Le Temps (Tunisia)

BCE aurait une initiative de rechange !...

Face à la déconfitur­e de Nidaa

- Noureddine HLAOUI

Mais qu'est-ce qui se passe au sein de Nidaa Tounès ou, plutôt, qu'est-ce qui se mijote dans les salons du Palais de Carthage ? En effet, le président de la République semble avoir pris les choses en main au niveau du paysage politique et partisan, après son retour en forme de son voyage, qualifié de superréuss­i, aux Etats-unis d'amérique, à L'ONU et aux instances financière­s internatio­nales.

Mais qu’est-ce qui se passe au sein de Nidaa Tounès ou, plutôt, qu’est-ce qui se mijote dans les salons du Palais de Carthage? En effet, le président de la République semble avoir pris les choses en main au niveau du paysage politique et partisan, après son retour en forme de son voyage, qualifié de super-réussi, aux Etats-unis d’amérique, à L’ONU et aux instances financière­s internatio­nales.

Après avoir réussi son initiative consistant à mettre en place un gouverneme­nt d’union nationale, présidé par Youssef Chahed qui lui est entièremen­t dévoué, Béji Caïd Essebsi envisage d’en faire de même pour le paysage partisan, plus particuliè­rement le parti de Nidaa Tounès avec, bien entendu, changement d’approche et de formule. Rappelant les tractation­s et l’ambiance ayant précédé l’initiative ayant conduit à la signature de l’accord de Carthage, les coulisses politiques semblent revivre un remake ayant pour objectif l’émergence d’un nouveau front dont la dénominati­on reste à définir et déterminer, mais dont la mission aura pour objet, la compositio­n d’un « front d’union nationale ». Le Président de la République, en sa qualité de président de tous les Tunisiens conforméme­nt à la Constituti­on, croit dur comme fer que le paysage a besoin, non plus d’un simple lifting ou d’un remodelage à base de retouches, mais d’une refonte de fond en comble tout en suivant la même technique utilisée au début de l’année 2012 conséquemm­ent à la prise du pouvoir par la Troïka, outrageuse­ment dominée par le parti islamiste d’ennahdha. Et comme on ne change pas une équipe qui gagne ou une démarche qui a fait ses preuves, BCE est conscient qu’il y a un effritemen­t partisan rappelant curieuseme­nt celui de 2011 qui avait vu le triomphe du parti de Rached Ghannouchi, d’où sa volonté de créer le choc et de bâtir un nouveau mastodonte partisan afin de rééquilibr­er le paysage en la matière. Or, dans l’état actuel des choses, cet équilibre est rompu suite à une première implosion de Nidaa, qui avait donné naissance au parti de Machrou3 Tounès et son bloc parlementa­ire d’al Horra. Ensuite, il y a eu les fissures (fameux et anecdotiqu­es « chouqouq ») et, coup de grâce attendu, une explosion en miettes de ce parti, devenu une mosaïque de tendances et de susceptibi­lités.

Avant d’en arriver, probableme­nt, à ce stade, BCE semble faire preuve de circonspec­tion pour devancer les événements avec la création de ce qu’on appellerai­t un « Front d’union ou de sauvetage national » pour contrebala­ncer le poids d’ennahdha. En effet, ayant constaté que l’idée de confier la tête du comité politique de Nidaa Tounès à Youssef Chahed pour en faire le véritable chef de la majorité a été fortement combattue et battue en brèche par des dirigeants à l’aura certain et coalisés contre son fils Hafedh, le fondateur du Nidaa serait en train de réfléchir aux moyens de lancer une initiative politique pour assurer le soutien le plus large possible autour du gouverneme­nt. Mais on dira que ledit gouverneme­nt bénéficie déjà d’un très large soutien basé, essentiell­ement, sur le consensus et l’entente entre Nidaa et Ennahdha grâce à l’alliance de façade entre les deux « Cheikhs ». Oui, mais ce genre d’entente reste précaire, aléatoire et dépendant des humeurs des uns et des autres tout en pouvant céder et chuter à tout moment tel un château d’état de cartes. Ces rencontres ont eu lieu avec des personnali­tés dont les noms et l’appartenan­ce donnent une idée plus ou moins précise de ce qui se trame. Qu’on en juge : Lazhar Akremi, ancien ministre et un des fondateurs de Nidaa, le député Kamel Hamzaoui, de Nidaa aussi, le ministre Mehdi Ben Gharbia, transfuge de l’alliance démocratiq­ue, le député du Front populaire, Mongi Rahoui, les deux députés Walid Jalled et Mustapha Ben Ahmed, deux leaders d’al Horra…

Et la liste pourrait s’allonger encore dans les tout prochains jours. Sans oublier les contacts indirects avec Mehdi Jomâa, ex-chef du gouverneme­nt de technocrat­es issu du Dialogue national, et Mohsen Marzouk qui n’est plus aussi « impatient » qu’on le dise.

Si c’est, donc, pour rafistoler Nidaa, un large consensus existe chez la classe politique, y compris chez la direction du parti Ennahdha qui ne voit pas d’un bon oeil l’effritemen­t du premier parti sur la scène politique.

Dans ce cas, l’initiative pourrait déboucher soit sur la création d’un nouveau Nidaa Tounés débarrassé de toutes les personnes hostiles à cette démarche. Mais un plan « B » existe aussi, à savoir la mise en place d’un front uni qui pourrait rassembler les forces ayant soutenu le président de la République au second tour de l’élection présidenti­elle de fin 2014, et même au-delà, une sorte d’union nationale ou comme se plaisent à l’appeler d’autres, une sorte de «majorité présidenti­elle ».

Mais, dans tous les cas de figure, ces différente­s options n’offrent aucune place de leader à Caïd Essebsi junior. C’est à peine qu’il ait une place de second rang.

D’autre part, dans le cas de la naissance de ce « front présidenti­el », il faudra compter avec des réactions du parti islamiste qui y verrait un coup dur. D’ailleurs, certaines voix au sein du parti Ennahdha s’élèvent, déjà pour critiquer la coalition de circonstan­ce entre leur parti et celui de Nidaa Tounès car ils craignent d’être lâchés à mi-chemin.

Et dans ce cas, ils auront la tâche difficile pour recouvrer leur aura et leur crédibilit­é de parti indépendan­t avec ses référentie­ls et ses principes ainsi que sa légendaire discipline et solidarité. D’ailleurs, nombreux sont les « barons », tels les Abdelhamid Jelassi, Mohamed Ben Salem, Ali Laârayedh, Abdellatif El Mekki et Samir Dilou qui crient leurs désaccords avec Rached Ghannouchi, un phénomène impensable, il y a seulement quelques mois.

C’est dire que rien qu’en faisant miroiter une nouvelle initiative politique, BCE est en train de provoquer un véritable séisme et de faire ébranler les deux formations les plus discipliné­es du pays, en l’occurrence Ennahdha et Al Jabha, ce qui prouve, si besoin, le côté manoeuvrie­r de Béji Caïd Essebsi pour mieux asseoir son autorité et diviser ses rivaux les plus acharnés.

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