Le calvaire d’un détenu palestinien raconté par son père
Farid Abu Dheir est professeur de journalisme à l'université « Ennajah » à Nabouls. Rencontré à Oslo en mars dernier dans le cadre d'une conférence internationale sur le terrorisme, l'homme porte en lui des valeurs de paix et de tolérance et affirme bannir toute forme de violence. Farid Abu Dheir est père de famille et depuis mai dernier, il vit un horrible cauchemar suite à l'emprisonnement de son fils Baraâ, âgé de 26 ans, par les forces d'occupation israéliennes. Meurtri dans sa chair depuis ce jour, son calvaire est double et pour cause ! En 2009, il a été luimême arrêté et sait précisément ce qu'endure un détenu palestinien dans les prisons israéliennes. C'est avec beaucoup d'amertume et de douleur qu'il raconte l'histoire de son fils.
Farid Abu Dheir est professeur de journalisme à l’université « Ennajah » à Nabouls. Rencontré à Oslo en mars dernier dans le cadre d’une conférence internationale sur le terrorisme, l’homme porte en lui des valeurs de paix et de tolérance et affirme bannir toute forme de violence. Farid Abu Dheir est père de famille et depuis mai dernier, il vit un horrible cauchemar suite à l’emprisonnement de son fils Baraâ, âgé de 26 ans, par les forces d’occupation israéliennes. Meurtri dans sa chair depuis ce jour, son calvaire est double et pour cause ! En 2009, il a été lui-même arrêté et sait précisément ce qu’endure un détenu palestinien dans les prisons israéliennes. C’est avec beaucoup d’amertume et de douleur qu’il raconte l’histoire de son fils.
Qui est Baraâ ?
Baraâ a 26 ans. Spécialisé en animation et graphisme 3D, il a obtenu son diplôme en sciences informatiques en 2014. Il a vainement essayé de décrocher un travail dans son domaine qui n’est malheureusement pas répandu et demandé en Palestine. Il a donc adressé des demandes de recrutement à l’étranger, notamment en Grande Bretagne, aux USA et en Turquie. C’est un jeune homme réservé et assez solitaire qui excelle dans son domaine et qui ne s’est jamais intéressé à la politique.
Racontez-nous les détails de son arrestation
En mai dernier, j’ai été invité à assister en Finlande à la célébration de la Journée internationale de la liberté de presse. J’ai donc dû transiter par la Turquie pour pouvoir effectuer ce voyage. A cette occasion, j’ai proposé à Baraâ de m’accompagner jusqu’en Turquie et de tenter d’y chercher un travail ou un stage dans une entreprise. Il a été accueilli par nos proches sur place mais hélas sa recherche s’est avérée être infructueuse. Je lui ai donc proposé d’envoyer des demandes d’inscription pour un diplôme de master dans des universités en Turquie et en Grande Bretagne. Celle de Bournemouth a accepté sa demande mais il devait passer un test de niveau de la langue anglaise en Palestine pour pouvoir compléter son dossier de candidature. Il a donc décidé de retourner au pays en passant par la frontière palestino-jordanienne. C’est là qu’il a été arrêté sans raison précise et que le calvaire a commencé !
Comment avez-vous appris la nouvelle de son arrestation ?
Durant tout le trajet du retour, il était continuellement en contact avec sa mère. Le 30 mai, vers 11h, il l’a informée que les Israéliens lui avaient confisqué son passeport. Il était joignable jusqu’aux alentours de 14h30 puis nous n’avons eu aucune nouvelle de lui jusqu’au soir où il nous a appelé pour nous avertir qu’il a été arrêté. Toujours via le téléphone, un agent nous a demandé de venir récupérer son ordinateur personnel et c’est effectivement ce que nous avons fait avec sa mère. Je ne peux décrire ce que j’ai ressenti en apprenant la terrible nouvelle. J’oscillais entre colère, tristesse et abattement car je sais que Baraâ ne pourra supporter longtemps l’emprisonnement et ses terribles conditions mais aussi parce que j’ai déjà vécu cette amère expérience et que je savais exactement ce qu’allait endurer mon fils.
Quels sont les motifs de son arrestation ? Baraâ est emprisonné depuis plus de 4 mois. A chaque audience, le juge ordonne la prolongation de son arrestation sans qu’il ne soit jugé ou condamné. Les charges retenues contre lui ne tiennent pas debout. Les colons lui reprochent en effet d’appartenir à un groupement estudiantin proche de la mouvance islamiste, d’avoir participé à une session d’apprentissage du Coran mais aussi d’être de connivence avec des individus rencontrés à l’étranger, appartenant à Hamas, dans le but de nuire à Israël. Des dizaines de milliers de Palestiniens rencontrent quotidiennement des membres de Hamas. Seront-ils tous emprisonnés de ce fait ? Il est clair qu’israël utilise ce faux argument pour imposer sa dictature et faire régner sa loi.
