L’europe de la sécurité est une priorité
S’il y a aujourd’hui un consensus européen sur un sujet, c’est la sécurité. Sur l’immigration, la politique économique au sens large ou les questions énergétiques, l’union européenne (UE) peine à adopter des positions communes. Mais la sécurité intérieure et extérieure des Européens est aujourd’hui unanimement ressentie comme une priorité par les opinions comme par les gouvernements au sein de L’UE. Il faut en profiter. Le phénomène le plus marquant de ces dernières années, en ce qui concerne l’europe, est « le décrochage des peuples vis-à-vis de la construction européenne », comme le dit Hubert Védrine, l’ancien ministre des affaires étrangères. Le projet européen ne retrouvera son sens auprès des opinions que s’il répond à une nécessité – pratique, concrète. Les débats institutionnels suivront, ils ne doivent plus occuper le devant de la scène. On n’ose plus parler d’« Europe de la défense » tant l’expression, apparue au tout début des années 1990, a été vidée de son sens par l’incapacité des gouvernants européens à lui donner un début de réalisation. C’est pourtant bien ce qu’il s’agit de relancer, et le sujet occupera une place de choix lors du prochain sommet européen, qui doit se réunir le 16 septembre à Bratislava, l’élégante capitale slovaque. Les Vingt-sept établissent le même diagnostic. Jamais l’environnement stratégique de L’UE n’a été aussi déstabilisé depuis la fin de la guerre froide. La menace vient du Sud – Moyen-orient en plein chaos et pour longtemps –, avec les métastases terroristes que l’on sait et qui ne disparaîtront pas de sitôt non plus. Elle vient de l’est, avec une Russie pour le moins imprévisible.
Qu’il s’agisse du danger intérieur – le terrorisme islamiste – ou de l’insécurité aux frontières, les Européens savent bien que la parade est largement collective. Militaires et policiers sont des gens pragmatiques. Ils ne se perdent pas en débats sur l’avenir politico-institutionnel du projet européen. Ils savent que la sécurité requiert une coopération européenne poussée. Ils réclament plus de coopération, plus de centralisation, plus d’interopérabilité. Le sommet de Bratislava mettra l’accent sur la notion d’« autonomie stratégique ». Certes, la défense de l’europe dépend largement de L’OTAN. Mais les Etats-unis ne cachent pas leur retrait progressif du Vieux Continent.
Et les Britanniques, s’ils quittent effectivement un jour L’UE, pourraient aussi s’en éloigner, alors qu’ils sont l’une des rares puissances militaires européennes. Tout cela incite Allemands et Français à fixer aux Européens des objectifs réalistes mais ambitieux dans trois domaines : satellites, transports stratégiques et drones. A l’est comme à l’ouest, les Européens s’entendent chaque jour davantage sur le nécessaire d’un effort commun à accomplir en matière de défense. En Allemagne, le budget militaire repart à la hausse. En France, comme l’a montré l’université d’été de la défense, il y a un quasi-consensus politique pour aller vers un budget des armées représentant 2 % du PIB.
Le besoin de renforcer la sécurité de l’union est unanimement partagé par des opinions par ailleurs majoritairement eurosceptiques. En mal de popularité, incomprise, souvent illisible et encore plus fréquemment caricaturée par les démagogues de tout poil, L’UE a tout à gagner à montrer sa pertinence et son pragmatisme sur ce sujet-clé : la sécurité des Européens.