieurs facteurs ont contribué à cette tendance, notamment la titularisation des travailleurs de la sous-traitance dans les secteurs du gardiennage et du nettoyage après 2011. Mais pour ce qui est des emplois fonctionnels les plus élevés, les femmes sont toujours sous-représentées, surtout pour le cas des postes de Directeur Général (5,8% contre 9,6% pour les hommes) et de Directeur (12,9% contre 16,8% pour les hommes). Cette préférence pour la fonction publique trouve ses origines dans des aspects culturels. Les femmes préfèrent avoir un poste stable, bien situé géographiquement, avec un planning horaire clair qui permet d’atteindre l’équilibre socialement requis entre les vies professionnelle et personnelle. L’emploi n’est pas nécessairement épanouissant. L’essentiel est qu’il garantisse un revenu récurrent. Nous pouvons même confirmer que les femmes sont derrière le succès des hommes qui sont déchargés des responsabilités familiales et peuvent se focaliser sur leur parcours professionnel.
L’entrepreneuriat peine à s’imposer
Selon les données de l’évaluation Nationale du Développement de l’entrepreneuriat Féminin (Organisation Internationale du Travail), seulement 19% des entreprises ayant le statut de personne morale et 23% des entreprises ayant celui de personne physique sont détenues par des femmes. Ces entités sont pour la plupart des petites structures, sans employés et concentrées dans les régions côtières. Ainsi, et en dépit des encouragements mis en place, l’engouement des femmes pour l’entrepreneuriat reste limité, notamment dans les régions intérieures. Pourtant, elles participent significativement à l’activité économique dans ces zones, mais sont malheureusement exploitées dans le secteur agricole. Le manque de moyens financiers est une autre raison pour ce constat. La base capitalistique familiale s’oriente généralement vers les hommes, ce qui réduit les chances des femmes à accéder aux financements structurés. D’ailleurs, les chiffres confirment que les entreprises détenues par des femmes sont de plus petites tailles, génèrent un chiffre d’affaires inférieur et affichent une croissance plus lente par rapport aux entités gérées par les hommes. Pour mieux comprendre la situation, le processus entrepreneurial doit être analysé profondément. Il est généralement atypique et la décision de créer sa propre entreprise vient généralement après une trajectoire professionnelle en dents de scie. L’entrepreneuriat est donc le choix de nécessité lorsqu’il n’y a pas d’autres possibilités pour accéder à la vie active, pour passer plus de temps au foyer auprès de ses enfants et rarement pour trouver un épanouissement personnel.
Problème de financement
D’autres données attestent des difficultés que rencontre l’entrepreneuriat féminin. Selon l’autorité de Contrôle de la Microfinance, la part des femmes dans les microcrédits décaissés par les Institutions de Microfinance (IMF) a continué sa tendance baissière initiée en 2016 pour s’établir à 46,8% fin septembre 2019. Elles ont bénéficié de 441,5 millions de dinars, soit 186 700 crédits représentant 56% du nombre total des microcrédits accordés. Le microcrédit moyen des femmes bénéficiaires s’est établi à 2 365 dinars, nettement inférieur à celui des hommes qui s’est élevé à 3 415 dinars. Selon le rapport sur l’inclusion Financière de L’IACE, les femmes sont concernées par le phénomène d’exclusion financière puisque 45,1% ne détiennent pas de comptes dans une institution financière formelle (contre 27,9% pour les hommes). 9.2% seulement des femmes sont bancarisées. L’exclusion financière les prive de la constitution d’une épargne génératrice d’idées. Cela concerne essentiellement les femmes qui habitent dans les zones rurales et qui sont censées être les premières intéressées par la création de leurs propres entreprises et l’indépendance financière.
Si vous faites un tour dans n’importe quelle université tunisienne, vous ne pouvez pas rater la dominance de la gent féminine, aussi bien parmi les enseignants que les étudiants. Néanmoins, cela n’est pas reflété dans la structure de la main-d’oeuvre. Le taux de participation des femmes à la population active est seulement de 28,9% contre 71,1% pour les hommes. Depuis 2013, l’économie tunisienne a créé 77 300 postes d’emploi pour les femmes contre 97 600 pour les hommes. Cela ne permet pas de résorber le chômage dans cette population qui reste élevé à 22% (12,2% pour les hommes) et s’aggrave à 38,7% parmi celles diplômées (16,8% pour les hommes).
Un meilleur choix avec le statut d’étudiant entrepreneur
La situation est meilleure pour les femmes qui résident dans les grandes villes ou celles qui continuent leurs études supérieures. Grâce au nouveau statut d’étudiant-entrepreneur, les choses devraient bouger dans le bon sens. Initié dans le cadre du programme SALEEM, les étudiants pourront lancer leurs propres projets au sein de leurs universités. Ils vont pouvoir profiter d’un cycle de formation complémentaire et d’accompagnement continus, en parallèle à leurs études. Ainsi, le processus entrepreneurial va commencer plus tôt, ce qui va permettre à un nombre important de femmes de lancer leurs projets et d’accéder au financement des structures d’appui.