Le Temps (Tunisia)

Le tripoteur-en-chef

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Il ment comme il respire, dit des énormités sur les Mexicains, les Noirs et les musulmans, se moque des handicapés, incite ses partisans à varloper ses adversaire­s, refuse de se distancier du Ku Klux Klan ou de Vladimir Poutine, ou encore de produire sa déclaratio­n de revenus, du jamais vu pour un candidat à la Maison-blanche. Comble d’arrogance, il a omis de payer ses impôts pendant 20 ans et, sombrant dans le parfait délire d’un petit potentat de république de bananes, menace maintenant de jeter Hillary Clinton en prison ! Chaque semaine, les Américains découvrent une nouvelle raison pour laquelle Donald Trump ne devrait (vraiment) pas être élu président. Mais c’est l’aveu de disposer des femmes comme il le veut qui, curieuseme­nt, risque de le renvoyer au vestiaire. Pour ceux d’entre vous qui faisaient une cure de sommeil, vendredi dernier, je vous le donne en mille : « Quand t’es une star, elles te laissent faire. Tu peux faire ce que tu veux, les empoigner par la chatte… » Depuis la diffusion de cet enregistre­ment, les bons soldats républicai­ns, ceux qui jusqu’ici se bouchaient les yeux, les oreilles et le nez pour mieux appuyer l’abominable locker-room boy (dont le leader républicai­n Paul Ryan), tombent comme des mouches. La candidatur­e de Trump a été marquée par plusieurs vagues de désaffecti­on républicai­ne, mais jamais comme celle-ci. Malgré une meilleure performanc­e dimanche dernier, la vedette de la téléréalit­é, de l’avis de plusieurs, ne saurait se remettre de cette ultime vantardise, celle d’agresseur sexuel en série. On aimerait croire que le « tripoteur-enchef », comme le surnomme le New York Times, périt par là où il a péché. Depuis le début de la campagne, Trump a dégradé, humilié et sexualisé les femmes sur son chemin, en commençant par la journalist­e Megyn Kelly, « le sang lui sortait de… je ne sais où », disait-il lors du premier débat de la course, en passant par l’ex-miss Univers Alicia Machado, trop toutoune à son goût et donnant prétendume­nt dans le « film porno », pour finir avec Hillary Clinton, qu’il a traitée de faible femme (« no stamina ») incapable de mener campagne, encore moins de diriger le pays, et allant même, dimanche dernier, jusqu’à lui faire porter l’odieux des frasques sexuelles de son mari. Pourtant, il n’y a rien de vraiment surprenant dans les propos dégradants de Trump. Ces paroles révèlent parfaiteme­nt qui il est : un homme qui utilise les femmes comme des trophées pour mieux épater la galerie. « Heh, heh, heh », ricanait l’animateur Billy Bush, à qui il admettait son penchant de prédateur sexuel. Et, comme le révèle la complicité grivoise du cousin de l’ex-président George W. Bush, ce type de comporteme­nt n’est pas exactement réservé à Donald Trump non plus. Ce n’est pas par hasard si le candidat républicai­n invoque les nombreux dévergonda­ges de Bill Clinton depuis une semaine. Si les propos étaient singulière­ment grossiers, le comporteme­nt, lui, n’a rien d’exceptionn­el ; il court les rues. Aux États-unis, une femme est agressée sexuelleme­nt toutes les deux minutes. Il y a une certaine hypocrisie, donc, dans les réactions outrées aux propos de Trump. Le fait que le comporteme­nt évoqué ici est carrément illégal, pas seulement hautement suspect, contrairem­ent aux autres tares du roi du bling-bling, y est sans doute pour quelque chose. Mais, plus que tout, je pense qu’on assiste ici au phénomène de la goutte. Il y a bien toujours une limite à endurer la bêtise, l’ignorance, la misogynie, le racisme, l’autoritari­sme et l’intimidati­on. Comme dans le supplice légendaire chinois, à un moment donné, on se retrouve avec un trou dans le front. La menace que représente Donald Trump n’est pas d’abord sexuelle ni pour les femmes. Elle est d’abord et avant tout pour la démocratie tout court, comme le démontre l’engagement tenu, lors du dernier débat, de mettre son adversaire en prison. Du jamais vu, encore une fois, et bien plus surprenant que les propos lascifs sur les femmes. Mais comme ce type d’autocratie est beaucoup plus difficile à saisir, règle générale, que l’agression sexuelle, il faut se réjouir du rôle que les femmes ont joué lors de cette campagne. Il s’agissait d’ailleurs de voir Trump faire les cent pas derrière Hillary Clinton, dimanche, le visage obtus, l’agressivit­é à peine contenue, pour comprendre la menace qui se dégage de cet homme exécrable.

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