« Le plus minable de l’histoire »
Le deuxième débat présidentiel américain était déjà chaotique avant même de commencer. Le candidat républicain, Donald Trump, savait qu’on lui demanderait des comptes au sujet des enregistrements audio dans lesquels il se vante de ses agressions sexuelles.
Son adversaire, Hillary Clinton, savait qu’il en profiterait pour évoquer les multiples liaisons extraconjugales de son mari, l’ex-président Bill Clinton. Dans toute l’histoire moderne des Etats-unis, le sexe n’a jamais été aussi présent dans un débat présidentiel.
Dès l’instant où les deux candidats se sont retrouvés sur scène, le ton était donné. Ils se sont lancés des regards noirs et ont obstinément refusé de se serrer la main. Les choses n’ont fait qu’empirer, dans une chute vertigineuse ponctuée d’accusations: incapacité de l’adversaire à assumer la fonction présidentielle, menaces de poursuites judiciaires et condamnations diverses, au cours d’un débat public d’une heure quarante, le plus litigieux – et infantile – de toute l’histoire récente.
Donald Trump, qui faisait les cent pas sur l’estrade, tel un tigre orange vieillissant, a déclaré qu’hillary Clinton devrait être emprisonnée; il l’a traitée de menteuse, a accusé son mari d’avoir agressé sexuellement d’autres femmes, et Hillary Clinton elle-même d’avoir tenté d’intimider les victimes de ces agressions supposées pour les empêcher de parler.
La candidate démocrate, qui arborait un sourire forcé, a jugé que “Donald” était inapte à exercer la plus haute fonction du pays, estimant que sa profonde méconnaissance des dossiers représentait un grave danger. Elle l’a aussi traité de menteur congénital, de roi de l’évasion fiscale, de raciste et de tyran.
Le moment le plus inquiétant de la soirée est survenu lorsque Donald Trump a dit que Hillary Clinton s’était rendue coupable d’un crime en n’utilisant pas systématiquement un serveur sécurisé pour sa correspondance électronique quand elle était secrétaire d’etat, qu’elle devrait être emprisonnée et a juré de nommer, s’il était élu, un procureur indépendant pour enquêter sur ces agissements. Evidemment, comme il avait déjà décidé qu’elle devait être emprisonnée, on se demande bien en quoi un procureur indépendant était nécessaire.
Dans toute l’histoire des Etats-unis, un candidat à la présidentielle de l’un des deux principaux partis politiques n’avait jamais menacé d’emprisonner son adversaire. Ce genre de déclaration est d’ordinaire réservé aux dictatures, où les perdants aux élections se retrouvent souvent derrière les barreaux.
Le format de la soirée – un débat public – a permis à Donald Trump d’arpenter l’estrade, de rôder derrière Hillary Clinton quand elle répondait à une question, et de l’obliger à parler de ses emails et de ses maigres victoires législatives lorsqu’elle était sénatrice.
Il a fièrement admis qu’il avait effectivement bénéficié d’une déduction fiscale de 916 millions de dollars, mais a violemment reproché à son adversaire de n’avoir pas abrogé la loi qui lui avait permis de le faire. Quand une femme lui a demandé ce qu’il comptait faire pour rassurer la communauté musulmane, il a répondu sur un ton provocateur teinté de dédain que c’était à elle d’informer les forces de l’ordre si elle était au courant d’un projet de “terrorisme islamique radical”. Un rictus méprisant accompagnait sa réponse. Cette réplique agressive, fière de son caractère politiquement incorrect, était destinée à rassurer ses partisans les plus à droite... et à révolter tous les autres. Dans le même temps, le milliardaire a systématiquement démontré l’étendue de sa propre ignorance, dans les spécificités du programme qui était le sien, ou en matière de politique étrangère, un sujet auquel il affirme s’intéresser. Il soutient sans réserve Bachar el-assad en Syrie (et dit que son propre colistier, Mike Pence, candidat à la vice-présidence, a eu tort de ne pas suivre la même ligne), prétend ne “rien savoir” des agissements de la Russie” et mieux connaître le Moyen-orient que toutes les équipes du Pentagone réunies. Comme à son habitude, Hillary Clinton a récité de manière quelque peu laborieuse les détails de ses victoires politiques, notamment en matière de santé infantile, détaillé ce que les Etats-unis devraient et ne devraient pas faire en Syrie, et comment il faudrait réformer le système de sécurité sociale mis en place par Barack Obama.
Mais elle a aussi riposté aux attaques de son adversaire, l’accusant d’importer du métal de l’étranger pour ses projets immobilier, d’être très proche de Vladimir Poutine et des hackers russes (sans étayer ses dires), d’”encourager la violence” au cours de ses meetings et de propager les “mensonges racistes” sur la pseudo nationalité kenyane de Barack Obama.