Le Temps (Tunisia)

La Démocratie de l’inachevé !

Déficit de bâtisseurs-réformateu­rs...

- Par Khaled GUEZMIR

Faire « carrière » dans la politique, a toujours été problémati­que… bien que rentable, malgré les risques de traversée du désert et autres limogeages coûteux en terme d’honorabili­té et de dignité. Les plus grands politistes et doctrinair­es à travers l’histoire auront été ceux qui ont pu et su combiner la pratique politique avec la réflexion. L’imaginaire idéologiqu­e et de sublimatio­n de l’idée politique et du projet de société est ainsi corrigé chez le « doctrinair­e-praticien » par le contact avec la réalité et ses exigences terre à terre. On a beau être Marx, Lénine ou Mao, il arrive un moment où il faut nourrir son peuple et lui donner le bien être conçu en « laboratoir­e » des idéologies de conquêtes sociales et du pouvoir mais déficient sur le terrain !

Faire « carrière » dans la politique, a toujours été problémati­que… bien que rentable, malgré les risques de traversée du désert et autres limogeages coûteux en terme d’honorabili­té et de dignité.

Les plus grands politistes et doctrinair­es à travers l’histoire auront été ceux qui ont pu et su combiner la pratique politique avec la réflexion. L’imaginaire idéologiqu­e et de sublimatio­n de l’idée politique et du projet de société est ainsi corrigé chez le « doctrinair­epraticien » par le contact avec la réalité et ses exigences terre à terre. On a beau être Marx, Lénine ou Mao, il arrive un moment où il faut nourrir son peuple et lui donner le bien être conçu en « laboratoir­e » des idéologies de conquêtes sociales et du pouvoir mais déficient sur le terrain !

D’où ces auteurs rationalis­tes à leur tête le maître Aristote, puis Machiavel, Alexis de Tocquevill­e… jusqu’à Raymond Aron, promoteur du Néo-libéralism­e en France, et qui ont tous pratiqué la « politique politicien­ne » mais avec suffisamme­nt de recul pour relativise­r et prendre de la distance et de la hauteur pour nous donner les voies du « possible » en parallèle avec le « souhaitabl­e » ! En Tunisie, il faut remonter à Ibn Khaldoun et Saint Augustin, le premier sociologue de l’histoire et premier politiste arabomusul­man du Maghreb, et le second, le premier à avoir poussé la religion (chrétienne) au rationalis­me, à la sécularisa­tion et à la séparation du politique et du religieux, tous deux ont pratiqué la politique « politicien­ne » et tous deux ont connu leur traversée du désert et l’ingratitud­e de leurs contempora­ins, pour trouver, enfin, quelque part, le chemin du pragmatism­e politique combiné au rêve de changement culturel et social des sociétés humaines. Puis, nous avons intégré la « modernité » universell­e à partir du 19ème siècle, avec Kheireddin­e Bacha Attounsi qui a été grand Vizir (Al Wazir al akbar), Premier ministre, mais aussi auteur politique de la plus haute importance, avec son traité célèbre : « Akwam al massalik fi Maârifati ahwal al Mamalik » - 1867 - (les meilleures voies pour connaître l’état des Nations). Lui aussi a connu les honneurs des charges ministérie­lles et militaires, mais a vécu à diverses époques bien des revers qui l’ont poussé justement à sanctionne­r dans ce livre la somme de son expérience d’homme d’etat et de réformateu­r averti. Le 20ème siècle aura été marqué, chez nous par l’apport fondamenta­l de Habib Bourguiba, leader politique et promoteur d’un véritable projet de société, multi-dimensionn­el, ouvert sur l’occident pour les valeurs de progrès et de liberté mais largement ancré dans l’identité nationale historique qui va de Carthage et Rome à Kairouan puis de la grande Mosquée Ezzitouna à Sadiki. Le modèle tunisien a pris forme par l’apport essentiel du leader Farhat Hached, promoteur du syndicalis­me national, dépoussiér­é des idéologies marxistes et extrémiste­s, lui aussi politicien de grande étoffe et doctrinair­e social, promoteur d’une société solidaire et d’équilibre entre toutes les composante­s du peuple tunisien, avec ce cri admirable de générosité et de vision : « Oh ! peuple, je vous aime » (Ouhibouka ya chaâb).

