Quand l’islam se fâche !
« Daech, c’est l’islam en colère ». Cette affirmation, a priori surprenante, venant du cheikh Rached Ghannouchi chef du parti religieux ‘Ennahdha’ n’étonne guère, elle est toutefois révélatrice de son idiosyncrasie.
Nous avons affaire, avec lui, à un fondamentaliste pur et dur, qui peine à se montrer, selon les opportunités, un tant soi peu modéré. Mais en réalité il n’est pas capable de s’écarter d’un certain dogme. Il en est à trouver quelques circonstances atténuantes aux méfaits et coups bas des salauds extrémistes de ce groupe de déviants sanguinaires dit ‘Daech,’ dont la tactique se résume dans l’usage systématique du meurtre, de l’homicide intentionnel à grande échelle.
Il faut savoir que la doctrine régissant la tactique de Daech est tirée de l’écrit d’un certain Abou Bakr Naji ‘djihadiste’ égyptien au service d’al-qaïda. Cet écrit s’intitule « De la gestion de la sauvagerie: l’étape la plus critique que franchira la communauté des croyants ». Considéré comme le ‘Mein Kampf’ des terroristes, il est conçu comme un plan stratégique d’action, montre comment créer un « Etat islamique ». Abou Bakr Naji préconise une première phase, celle de la « démoralisation ». Il conseille aux ‘djihadistes’ de s’infiltrer et de s’implanter dans des lieux stratégiques, d’y constituer un sanctuaire, de harceler les régimes en place et d’organiser des actions spectaculaires jusqu’à la chute de ces régimes.
Cette stratégie vise à instaurer un climat de violence et de ressentiment religieux afin de créer un climat propice au recrutement des terroriste et autres kamikazes. On doit alors passer à la seconde étape qui va immanquablement déboucher sur un chaos généralisé. Il y aura alors une sorte de guerre « de tous contre tous », ce qui nous rappelle les termes du philosophe Thomas Hobbes. une deuxième phase Abou Bakr Naji rend « licite » le massacre, l’enlèvement, la décapitation, la crucifixion, le bûcher, le viol, la lapidation. ‘Daech’ est allé jusqu’à la cannibalisation et l’esclavage sexuel des femmes dans la mise en oeuvre des théories de ce Naji. Rached Ghannouchi y trouve quant à lui un « Islam en colère », ce faisant il participe à une légitimation idéologique du terrorisme. Mais de quel Islam s’agit-il ? Quand l’islam se met en colère doit-il se renier, se muer en une machine de malheur et de destruction ? Nihilisme absolu! Quels rapports ces nervis de ‘Daech’ peuvent-ils avoir avec l’islam alors qu’ils sont incultes, ignorants ; 99 /100 d’entre eux n’ont pas lu le Coran. Le journal le Monde rapporte, selon L’AFP, une déclaration d’un apprenti ‘djihadiste’ à un policier français : « Le Coran moi, je m’en tape. Ce qui m’intéresse, c’est le djihad. » Est-ce cela l’islam en colère ?
Face à tous les détournements à des fins extrémistes, il y a une autre voie qui consiste à interpréter le Coran avec les outils de la raison, de rappeler que l’islam c’est une culture, une civilisation. La Renaissance européenne fut d’abord l’oeuvre de savants, poètes, philosophes musulmans tels que les Farabi,al-maarri, al-kindi, Tawhidi, Ibn Rochd, Ibn Sinâ (Avicenne), etc. Loin d’une lecture figée du Coran, Jacques Berque nous remet à l’esprit ce verset : « Lance donc le Rappel : tu n’es là que celui qui rappelle, tu n’es pas pour eux celui qui régit » (Fa dhakkir innamâ anta mudhakkirun/ lasta aleyhim bimusaytirin). En d’autres termes tu n’es pas venu pour établir sur eux une autorité, tu es venu pour leur déployer un rappel ; tu es venu pour répandre un discours religieux et non pas un discours de gouvernement. « Mais allons plus loin, poursuit J. Berque. D’une façon générale l’islam authentique auquel recourent, par définition, tous ces mouvements, se défendait d’être théocratique. Je crois que personne pas plus sunnite que chiite n’admet que l’islam à Médine (c’est-à-dire le seul auquel un musulman puisse dogmatiquement se référer) fût théocratique. Le Prophète prenait certes à Médine des mesures de direction de l’etat à savoir en termes techniques ‘al-tarâtîb al Idâriyya’, titre d’un ouvrage érudit de cheikh Abd al-hayy al kittani, un ouvrage de hadîth devenu très rare (précise toujours Berque). L’ouvrage montre, par une argumentation scripturaire sans risque, que les mesures prises par le Prophète en tant que directeur de la communauté étaient bien des mesures inspirées au moment où elles étaient prises, mais non pas révélées. Elles procédaient donc d’une source non pas divine mais bien humaine. ». Dans son essai ‘L’exception Islamique’, Hamadi Redissi nous rappelle que « Le Coran contient entre 124 et 144 versets qui appellent à la tolérance, au droit à la différence religieuse, à la patience dans l’adversité, à la discussion polémique de bon aloi. Comme tout monothéisme, il valorise la paix (silm ou salâm) qu’il assimile à la sécurité, au Salut et parfois, dans une sorte de forclusion du religieux, à l’islam lui-même par dérivation sémantique de la racine même ». Nous sommes loin du délire mortifère d’un soi-disant « Islam en colère ». On est en droit de se poser la question: quels rapports un groupe de nervis fous furieux peuvent-ils avoir avec l’islam, même « en colère »? A moins de mettre sur le compte de cet Islam fâché (un euphémisme bien évidemment), toutes les formes régressives de barbarie nihiliste qui se couvrent d’oripeaux soi-disant religieux. ‘Daech’ n’a absolument rien à voir avec l’islam, point à la ligne. Cette secte occupe un espace de la violence qui dépasse l’entendement. L’espace du crime à l’état pur. Quel lien avec l’islam ? Reste le cas Ghannouchi, contrairement à ce que pensent ses affidés, il n’est pas aussi savant qu’ils semblent le croire. Ce qui, d’ailleurs, ne manque pas d’inquiéter, sachant que ‘Daech’ est la négation même de l’islam !