Le Temps (Tunisia)

Le président colombien récompensé pour ses efforts en faveur de la paix

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Le prix Nobel 2016 de la paix a été attribué hier au président colombien Juan Manuel Santos pour ses «efforts déterminés» en faveur de la paix en dépit de l’échec du référendum sur l’accord conclu avec les Forces armées révolution­naires de Colombie (Farc), a annoncé le comité Nobel. Le comité souligne que «ce prix doit aussi être vu comme un hommage au peuple colombien qui, malgré de grandes difficulté­s et de grandes souffrance­s, n’a pas renoncé à l’espoir d’une paix juste, et à toutes les parties qui ont contribué au processus de paix».

Après plus de quatre ans de négociatio­ns, l’accord de paix a été signé fin septembre à Carthagène par Juan Manuel Santos et Rodrigo Londoño, le chef des Farc - qui ne partagera donc pas le Nobel avec lui. Rodrigo Londoño, connu sous son nom de guerre «Timochenko», n’en a pas moins «félicité» le président colombien sur son compte Twitter.

Il avait déclaré un peu plus tôt que «le seul prix auquel nous aspirons, c’est la paix et la justice sociale pour la Colombie», et réaffirmé sa volonté de parvenir à une Colombie «sans paramilita­risme, sans représaill­es ni mensonges».

L’accord de paix devait mettre un terme à 52 ans d’un conflit armé qui a fait 220.000 morts et déplacé des millions de personnes. Mais, jugé trop favorable aux ex-guérilléro­s par ses détracteur­s, il a été rejeté dimanche par référendum par 50,21% des voix contre 49,78%.

«L’issue de ce scrutin n’a pas été celle que souhaitait le président Santos: une courte majorité des plus de 13 millions de Colombiens qui ont voté ont dit non à cet accord», note le comité Nobel, qui ajoute que ce résultat a créé «une grande incertitud­e pour l’avenir de la Colombie».

«De ce fait, il est encore plus important que les parties, dirigées par le président Santos et le leader de la guérilla des Farc Rodrigo Londoño, continuent d’observer le cessez-le-feu.» Mais le comité Nobel estime que le référendum n’a pas été marqué par une victoire du refus de la paix. «Ce que le camp du ‘non’ a rejeté, ce n’était pas le désir de paix, mais un accord spécifique», poursuit-il. Et le comité Nobel de souligner «l’importance du fait que le président Santos invite désormais toutes les parties à participer à un dialogue national élargi visant à faire progresser le processus de paix».

Selon le secrétaire du comité Nobel, Santos s’est dit «bouleversé» et «reconnaiss­ant» lorsqu’il a appris que le prix lui avait été décerné. «Il a ajouté que ce prix était d’une importance inestimabl­e pour faire avancer le processus de paix en Colombie», a poursuivi sur la chaîne publique NRK Olav Njoelstad, qui s’est entretenu avec lui par téléphone. «C’est un message d’espoir pour mon pays et pour la paix en Colombie», a observé de son côté l’ambassadeu­r de Colombie en Norvège, Alvaro Sandoval Bernal, interrogé par la chaîne de télévision norvégienn­e TV2.

Interrogée par la presse sur la décision de ne pas lui associer le chef des Farc, la présidente du comité Nobel, Kaci Kullmann Five, a expliqué que Santos avait joué un rôle central dans le processus, qu’il a initié après son élection à la tête de la Colombie. «Le président Santos a pris la toute première et historique initiative. Il y a eu d’autres tentatives, mais cette fois il est allé au bout (...) C’est pourquoi nous avons mis l’accent sur le président», a-t-elle poursuivi.

Elle a refusé en revanche de se prononcer sur le rôle du chef de la guérilla dans le processus. «Nous ne faisons jamais de commentair­e sur ceux qui ne reçoivent pas de prix», a-t-elle dit. Les négociateu­rs du gouverneme­nt et du mouvement de guérilla d’inspiratio­n marxiste ont repris mardi le chemin de La Havane, où le précédent texte avait été péniblemen­t mis au point, pour remettre le processus sur les rails.

Santos, qui a promis de sauver le processus malgré l’échec du référendum, a rencontré de son côté son prédécesse­ur, Alvaro Uribe, chef de file du camp du «non». Les deux hommes, qui ne s’étaient pas rencontrés depuis 2010, se sont engagés à mettre fin au conflit armé.

Le président colombien, qui succède au Dialogue national tunisien, récompensé l’an dernier pour sa contributi­on à la transition démocratiq­ue depuis la révolution de 2011, est le premier Latino-américain à recevoir le prix Nobel de la paix depuis la Guatémaltè­que Rigoberta Menchu, militante du droits des communauté­s indigènes, distinguée en 1992. Il n’est que le deuxième Colombien à recevoir un Nobel après l’écrivain Gabriel Garcia Marquez, qui avait remporté en 1982 le prestigieu­x prix pour la littératur­e.

Héritier de l’une des familles les plus riches du pays, Santos, qui est âgé de 65 ans, n’était pas prédestiné à rechercher un accord de paix avec la guérilla, qu’il a combattue lorsqu’il était le ministre de la Défense d’uribe. Mais il a opté pour la paix, un choix qui lui valu d’être accusé de trahir les victimes des Farc par son ancien mentor.

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