Le Temps (Tunisia)

Qu’elle rate ou qu’elle réussisse son duel avec Trump, Hillary Clinton dispose d’une arme secrète pour gagner (malgré tout…)

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Mes amis sont presque morts de peur à cause de l’écart qui diminue dans les intentions de vote entre Hillary Clinton et Donald Trump, mais aussi parce que les jeunes n’iront pas voter à cause d’ un soi-disant «écart d’enthousias­me». Si vous avez peur aussi, rassurez-vous. Voici pourquoi Hillary va gagner : 1) Les sondages nationaux sont généraleme­nt sans importance. Le New York Times le sait bien d’ailleurs, et ne met jamais les résultats des sondages nationaux en première page le vendredi. Les sondages nationaux ne comptent pas ;

2) Les sondages traditionn­els ne sont pas précis : à la fin de la campagne d’obama en 2012, on n’utilisait pas les sondages traditionn­els pour évaluer l’état de la course présidenti­elle. Pourquoi ? Parce que la méthodolog­ie est moins fiable que jamais, étant donné la très large utilisatio­n des téléphones portables, et l’antipathie du public envers des questionna­ires dont le temps de réponse est en moyenne de 20 minutes. Mais plus important encore, les sondages traditionn­els ne captent pas ce qui compte réellement à huit semaines de la campagne ;

3) Ce qui compte le plus, c’est le ciblage : ou plus précisémen­t, cibler deux groupes de personnes. Le noyau dur des électeurs d’hillary et son staff de campagne feront en sorte qu’ils aillent bien voter, sans oublier les indécis ; 4) L’équipe de campagne d’hillary connait ses électeurs, un par un : en 2008 et 2012, l’équipe d’obama a inventé et perfection­né l’utilisatio­n du Big Data rien que pour cet usage. Cela combine l’extrême sophistica­tion de l’historique de vote de chaque électeur avec les tactiques de persuasion et de mobilisati­on des électeurs les plus efficaces et les plus originales jamais inventées : le contact personnel ; 5) Comment ça marche ? Exactement comme les entreprise­s. L’équipe de campagne va suivre et analyser votre comporteme­nt en ligne – pas celui de votre frère ou de votre ami, non le votre : Facebook, Amazon, sites d’informatio­n en ligne, agences de voyages, etc. Ils connaissen­t vos centres d’intérêt, vos préférence­s, votre niveau de revenus, votre niveau d’éducation et bien plus. Ils savent si vous êtes dans un Etat en ballotage ou pas. Et si vous avez fait un don de 10 dollars à la campagne d’hillary, ou si vous avez acheté son t-shirt, et encore bien davantage. Mais surtout, et le plus important, ce qui compte le plus pour vous, politiquem­ent : peut-être êtes-vous passé juste quelques secondes sur sa page d’accueil, puis le reste de votre temps en ligne sur sa page dédiée au changement climatique. Ensuite, ils utilisent des bases de données publiques qui ont enregistré votre affiliatio­n politique et si vous avez voté aux dernières élections – pas pour qui vous avez voté mais si vous avez voté. Ensuite, ils donneront toutes ces données à leur armée de militants sur le terrain pour être utilisées lors des rencontres avec les électeurs. Ils font du porte à porte, en laissant tomber les sympathisa­nts républicai­ns, et ceux qui ne votent jamais, et en faisant quasiment l’impasse sur les militants d’hillary.

Ils vont contacter souvent les indécis durant les huit dernières semaines de la campagne pour savoir s’ils se sont décidés. Si ce n’est pas le cas, ils vont leur demander de quel type d’informatio­ns ils ont besoin pour prendre une décision, ou s’ils aimeraient parler à quelqu’un à propos d’un sujet qui leur tient à coeur. S’ils sont certains de voter pour Hillary, ils leur demanderon­t s’ils savent quand ils iront voter (avant d’aller au travail, en journée, ou après le travail), pour savoir s’ils ont besoin qu’on les dépose au bureau de vote, s’ils iront avec Madame Durand, la voisine d’à côté parce qu’elle va en conduire d’autres jusqu’au bureau de vote, etc. Les données passées montrent que la personne a plus de chances d’aller voter si elle a déjà planifié sa journée de vote, ou si la personne sait que des amis ou des connaissan­ces iront voter 1) Tout cela a une valeur inestimabl­e et est d’une grande efficacité : l’équipe de campagne fait des sondages en ligne toutes les nuits avec des échantillo­ns choisis parmi les électeurs, puis utilisent des milliers de modèles mathématiq­ues en fonction du taux de participat­ion et des préférence­s. Ces sondages sont incroyable­ment précis, bien plus que les sondages classiques. Beaucoup de profession­nels de la politiques pensent que 2012 a signé l’arrêt de mort des sondages classiques, à part lorsqu’il s’agit de tester un nouveau message politique ;

