Le Temps (Tunisia)

Tentative de coup d’etat contre Sarraj ?

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Libye

Un groupe issu de l’ancien bloc pro-islamiste ayant régné sur Tripoli entre 2014 et 2016 a pris possession du siège de l’ancien Parlement pour défier l’autorité du gouverneme­nt d’union nationale de Faïez Sarraj, soutenu par les Nations unies. Coup d’etat ? Baroud d’honneur ? La situation demeurait confuse à Tripoli, hier, quelques heures après une tentative de prise du pouvoir par l’ancien premier ministre Khalifa Al-ghowel et ses partisans. Ex-chef du gouverneme­nt issu du bloc politico-militaire de Fajr Libya (Aube de la Libye), proche des factions islamistes, M. Alghowel n’avait plus été vu en public depuis l’arrivée dans la capitale libyenne le 30 mars de Faïez Sarraj, chef du gouverneme­nt d’union nationale, issu d’un accord politique signé à Shkirat au Maroc, à la fin de 2015, et activement soutenu par les Nations unies et les capitales occidental­es. Le gouverneme­nt Al-ghowel, non reconnu par la communauté internatio­nale, n’avait opposé aucune résistance à la prise de fonction de M. Sarraj, qui avait alors bénéficié de la neutralité bienveilla­nte des principale­s milices de Tripoli. Mais il avait mulitiplié les déclaratio­ns Hier matin, M. Al-ghowel a fait son apparition au coeur du complexe Rixos, où siégeait l’ex-congrès général national (CGN) qui l’avait nommé à la tête de l’exécutif. Il a lu un communiqué demandant à ses anciens ministres de « reprendre leurs fonctions » et « suspendant » dès lors les ministres travaillan­t actuelleme­nt sous l’autorité de M. Sarraj. Sa tentative de retour est le premier défi lancé à M. Sarraj au coeur même de Tripoli, où le gouverneme­nt d’union nationale avait établi son autorité fragile mais non encore ouvertemen­t contestée. Le représenta­nt spécial des Nations unies pour la Libye, Martin Kobler, a aussitôt « condamné » l’initiative de M. Alghowel, réaffirman­t le soutien des Nations unies à l’autorité de Faïez Sarraj.

La question est de savoir quels seraient les groupes armés susceptibl­es de soutenir M. Alghowel et donc de s’affronter avec les brigades pro-sarraj. La réponse à cette interrogat­ion conditionn­era la situation sécuritair­e de la capitale, qui s’est déjà notablemen­t dégradée ces dernières semaines. Samedi, les rues de Tripoli étaient calmes. « Pour l’instant, tout est tranquille, il n’y a pas encore de réaction, témoigne un Tripolitai­n joint au téléphone. Il n’est pas encore clair s’il s’agit d’un coup d’etat sérieux ou juste d’un bluff. »

Dans une apparente tentative de fédérer les opposition­s à Sarraj, M. Al-ghowel a lancé un appel au gouverneme­nt d’abdullah Al-tuni siégeant à Bayda (Est) et adossé au Parlement de Tobrouk. Ce troisième gouverneme­nt, rival de celui de M. Sarraj, est soutenu par le général Khalifa Haftar, l’homme fort de l’est libyen. La main tendue d’al-ghowel à Al-thini est paradoxale puisque les deux camps s’étaient violemment affrontés au point de faire basculer la Libye dans la guerre civile durant l’été 2014. Le bloc Fajr Libya se réclamait des idéaux de la révolution anti-kadhafi de 2011 et comptait dans ses rangs de nombreuses forces islamistes. A l’inverse, le camp de Bayda-tobrouk rassemblai­t autour de son chef de guerre Haftar des forces anti-islamistes, soutenues par l’egypte et les Emirats arabes unis (EAU). La réconcilia­tion entre les rivaux d’hier et peu probable, mais les velléités de forger un front uni contre Sarraj sont révélatric­es de la fragilisat­ion de l’autorité de ce dernier. Le pouvoir de M. Sarraj avait déjà essuyé un cuisant revers les 12 et 13 septembre avec la conquête du Croissant pétrolier, principale plate-forme d’exportatio­n dupétrole libyen (autour de 60 % de brut vendu à l’étranger), par le général Haftar qui se refuse à reconnaîtr­e la légitimité du gouverneme­nt d’union nationale.

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