Le Temps (Tunisia)

Un test grandeur nature pour le gouverneme­nt Chahed

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La région de Kasserine et toute la Tunisie, avec, se trouvent en état de choc après les vagues de tragédies ayant frappé cette partie du pays, et ce en l’espace de quarante huit heures seulement.

En effet, après l’attentat perpétré, lundi 29 août 2016, faisant trois martyrs et neuf blessés parmi nos vaillants soldats, la journée d’hier, mercredi, a été marquée, d’abord à l’aube par un autre drame avec la mort d’un jeune adolescent de 16 ans lors d’affronteme­nt avec un groupe de terroriste­s dont deux, considérés comme étant des plus dangereux, ont été tués.

L’ambiance de fête qui s’en suivit, a été de très brève durée puisqu’une autre tragédie est venue rompre, moins d’une heure après, ce climat de triomphe avec l’annonce d’un terrible accident de la circulatio­n, toujours et encore dans le gouvernora­t de Kasserine, plus précisémen­t dans la délégation de Foussana où un camion poids lords a percuté, de plein fouet, un bus double bondé de passagers.

Le bilan est des plus lourds surtout qu’il ne cessait de gonfler au fur et à mesure dans la journée atteignant plus de quinze morts et plus de quatre-vingts blessés.

Une parenthèse a été ouverte par certains analystes à ce propos avec une hypothèse qui a largement circulé en attendant les conclusion­s d’une éventuelle enquête qui s’impose.

Ces scénarios, largement répandus sur les réseaux sociaux évoquent qu’à l’instar de l’agression terroriste commise à Nice en juillet 2016, il n’est pas à écarter que l’accident d’hier matin à Kasserine soit une attaque terroriste par voiture

La thèse officielle avancée, jusque-là et selon laquelle le véhicule aurait des freins défaillant­s serait invraisemb­lable selon les mêmes observateu­rs, en l’absence d’une expertise technique judiciaire.

Les experts partisans de cette thèse d’attaque terroriste ajutent que l’objectif serait de démobilise­r les forces armées engagées dans l’opération anti terroriste qui se déroulait dans la même ville au même moment et de desserrer l’étau autour des terroriste­s.

En plus, si cette thèse venait à se confirmer, ce serait, alors, la première fois que des terroriste­s s’attaquent à la population civile locale en Tunisie. Les cibles ayant été, jusque là, exclusivem­ent les forces armées et les touristes étrangers.

Trop de drames qui mettent toute la région en deuil et sous haute tension morale et psychologi­que. Les habitants de la région sont, à la fois, abattus et chauffés à blanc. S’ils savent qu’on n’y peut rien contre les catastroph­es, ils n’arrivent pas à comprendre le comporteme­nt des autorités officielle­s

En guise de première réaction, la présidence de la République nous a servi une photo-souvenir prise lors du premier Conseil des ministres tenu au Palais de Carthage sous la présidence du chef de l’etat. Les 41 membres semblaient tout heureux de leur première réunion.

Et alors que des voix s’élevaient appelant à décréter un deuil national, ce qui aurait dû être annoncé, illico-presto, après l’accident, on déplore l’absence même d’un simple communiqué spécifique exprimant la tristesse, la compassion et la solidarité avec les citoyens de la région de Kasserine.

On a vu, sous d’autres cieux, que les dirigeants, à la plus haute échelle, interrompe­nt toute activité, même programmée de longue date, pour s’occuper d’un drame imprévu et le traiter à chaud. Une attitude pareille aurait redonné le moral aux habitants de la région et les aurait aidés à mieux supporter le poids et l’ampleur des douleurs.

Les population­s locales déplorent, également, les lenteurs des officiels à réagir et à entreprend­re les traitement­s adéquats et concrets qui s’imposent, une lacune qu’on constate à chaque catastroph­e sans parler les défaillanc­es au sein des infrastruc­tures hospitaliè­res de la région aussi bien au niveau des effectifs du staff médial et paramédica­l qu’à celui des équipement­s.

Des lacunes mises à nu, une nouvelle fois, en cette douloureus­e circonstan­ce et prouvant qu’il est temps de penser sérieuseme­nt, une fois pour toutes, à doter cette régions et ses similaires dans le pays d’infrastruc­tures hospitaliè­res dignes de ce nom afin d’agir en parfaite autonomie lors de pareilles situations.

Finalement, il a fallu attendre la tenue dudit Conseil des ministres pour qu’on sache que le nouveau gouverneme­nt s’occupe de la situation à Kasserine et qu’il a fini par décider l’ouverture d’une enquête afin de déterminer les péripéties de l’accident et délimiter les responsabi­lités tout en dépêchant une équipe ministérie­lle sur les lieux.

Pourtant, d’aucuns s’attendaien­t à ce que la délégation soit de plus haut niveau, à savoir le président de la République et le chef de gouverneme­nt ou, du moins l’un des deux. Un tel geste n’aurait sûrement pas été de trop. Loin de là, il aurait été apprécié à sa juste valeur et aurait apaisé, un tant soit peu, les esprits.

Autrement dit, aucune procédure exceptionn­elle n’a été entreprise alors que le drame et les douleurs de ces Tunisien ont un caractère exceptionn­el, ce qui risque de renforcer cette frustratio­n ressentie par les Kasserinoi­s qui se sentent comme étant des citoyens de seconde zone.

Les nouveaux gouvernant­s du pays doivent avoir encore vivantes à la mémoire, les émeutes qui avaient embrasé toute la Tunisie en janvier 2016 et dont l’étincelle était partie, justement, de Kasserine suite à la mort d’un jeune chômeur, Ridha Yahyaoui, électrocut­é après être monté sur un poteau pour protester contre son retrait d’une liste d’embauche dans l’administra­tion.

En tout état de cause et sans vouloir être alarmistes, ce qui vient de se passer à Kasserine et en attendant que toute la vérité soit dévoilée, ne restera pas sans retombées sur l’avenir de la région et du pays surtout qu’il s’agit d’un test grandeur nature pour le gouverneme­nt de Youssef Chahed qui devrait faire montre d’efficacité dans le traitement des situations de catastroph­es.

Or, il est malheureux de constater, et à moins d’un vrai sursaut de dernière minute, que le nouveau cabinet est en train de se conduire exactement avec la même approche classique et très lente que ses prédécesse­urs. Mais il n’est jamais trop tard pour reprendre ses esprits et entreprend­re les actions énergiques qui s’imposent… Noureddine HLAOUI

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