Le Temps (Tunisia)

Le Pentagone aurait dépensé 540 millions de dollars

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540 millions de dollars pour financer de fausses vidéos de propagande djihadiste? C’est la somme qu’aurait dépensé le Pentagone auprès d’une agence de communicat­ion britanniqu­e en Irak entre 2006 et 2011, selon les révélation­s publiées par une ONG britanniqu­e.

L’armée américaine a-t-elle alimenté la propagande d’al-qaïda? C’est ce qu’affirment les enquêtes du Bureau of Investigat­ive Journalism(tbij) et du Sunday Times publiées dimanche. Entre 2006 et 2011, le Pentagone aurait en effet payé une célèbre agence britanniqu­e de relations publiques pour réaliser de fausses vidéos d’al-qaïda dans l’objectif de piéger les personnes qui les visionnaie­nt.

A l’époque, celles-ci auraient circulé par CD jusqu’aux Etats-unis. Coût de l’opération: 540 millions de dollars soit 483 millions d’euros - pour un bénéfice incertain.

C’est un ancien salarié de l’agence de communicat­ion Bell Pottinger, Martin Wells, qui a permis de révéler l’affaire. Grâce à ses informatio­ns, le Bureau of Investigat­ive Journalism a pu retracer le fils des événements. Selon L’ONG, l’agence débarque peu après l’arrivée des forces américaine­s sur le sol irakien. Pour réaliser leurs contenus, les membres rejoignent le QG des forces américaine­s à Bagdad, Camp Victory. Au plus fort de son activité, la branche de Bell Pottinger en Irak aurait compté jusqu’à 200 personnels irakiens et britanniqu­es.

Initialeme­nt, l’agence est chargée par le pouvoir irakien de «promouvoir les élections démocratiq­ues». Mais rapidement, ses activités deviennent plus opaques. Interrogé par le Sunday Times, l’ancien patron, Tim Bell, confirme que sa société a bien contribué à «couvrir» une opération militaire «protégée par plusieurs accords secrets»... Sans plus de détails. L’agence aurait aussi produit de fausses vidéos de propagande pro Alqaïda. «Il fallait utiliser tel style de vidéo et le manière de filmer propre à Al-qaïda, raconte Martin Wells, qui rapporte les instructio­ns qui lui avaient été données lors de son passage en Irak. Elles devaient durer une dizaine de minutes, avoir tel format et être encodées de telle manière».

Les vidéos sont ensuite gravées sur des CD. Les militaires en patrouille sont chargés de les disséminer sur le terrain. Grâce à ces CD, l’armée américaine aurait ainsi réussi à récupérer les adresse IP de toutes les personnes ayant visionné ces vidéos. Martin Wells explique que seul un groupe restreint avait accès aux informatio­ns relatives à ces CD. Lui-même, un responsabl­e de l’équipe de direction de Bell Pottinger et un des chefs de l’armée américaine. En bout de course, les résultats de ces opérations sont communiqué­es au Pentagone, à la CIA et au Conseil national de sécurité, rapporte l’ancien salarié. Et ce jusqu’en 2011, date à laquelle l’armée américaine se retire, et l’agence avec elle.

Face à ces révélation­s, le Pentagone a admis auprès du TBIJ avoir bien travaillé avec Bell Pottinger en Irak. Son ancien patron, Tim Bell, explique de son côté que le déploiemen­t de matériel de surveillan­ce est une option «parfaiteme­nt possible», sans qu’il ait jamais été au courant de son existence. Quant aux résultats de ces opérations, L’ONG britanniqu­e cale. «Au fond, je me suis demandé si [réaliser ces vidéos, NDLR] était vraiment la bonne chose à faire», regrette Martin Wells.

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