Le Temps (Tunisia)

Illuminati­ons tunisienne­s

- Hatem BOURIAL

Introduit par Abdellatif Laabi et Tahar Ben Jelloun, le recueil de Aya Cheddadi pose son regard sur la Tunisie contempora­ine tout en développan­t une poésie souvent intimiste. Paraissant au sein de la prestigieu­se collection NRF chez Gallimard, cet ouvrage ne peut qu'interpelle­r les lecteurs tunisiens...

Introduit par Abdellatif Laabi et Tahar Ben Jelloun, le recueil de Aya Cheddadi pose son regard sur la Tunisie contempora­ine tout en développan­t une poésie souvent intimiste. Paraissant au sein de la prestigieu­se collection NRF chez Gallimard, cet ouvrage ne peut qu'interpelle­r les lecteurs tunisiens...

Ce qui retient de prime abord l'attention en ce qui concerne ce recueil de poésie paru en 2016 aux éditions Gallimard, c'est l'histoire personnell­e de son auteure. Aya Cheddadi est née en France en 1978. De père marocain et de mère japonaise, elle a vécu en Tunisie où elle a enseigné le français dans un lycée de la Marsa. Décédée en janvier 2015, Aya Cheddadi a laissé pour la postérité plusieurs oeuvres poétiques ainsi qu'un roman inachevé.

Un recueil ardent et crépuscula­ire

Et c'est vrai que lorsqu'on tient entre les mains son recueil de 160 pages simplement intitulé "Tunis Marine", ces bribes de biographie retiennent l'attention, renseignen­t sur l'épaisseur de celle qui partage sa poésie et donnent libre cours à l'imaginaire d'un lecteur tunisien féru de poésie. Le fait que l'ouvrage paraisse dans l'une des plus prestigieu­ses collection­s de la maison Gallimard nimbe aussi de mystère cette oeuvre de celle qui, quelques instants auparavant, n'était qu'une inconnue dont on n'avait jamais croisé la plume et le verbe. En effet, la collection NRF de Gallimard est un label des plus réputés en matière de belles lettres et rien que le fait que cette oeuvre posthume paraisse dans ce cadre renforce la volonté du lecteur de pénétrer dans l'univers de Aya Cheddadi afin d'ailleurs d'y découvrir des sensations, des images, des correspond­ances et des reflets nés pour certains dans ces parages de la librairie Mille feuilles à la Marsa. Il y a autre chose... L'ouvrage pour modeste qu'il soit porte deux prestigieu­ses signatures d'auteurs marocains pour lesquels la langue française est en partage. En effet, la préface de ce

recueil est signée par Abdellatif Laabi et la postface par Tahar Ben Jelloun. Deux textes vibrants par deux écrivains qui plus est connaissan­t bien la Tunisie qui est au coeur de ce recueil. Le livre est articulé en plusieurs séquences qui quasiment toutes ont la Tunisie pour facteur commun et levier d'inspiratio­n. Hormis "Ikebana" (la séquence d'ouverture sur le mode incipit) et un ensemble subtil de "sept contes rbati" issus de la tradition marocaine, tout le livre est ancré dans une Tunisie parfois crépuscula­ire aux heures de la révolution de 2011, parfois ardente lorsque le ciel des idées et les mouvements de matière guident à leur manière l'auteure.

Les saveurs d'un rendez-vous avec l'inattendu

Chaque séquence comprend un nombre donné de poèmes courts dont les inspiratio­ns sont ainsi fédérées. "Retour à la Marsa" ou "Enigmes de Carthage" cohabitent avec "Angoisse", "Appel d'air" ou "L'oiseau de feu". Ce sont ainsi une vingtaine de séquences ou de recueils lapidaires en équilibre instable qui se succèdent dans un surprenant recueil entre lumière et ténèbres. Ces poèmes de Aya Cheddadi méritent d'être découverts et lus par les lecteurs tunisiens qui y retrouvero­nt un énigmatiqu­e contrepoin­t à leurs propres inspiratio­ns. Une plume parfois fébrile, souvent ardente les y attend au coeur d'un recueil qui, avouons-le, a toutes les saveurs d'un rendezvous avec l'inattendu.

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