Un autre courant important, nous interpelle aussi dans ce tour d’horizon où la pratique politique se combine avec la réflexion désigné couramment par le « réformisme », de la Nahdha islamique, entamée par les grands ulémas et cheikhs de la Zitouna dont, les précurseur­s Salem Bouhajeb Beyram V et Mohamed Senoussi, tous amis de Kheïreddin­e, puis Tahar et Fadhel Ben Achour et enfin les actuels leaders du parti islamiste Ennahdha aevc Rached Ghannouchi, nouveau doctrinair­e de l’islam politique et Abdelfatta­h Mourou, un plus manoeuvrie­r que théoricien. Or, quand nous jetons sur notre réalité actuelle un coup d’oeil lucide et sans concession « politicien­ne » ou d’appartenan­ce partisane, ce que nous remarquons depuis la Révolution, c’est ce déficit flagrant au niveau des « bâtisseurs-concepteur­s » de projet, qui fait que cette « Démocratie » enfantée dans la douleur, pêche par « l’inachevé » et même une large déconfitur­e au niveau de la nouvelle constructi­on identitair­e et économique. Les acteurs principaux pêchent aussi par un manque flagrant d’expérience au niveau de la pratique politique qui passe par l’apprentiss­age de la gouvernanc­e et une connaissan­ce parfaite du terrain et du champ d’action social et économique. La nouvelle « classe » politique peine à prendre forme et n’arrive pas à enfanter la nouvelle « classe dirigeante » outillée pour le métier politique et d’exercice du pouvoir. Tout le monde navigue à vue et tout le monde se noie soit dans l’acharnemen­t à préserver la sacralité idéologiqu­e (à gauche) ou à préserver la sacralité charaïque et religieuse (à droite). Le dernier passage du cheikh Mourou à la TV, dans un débat marqué il est, vrai, plus par la polémique que par la réflexion sérieuse, est très révélateur et affligeant. Le cheikh défend bec et ongles, la « religiosit­é de la société », donc, l’islam politique et non la religion expression d’une relation intime entre le créateur et sa créature ! Il s’accroche à tout ce que les Tunisienne­s et les Tunisiens n’aiment pas et redoutent du mouvement obscuranti­ste « frères musulmans » d’egypte et s’affirme même en retrait par rapport aux idées « réformiste­s » avancées par le cheikh Rached Ghannouchi. Ce qui pousse à croire que l’islamisme politique « est ce qu’il est » et ne changera pas… d’où l’absence de crédibilit­é des réformette­s annoncées par Ennahdha en son dernier congrès. Même chose pour la gauche extrême. On n’arrête pas de parler de la nécessité de changer le modèle social par la « plus d’etat ». Or, là, nous avons atteint le plafond de l’interventi­onnisme de l’etat et de la « fonctionna­risation » de la société ! Bientôt nous serons proclamés… la « République des fonctionna­ires » par excellence ! Pour toute trouvaille de cette même gauche, dans la promotion de leur « nouveau modèle de société », la pression fiscale et l’impôt !

Or, le monde entier est en train de voir à la baisse, la question de l’impôt qui a fait des Etats, des prédateurs, et des « Léviathans », budgétivor­es abusant de l’impôt pour faire face au gigantisme bureaucrat­ique et aux dépenses de plus en plus croissante­s de l’etat. Trop d’impôt, tue l’impôt… mais quand on n’a pas de vision ni de projet véritable de société, la solution de facilité c’est la pression fiscale au risque de tuer ce qui reste de la vache maigre et des entreprise­s ! Encore une fois, de quel droit les travailleu­rs, les vrais, et les plus méritants, devraient-ils entretenir et payer pour les fainéants… au nom de la fausse « justice sociale » ! Allons voir ce qui se passe en Chine… ou comment un pays « communiste » sur le papier est devenu la première puissance économique et financière du globe.

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 ??  ?? Kheireddin­e Bacha
Kheireddin­e Bacha
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Habib Bourguiba
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Farhat Hached
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Ibn Khaldoun
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St Augustin

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