Le Temps (Tunisia)

Donald Trump, un homme dangereux

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L’affronteme­nt politique aux Etats-unis peut paraître exotique à des Européens. Parfois de grande qualité, il lui arrive aussi de sombrer dans la vie privée des acteurs publics ou, comme depuis quelques années, d’être étouffé par le sectarisme idéologiqu­e d’un des deux grands partis, les républicai­ns. Mais Donald Trump l’a sali, perverti, vulgarisé jusqu’à l’obscénité, comme jamais aucun candidat à la Maison Blanche ne l’avait fait depuis la naissance de l’union américaine. Cet homme est une menace pour la démocratie. Au fond, peu importe que le deuxième des trois débats télévisés, dimanche 9 octobre, entre le républicai­n et son adversaire démocrate, Hillary Clinton, se soit soldé ou non par une sorte de match nul. L’émission a été le reflet de la manière dont Trump a dégradé, depuis le début de la campagne, la joute démocratiq­ue que doit être l’affronteme­nt entre les prétendant­s au bureau Ovale. Voilà un homme qui a érigé son ignorance crasse de tous les dossiers en preuve de sa non-appartenan­ce aux « élites », situation qui lui conférerai­t une supériorit­é naturelle sur ses concurrent­s ! Voilà un homme qui ment tellement qu’il a en quelque sorte neutralisé la notion même de mensonge : dans l’univers de Donald Trump, les faits eux-mêmes sont « élitistes » et ne doivent pas venir entraver la vision du monde que veut nous imposer ce roi de la télé-réalité. Trump a acquis une partie de sa notoriété en étant bateleur en chef à la télévision. Tel est son « apport » en politique : il a transféré dans l’arène publique le principe de la télé-réalité. Il s’agit de capter l’attention en repoussant toujours plus loin les limites de la vulgarité. Au nom du « parler vrai » et de la lutte contre le« politiquem­ent correct », on fait reculer le seuil de l’inacceptab­le.

Trump a ainsi fait savoir aux électeurs qu’il était fort content de la taille de son pénis. Il s’est moqué du physique de l’une de ses concurrent­es républicai­nes. Il flirte avec un propos ouvertemen­t raciste – à l’adresse des « Latinos » et, plus encore, des Noirs. Il a confié la direction de sa campagne à un suprémacis­te blanc. Il a laissé entendre – une blague, bien sûr ! – que les partisans de la totale liberté des ventes d’armes automatiqu­es aux Etats-unis, ses amis, trouveraie­nt bien un moyen de régler son compte à Mme Clinton. Lui, le porte-parole des sans-voix, des victimes de la mondialisa­tion, se vante de ne pas payer d’impôts.

Tout est passé, sans entamer réellement sa cote de popularité auprès de l’électorat républicai­n. Trump normalise l’obscénité et banalise la violence verbale en politique. C’est toujours « pour rire », bien sûr, et toujours au nom de la lutte contre la pensée unique. Pour se dédouaner de révélation­s peu glorieuses sur sa manière de concevoir la vie amoureuse, il a fait venir dans le public, dimanche soir, quatre anciennes victimes supposées de Bill Clinton – sans doute dans l’espoir de déstabilis­er Mme Clinton. Le « Donald » a de la classe. Une bonne partie de la direction républicai­ne ne le soutient plus. Mais tel n’est pas le cas du coeur de l’électorat républicai­n. Les Etats-unis sont l’une des plus vieilles et la plus grande des démocratie­s du monde. Ce qui s’y passe préfigure souvent ce qui va arriver ailleurs. Trump en campagne a dégradé la démocratie américaine. A la Maison Blanche, il ferait plus encore, il la menacerait.

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