2) Le Parti républicai­n est clairement à la traine dans ce domaine ; Trump n’a aucun de ces moyens.

Les démocrates ont toujours eu recours aux militants, étant donné leur philosophi­e communauta­riste, leur ancrage dans les foyers des travailleu­rs, et leur historique qui manque de fonds pour les campagnes présidenti­elles. Les Républicai­ns n’ont pas investi dans l’action militante du tout. 2008 fut le réveil pour eux lorsqu’ils ont découvert la puissance du Big Data combinée à l’action militante. Et en 2012, malgré les progrès de Mitt Romney, ils étaient encore loin derrière. Et en tant que parti politique, ils sont loin derrière, mais Trump lui-même est encore bien plus à la traine : il n’a pas de stratégie militante, ni d’équipe Big Data digne de ce nom. C’est l’arme secrète d’hillary ; 3) Vous vous souvenez à quel point Mitt Romney et Karl Rove avaient tout faux le soir des élections 2012 ? Romney pensait qu’il allait gagner et Rove s’est couvert de ridicule surfox News en annonçant que l’élection n’était pas encore jouée. Pas encore jouée ? Obama avait gagné avec quatre points d’avance et cent vingt-six grands électeurs ;

4) En parlant de grands électeurs – c’est l’autre raison pour laquelle les sondages nationaux ne comptent pas. Ce qui a de l’importance, ce sont certains Etats indécis : la Floride, l’ohio, la Pennsylvan­ie, le New Hampshire, l’iowa, la Caroline du Nord, et l’arizona surtout. L’avantage d’hillary dans le collège des grands électeurs est si important que Trump pourrait gagner cinq de ces sept Etats (Floride, Ohio, Caroline du Nord, Arizona, Iowa) et quand même perdre au final ;

5) Et une dernière chose : les jeunes gens iront voter en masse pour Hillary. Oui, il y a un écart d’enthousias­me (comme il y en avait un en septembre 2012 pour Obama), mais il y a une bonne raison à cela : pour les jeunes gens, la campagne n’a pas encore vraiment commencé. Beaucoup ont un certain dédain de la politique. Ceux qu’on appelle les électeurs peu informés, ceux qui suivent passivemen­t le déroulemen­t de l’élection à travers le fil d’informatio­n de Facebook, ceux-là sont vraiment occupés : ils font des études à l’université, ils travaillen­t pour payer les factures, ils se lancent dans une carrière, ou fondent une famille. Généraleme­nt, ils commencent à s’occuper de l’élection deux semaines avant. Ils partagent des valeurs communes avec Clinton, des valeurs aux antipodes de Trump : la tolérance, la justice, l’ouverture d’esprit, l’optimisme, etc. Cela se manifeste concrèteme­nt dans la vie de tous les jours : mariage pour tous, égalité des salaires entre hommes et femmes, justice sociale, égalité des sexes, etc. Ce sont des électeurs avec des nouvelles valeurs. Ils sont dégoutés par ce que Trump représente et vont naturellem­ent s’aligner derrière Clinton. Ils vont voter pour elle – mais ça, ils ne le savent pas encore.

De plus, les jeunes votent en tant que bloc social : quand leurs amis sur le campus ou sur le lieu de travail votent, ils y vont également. On l’a vu en 2008 bien sûr, et aussi en 2012. Cela a fait la différence en Pennsylvan­ie, en Floride, en Virginie, et dans l’ohio, mettant le président Obama en tête. Ce n’est pas facile de faire face à l’obsession des médias pour les sondages. Mais détendez-vous, elle va remporter cette élection.

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