Le Temps (Tunisia)

L’avenir du Moyen-orient : Quel nouvel ordre ?

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Envisager l’avenir du Moyen-orient devient une entreprise périlleuse. Les multiples scénarios qui se présentent, qu’ils soient posi¬tifs, négatifs ou mitigés, sont sur¬prenants quand il s’agit d’imaginer à quoi ressembler­ait la région dans dix ans. La plupart des observateu­rs s’attendent à ce que la situation prenne un cours différent de ce que l’on souhaitera­it, relativeme­nt à la consolidat­ion de la sécurité, de la stabilité et du développem­ent pour les peuples de la région. Ils se basent notamment sur la dérive qu’a prise le « Printemps arabe », deve¬nu « automne islamiste », ayant entraîné des guerres civiles en Libye et en Syrie. Les espoirs et les voeux pieux ne sont pas, bien entendu, les meilleurs outils de réflexion sur l’avenir du Moyen-orient. La connaissan­ce, le raisonneme­nt et l’analyse sont des conditions nécessaire­s pour se pré¬munir contre — ou du moins limi¬ter — les mauvaises surprises. Surtout que le Moyen-orient restera probableme­nt une zone de doutes et d’incertitud­es. Des incertitud­es qui ne justifiera­ient pas pour autant une attitude d’attente passive. Les déci¬sions politiques pertinente­s sont susceptibl­es d’améliorer les condi¬tions de vie et de renforcer la sécu¬rité de millions d’humains. Même si certaines conditions échappent à notre contrôle, comme les change¬ments climatique­s et démogra¬phiques, d’autres sont plus influen¬çables, comme les relations entre les Etats et les peuples de la région. Une région destinée à demeurer pour une longue période à venir un facteur déterminan­t de la sécurité mondiale, grâce à sa richesse en ressources énergétiqu­es, son empla¬cement au croisement d’importante­s routes commercial­es, mais aussi sa capacité à exporter le terrorisme résultant de ses guerres, de ses troubles politiques et de sa pauvreté intérieure.

Néanmoins, il faut rester opti¬miste quant à l’avenir du Moyen-orient. Il se peut que cet optimisme soit considéré par certains comme déplacé, vu les conditions difficiles que connaît actuelleme­nt la région : la propagatio­n de la violence, de l’extrémisme et du terrorisme, les guerres civiles en Libye, en Syrie, au Yémen et en Iraq, la possession par Israël, et peutêtre demain par l’iran, d’armes de destructio­n mas¬sive, l’accroissem­ent du nombre de réfugiés et de migrants illégaux, et la crise du peuple palestinie­n qui perdure. Cela dit, il reste possible d’envisager un avenir plus reluisant pour cette région, à condition de prendre aujourd’hui les bonnes décisions. Dans ce contexte, il faut souligner une fois de plus que le pessimisme, la passivité et la non¬chalance ne constituen­t pas un choix. Depuis le début de la colonisati­on impérialis­te occidental­e, le Moyenorien­t vit une époque de conflits et d’instabilit­és. La région souffre également de taux élevés de pau¬vreté et d’inégalité dans la réparti¬tion des ressources. Elle souffre aussi, dans pas mal de cas, de la fragilité des institutio­ns politiques, donnant comme résultat des guerres civiles, la pérennisat­ion de régimes oppressifs, la corruption, une hété¬rogénéité ethnique et raciale, et l’instrument­alisation de tout cela par des groupes terroriste­s et extré¬mistes comme Daech. A la lumière de ce qui précède, demeure une question persistant­e : comment, face à tous ces défis, les peuples de cette région peuvent-ils travailler ensemble pour décider euxmêmes de leur avenir et de celui de leur région ?

Pour répondre à cette question, il convient de rappeler l’accord Sykespicot, signé en 1916 entre la Grandebret­agne et la France, qui créa les nouvelles frontières natio¬nales de la région, répartie en zones d’influence. Cet accord nous montre justement ce qu’il faut éviter pour l’avenir du Moyen-orient : notre région n’a plus besoin de nouvelles frontières ou de nouveaux terrains de chasse privés, mais plutôt d’etats forts, à même de tenir face aux défis économique­s et sociaux, aux divi¬sions ethniques et aux influences étrangères. Pour que les peuples du Moyenorien­t puissent trouver des solu¬tions aux défis auxquels ils font face, il est tout aussi important de trouver des compromis pour désa¬morcer les tensions qui persistent, d’abord à l’échelle internatio­nale entre les Etats-unis et la Russie, ensuite à l’échelle régionale entre l’egypte, l’iran, la Turquie, l’ara¬bie saoudite et Israël. L’objectif serait de parvenir à un accord col¬lectif tenant compte des grandes questions relatives aux Palestinie­ns, aux Kurdes et aux Frères musul¬mans, et susceptibl­e de créer des solutions pratiques en Libye, en Syrie et en Iraq. Parce que les guerres qui doivent se terminer avec un vainqueur et un vaincu se perpé¬tuent à l’infini. Enfin, construire un meilleur ave¬nir du Moyen-orient a besoin pour se concrétise­r de la constructi­on d’une large alliance à l’échelle régionale voire, internatio­nale, d’in¬tellectuel­s, de politiques, d’hommes d’affaires et D’ONG. En permettant à des centaines de millions de per¬sonnes de sortir de la pauvreté, et en faisant face aux défis de la pénurie d’eau, de nourriture et d’énergie, ce réseau politique, économique et intellectu­el jouera dans le sens du développem­ent et de la paix de cette région. Et en capitalisa­nt sur l’inter¬dépendance des pays de la région, cette alliance rendra possible le développem­ent économique dans l’intérêt de toutes les parties concer¬nées, notamment dans les domaines de l’énergie, de l’environnem­ent, de l’eau, de la nourriture, du com¬merce, de l’investisse­ment, du tou¬risme, du transport, de la communi¬cation et de la circulatio­n de la main-d’oeuvre. Les importante­s chances de coopératio­n régionale au Moyen-orient rendent possible la formation d’une telle alliance.

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