Gare à la confusion entre religion et pensée religieuse
Le ministre des Affaires religieuses, Abdeljélil Salem, a prôné, hier, à Tunis, la distinction entre la religion en tant que révélation divine transcendant l'espace et le temps et la pensée religieuse ou réflexion sur les textes révélés en tant qu'oeuvre scientifique humaine, inscrite dans le temps et déterminée par le contexte politique et historique qui l'a vu naître.
Le ministre des Affaires religieuses, Abdeljélil Salem, a prôné, hier, à Tunis, la distinction entre la religion en tant que révélation divine transcendant l’espace et le temps et la pensée religieuse ou réflexion sur les textes révélés en tant qu’oeuvre scientifique humaine, inscrite dans le temps et déterminée par le contexte politique et historique qui l’a vu naître.
Parlant lors d’un colloque sur la démocratie et le discours religieux organisé par la Fondation Ahmed Tlili pour la culture démocratique, le ministre des Affaires religieuses a estimé que c’est la confusion entre la religion et la pensée religieuse qui est à l’origine de l’esprit d’exclusion et d’excommunications caractérisant les rapports entre les groupes religieux et les communautés religieuses, tel les sunnites et les chiites, dans le mesure où chaque groupe et chaque communauté croit que sa manière de comprendre la religion se confond avec l’essence de la religion et que celles des autres sont fausses et contraires à la religion, alors qu’il s’agit dans tous les cas de certaines façons propres de comprendre la religion profondément influencées par les contextes et les circonstances historiques prévalant et qui changent sans cesse. C’est ce qui est appelé communément aujourd’hui takfirisme fondé sur le rejet total de la différence.
Par contre, a-t-il dit, la démocratie est basée essentiellement sur le pluralisme politique, intellectuel, culturel et religieux et sur le respect de ce pluralisme et de la différence en général, ce qui incite à penser que la religion est incompatible avec la démocratie, lorsqu’elle est confondue avec la pensée religieuse.
Aussi, le ministre des Affaires religieuses a mis l’accent sur la nécessité de favoriser l’émergence d’un discours religieux éclairé qui sache distinguer entre le transcendantal et le temporel, soit entre la religion et la réflexion sur la religion, et de promouvoir aussi la formation des cadres religieux en fonction de ces exigences. Il a indiqué que 5% seulement des imams prédicateurs sont des professeurs spécialisés alors que les autres imams n’ont pas la spécialité nécessaire, et on assiste à une certaine désaffection pour les mosquées à cause de cette insuffisance.
Or, a-t-il ajouté, si les élites peuvent accepter le principe de pluralisme et de différence au niveau de la pensée religieuse, et la nécessité de le respecter, par contre, dans les mosquées, et auprès des imams, ces notions restent floues. M. Abdeljélil Salem a évoqué l’expérience amère par laquelle avait passé la Tunisie, dans ce domaine, dans les années 2011 et 2012 qu’il a qualifiées d’années obscures, à cause de la montée de la pensée religieuse extrémiste et sa volonté de maquer de son sceau toute la vie religieuse dans le pays. Il a souligné que la promotion du discours religieux est d’autant plus impérative que la relation entre la politique et la religion continue d’être un sujet de divergence et de tension, de sorte que tant que nous ne parvenons pas à résoudre la problématique relative à la différence entre la religion et la pensée religieuse ou réflexion sur la religion, les déviations et les menaces de déviations persisteront. Le colloque a été organisé avec le concours de partenaires suédois. L’ambassadeur de Suède à Tunis, présent à la rencontre, a annoncé la réouverture, en ce mois d’octobre, de l’ambassade de Suède à Tunis, après 15 ans d’absence.