Avez-vous pu lui rendre visite depuis ? Il y a trois mois, nous avons déposé une demande de visite via le Croissant Rouge qui ne nous a pas été accordée jusqu’ici. Sa mère le rencontre lors des audiences pendant une minute ou deux mais c’est tout.
Par ailleurs, Baraâ est très frileux. Il a demandé à maintes reprises qu’on lui envoie des vêtements chauds. Nous avons essayé de les lui transmettre via la Croix Rouge ou encore via son avocat mais en vain ! Nous avons par la suite appris qu’il était possible de les lui remettre via l’épouse d’un détenu mais le 5 octobre, la dame a été empêchée de le faire par l’administration de la prison sous prétexte que le prisonnier n’avait pas adressé une demande pour recevoir des habits. Il n’existe actuellement aucun moyen au monde pour remettre des vêtements à mon fils sauf autorisation des autorités israéliennes.
Quel est son état actuellement ? Selon son avocat, Baraâ se porte bien physiquement mais il est très atteint psychologiquement. Il est toujours sous le choc de son arrestation. Lui qui ne vit que de sa passion pour le design 3D et qui ne s’est jamais intéressé à la politique ni pensé à devenir militant, a du mal à réaliser qu’il est emprisonné depuis des mois pour des faits dont il est totalement innocent.
Qu’est ce qui peut arriver de pire à un détenu dans les prisons israéliennes ? Dans les centres de détention comme celui de Petah Tikva, le détenu est placé dans une minuscule cellule individuelle dépourvue de fenêtres avec seulement une toilette turque et un robinet avec un très faible débit d’eau. Ses murs sont très épais et l’atmosphère y est très pesante. Il est complètement isolé du monde et n’a pas le droit de recevoir des livres ou des journaux. Les heures et les minutes y passent très lentement. Il reste dans cette cellule durant de longs jours voire de nombreuses semaines et n’en sort que menotté et les yeux bandés pour être interrogé. Les interrogatoires sont incontestablement la pire épreuve que subit un prisonnier avec son lot de menaces, de chantage et de pressions. Ces longues heures de torture psychologique sont épouvantables ! Les enquêteurs sont formés pour entretenir cette terreur et pousser le détenu à avouer des faits dont il est innocent. Sa détresse et sa solitude sont accentuées par l’interdiction de visites sauf celles des membres de la Croix Rouge ou encore celle, périodique, de son avocat. Ces visites sont toutefois placées sous haute surveillance et le prisonnier ne se sent pas en confiance pour parler de tout ce qui lui arrive à
Comment se déroule le quotidien d’un prisonnier palestinien dans les prisons israéliennes ?
Les prisonniers sont réveillés très tôt, parfois même avant 6h du matin, avec le grincement de la porte qui s’ouvre pour faire entrer la nourriture dans les cellules. Une heure plus tard, mêmes bruits avec le retour des agents venus récupérer les plats. Parfois la nourriture est de bonne qualité et d’autres fois non. A huit, certains détenus sont emmenés dans les salles d’interrogatoire et y restent bien souvent jusqu’après 17h. Ils sont attachés aux chaises par des chaines métalliques et c’est là que commence le calvaire. Ils sont généralement interrogés par deux enquêteurs, l’un qui prend le rôle de « méchant » et l’autre de « gentil ». Le premier crie, rudoie, insulte et menace. Le deuxième rassure, calme et conseille aux prisonniers d’avouer des délits qu’ils ont ou pas commis pour échapper à la colère de son collègue. Ce n’est là qu’un bref aperçu de ce qu’endurent les prisonniers palestiniens aux mains des israéliens.
Vous êtes un conférencier international et un professeur reconnu. Qui vous soutient dans cette épreuve ? Lorsque Baraâ a été incarcéré, j’ai lancé une campagne de soutien appelant à sa libération. Le message a été relayé par certains organismes humanitaires ou professionnels, notamment en Grande Bretagne, en Norvège et aux Etats Unis. Des journalistes ont écrit des articles à ce sujet. Certains de mes amis et connaissances ont même envoyé des requêtes pour la libération de mon fils aux ambassades israéliennes dans leurs pays respectifs ainsi qu’au gouvernement mais en vain ! De plus, pendant la période de l’aïd, j’ai été empêché par les autorités israéliennes de me rendre en Jordanie pour rendre visite à ma famille. Selon l’avocat de Baraâ, cette interdiction vient probablement suite à la campagne médiatique que j’ai lancée sur le web pour la libération de mon fils.
Propos recueillis par Rym BENAROUS