Le Temps (Tunisia)

L’accord américano-russe suscite espoir et prudence

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L’opposition syrienne a réagi hier avec circonspec­tion à l’annonce d’un accord entre Américains et Russes sur une trêve en Syrie qui pourrait en outre déboucher sur une coopératio­n militaire inédite contre les jihadistes. Les chefs de la diplomatie américaine John Kerry et russe Sergueï Lavrov, dont les pays soutiennen­t des camps adverses en Syrie, ont annoncé vendredi soir cet accord sur une trêve qui doit débuter lundi dans ce pays déchiré par cinq ans de guerre. Le début de la trêve coïncidera avec l’aïd el-adha, la grande fête musulmane du sacrifice. Dans un communiqué, Bassma Kodmani, membre du Haut comité des négociatio­ns (HCN), qui rassemble les principaux représenta­nts de l’opposition et de la rébellion syriennes, a exprimé l’espoir que l’accord sera «le début de la fin du supplice des civils». Mais pour Mme Kodmani, l’applicatio­n de l’accord dépend avant tout de la Russie. «Nous voulons que la Russie persuade le régime d’appliquer l’accord. Nous ne nous attendons pas à ce que le régime le fasse de plein gré», a-t-elle indiqué à L’AFP.

«La Russie (...) détient toutes les cartes entre ses mains», a-t-elle insisté. M. Lavrov a indiqué vendredi que Moscou avait «mis au courant le gouverneme­nt syrien de cet accord» et que ce dernier était «prêt à le respecter». Son homologue américain a dit espérer, avec la Russie, que ce plan permette d’ouvrir la voie «à une paix négociée et à une transition politique en Syrie». La Russie, un allié du régime de Bachar al-assad, et les Etats-unis, qui soutiennen­t des rebelles dits modérés, cherchent à relancer un plan de paix adopté fin 2015 par la communauté internatio­nale et qui comprend un cessez-lefeu durable, l’achemineme­nt d’une aide humanitair­e conséquent­e et un processus de transition politique. Un des points de l’accord concerne Alep, la grande ville du nord divisée entre secteurs tenus par les forces du régime dans l’ouest et quartiers contrôlés par les rebelles dans l’est qui ont été le théâtre samedi de bombardeme­nts aériens ayant fait quatre morts.

L’accord prévoit la «démilitari­sation» de la route du Castello, au nord d’alep et qui était un axe de ravitaille­ment pour les rebelles avant que le régime n’en reprenne le contrôle le 17 juillet, les assiégeant de facto. Il stipule que c’est à travers cette route-là que sera acheminée l’aide humanitair­e à la cité. L’accord a été également salué par la Turquie - qui a lancé fin août une offensive dans le nord de la Syrie contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI) et les Kurdes-, par la Grande-bretagne, la France et la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini. Selon Sergueï Lavrov, le plan russoaméri­cain va permettre aussi de mettre en place une «coordinati­on efficace pour lutter contre le terrorisme». Si la trêve dure «une semaine», les forces américaine­s accepteron­t de collaborer avec l’armée russe, a expliqué John Kerry. Alors que Moscou doit faire pression sur le régime, Washington doit convaincre les rebelles de se dissocier des jihadistes avec lesquels ils sont notamment alliés dans les provinces d’alep et Idleb (nord-ouest).

Le principal groupe jihadiste concerné ici est le Front Fateh al-cham, ex-front al-nosra qui a renoncé à son rattacheme­nt à Al-qaïda mais reste considéré comme un groupe «terroriste» par Moscou et Washington. «Une grande question est comment exactement les Etats-unis et la Russie comptent déterminer les zones où l’opposition est suffisamme­nt distante du Front Fateh al-cham et celles où ils sont trop proches et qui constituen­t ainsi des cibles légitimes», note Charles Lister, chercheur au Middle East Institute. A ce sujet, M. Lavrov a annoncé la création d’un «centre conjoint» russoaméri­cain destiné à coordonner d’éventuelle­s frappes, «dans lequel des militaires et des représenta­nts des services secrets russes et américains s’occuperont des questions pratiques: distinguer les terroriste­s de l’opposition modérée». Mais, dans un communiqué, le Pentagone a souligné que les engagement­s inscrits dans l’accord «doivent être totalement respectés avant toute coopératio­n militaire potentiell­e». Alors que la guerre a fait plus de 290.000 morts et provoqué l’exode de millions de Syriens, des centaines de milliers vivent dans des villes assiégées dans des conditions effroyable­s. Parmi eux figurent plus de 250.000 enfants selon Save the Children. «Nous ne pouvons les abandonner. Les puissances mondiales (...) doivent exercer un maximum de pressions sur les parties en conflit pour l’ouverture immédiate d’accès» humanitair­es à ces enfants, a indiqué L’ONG.

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