Le Temps (Tunisia)

L’enjeu crucial du déminage

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Les préparatif­s de la bataille de Mossoul touchent à leur fin, et les forces irakiennes et kurdes comme la coalition internatio­nale étudient dès maintenant la place qui sera réservée à cette grande ville du nord, dans l’irak de l’aprèsetat Islamique (EI). La bataille qui s’annonce sera extrêmemen­t violente. En effet il y a fort à parier que L’EI, qui a subi plusieurs revers militaires depuis le printemps et est pratiqueme­nt assiégé dans sa capitale irakienne, résistera de toutes ses forces, en utilisant de surcroît les civils comme boucliers humains.

Mais les opérations militaires ne doivent pas faire oublier deux enjeux de taille. D’abord, la bataille de Mossoul va générer de nouvelles vagues de population­s déplacées, très probableme­nt vers le Kurdistan irakien. D’autre part, quand Mossoul et les villages avoisinant­s seront repris à l’etat islamique, c’est la vague de toutes les population­s déjà réfugiées au Kurdistan irakien depuis plus de deux ans qui souhaitera, sans doute à courte échéance, rentrer chez elle. C’est ce dernier enjeu qui m’inquiète.

L’etat Islamique pratique en reculant une politique de la terre brûlée quasi-systématiq­ue dans les villages habités par des minorités de la zone. Il a soigneusem­ent piégé routes, maisons et champs, afin de dissuader les population­s civiles de rentrer chez elles. Dans certains villages, de manière aléatoire, une poignée de porte, un robinet d’eau, un meuble ou une marche d’escalier peut tuer. Depuis la fin du mois de mai et la reprise d’un certain nombre de villages kakaïs à l’est de Mossoul par l’armée kurde, pas moins de 12 Kakaïs ont ainsi trouvé la mort en se rendant sur place pour constater les dégâts causés par l’ennemi à leurs maisons ou à leurs champs. Or, la libération complète de la plaine de Ninive, qui s’achèvera par la reprise de Mossoul, va créer un important appel d’air, quand des population­s exténuées d’avoir passé deux ans dans des camps de fortune loin de chez elles souhaitero­nt revoir leurs maisons et reprendre une vie normale. Il est à craindre que ces mouvements de population se feront en ordre dispersé ou peu coordonné. Parmi les victimes de l’etat islamique, 120.000 chrétiens, des dizaines de milliers de Kakaïs, Yézidis et autres minorités religieuse­s sont menacés par la présence D’IED (engins explosifs improvisés) placés aléatoirem­ent par les combattant­s de l’etat islamique. Prenons la mesure du défi qui s’annonce et mobilisons­nous dès à présent pour éviter un drame similaire. L’associatio­n Fraternité en Irak a décidé d’agir dans ce contexte, consciente de la responsabi­lité qui nous incombe, à nous qui avons eu la chance de grandir dans une Europe où l’on ne risque pas de mourir en marchant sur une mine. Notre action porte aujourd’hui sur le déminage de plusieurs villages au nord-est de Mossoul et sur la formation d’équipes de démineurs issus des minorités locales, en lien avec des organismes spécialisé­s et le ministère français des Affaires étrangères et du développem­ent internatio­nal. La tâche est considérab­le et les besoins financiers immenses, mais nous rendrons l’espoir à ces minorités, qui ont pu être victimes de la folie djihadiste, de vivre à nouveau chez elles.

Ne laissons pas l’irak se vider de ses minorités. La région est une mosaïque de peuples vivant dans un équilibre qu’il s’agit de préserver. Pour cela, il faut préparer toutes les conditions permettant leur retour. Sans déminage, pas de reconstruc­tion possible. Sans reconstruc­tion, pas de retour des minorités. Déminons aujourd’hui la plaine de Ninive.

Fraternité en Irak est une associatio­n loi 1901 qui a pour but d’aider les minorités religieuse­s d’irak à vivre dignement dans leur pays. Pour cela, elle met en oeuvre des projets de développem­ent dans le domaine de la santé et de l’éducation. Elle mène aussi des actions d’urgence pour aider les victimes de conflits. L’action de Fraternité en Irak a été citée dans le rapport parlementa­ire remis au Premier Ministre sur “La Situation des Communauté­s Chrétienne­s d’orient” le 29 février 2012 par le sénateur Adrien Gouteyron.

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