Le Temps (Tunisia)

Une scène polluée, un discours haineux

- Salma BOURAOUI

Le premier conseiller auprès du président de la République, Noureddine Benticha, est revenu, lors d'un passage télévisé, sur l'état des lieux de la scène politique tunisienne. Interrogé sur le cumul des accusation­s et la détériorat­ion du discours politique, Benticha a indiqué que cela est normal pour un pays qui vit en période de transition. Expliquant que la Tunisie représente une exception parmi les pays qui ont connus les mêmes conditions, Noureddine Benticha a rappelé que ces mêmes pays vivent aujourd'hui dans des guerres ouvertes où les individus ont pris les armes au lieu du dialogue.

Le premier conseiller auprès du président de la République, Noureddine Benticha, est revenu, lors d’un passage télévisé, sur l’état des lieux de la scène politique tunisienne. Interrogé sur le cumul des accusation­s et la détériorat­ion du discours politique, Benticha a indiqué que cela est normal pour un pays qui vit en période de transition. Expliquant que la Tunisie représente une exception parmi les pays qui ont connus les mêmes conditions, Noureddine Benticha a rappelé que ces mêmes pays vivent aujourd’hui dans des guerres ouvertes où les individus ont pris les armes au lieu du dialogue. Si on s’achemine vers cette comparaiso­n, on sera peut-être obligé d’admettre que comparée à l’egypte, à la Syrie ou encore à la Libye, la Tunisie a plutôt su choisir sa voie. Toutefois, cette même voie – qu’on nomme tantôt consensus, tantôt cohabitati­on ou encore union nationale – a démontré ses limites. Confronté, depuis le 14 janvier, à un discours politique de plus en plus décevant, le grand public se retrouve aujourd’hui avec des acteurs politiques qui s’accaparent les espaces médiatique­s et en faire des arènes de combats féroces. Même loin des plateaux télévisés et radiophoni­ques, nos politiques trouvent quand-même le moyen de s’entretuer lors des plénières de l’assemblée des représenta­nts du peuple, lors de visites officielle­s et même au niveau des réseaux sociaux. Dernièreme­nt, des députés se sont même adonnés au jeu d’accusation­s réciproque­s graves sur des collaborat­ions avec des hommes d’affaires suspects. Après la déclaratio­n du député de Nidaa Tounes, Tahar Battikh, - où il accusé le président de son propre bloc, Sofiene Toubel, de collaborer avec un homme d’affaires connu pour sa corruption – la députée du Courant démocratiq­ue, Samia Abbou, a rebondi sur les mêmes propos médiatique­s et a officialis­é les mêmes accusation­s.

Fort heureuseme­nt, cet incident n’a pas laissé de marbre le ministère public qui a réagi en convoquant la députée et en écoutant son témoignage. De son côté, l’accusé dans ce dossier a défié tous ses interlocut­eurs en leur demandant de lui ramener un seul projet de loi servant les intérêts des hommes d’affaires déposé par lui ou par un autre député de son bloc. Sofiene Toubel a cependant évité d’évoquer la voie judiciaire ou une éventuelle plainte pour diffamatio­n. Cette affaire n’est qu’un exemple parmi tant d’autres qui reflète l’atmosphère toxique dans laquelle évolue la chose politique et médiatique en Tunisie. Nous ne nous sommes certes pas arrivés à une étape de violence physique – ou du moins, nous ne sommes plus à cette étape parce qu’il ne faut jamais oublier que Chokri Belaïd, Mohamed Brahmi et Lotfi Naguedh ont été victimes de cette même violence – mais il est aujourd’hui temps d’admettre que la scène politique tunisienne est polluée et que ce discours haineux finira, comme cela a été le cas en 2013, par causer des dégâts catastroph­iques pour le pays et pour sa transition démocratiq­ue.

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