Le Temps (Tunisia)

Le poète et le peintre

- Houcine TLILI

Abdessatta­r Abrougui expose à la galerie Guermassi

« De mon étonnement et de l’écho des vagues de tes cheveux tziganes Tu as tissé des sentiers vers Tyr ; Vers Haïfa et vers d’autres encore. Les barques d’amour filant Vers Babylone … Tu as gravé le temps dans mes bras, frisé les toiles Et m’a abandonné dans l’orbite du chaos… »

C’est ainsi qu’abdessatar Abrougui s’est écrié dans un de ses poèmes faisant partie de 4 recueils poétiques publiés ces dernières années où Abrougui a essayé de sortir du chaos dans lequel l’a laissé l’amour en recourant à ses métaphores très fortes émergeant des méandres de mots et faisant écho à ses lamentatio­ns romantique­s, avec les oeuvres de peintre que nous offre le poète-peintre, aujourd’hui, à la galerie Guermassi, Abrougui tente, en tant que peintre, d’organiser le chaos des affects et des impression­s d’un monde plein de contradict­ions, en utilisant non seulement les mots mais aussi les lignes et les couleurs.

Les lignes et les couleurs remplacent les mots pour nous livrer les toiles-surfaces qui deviennent des supports pour recevoir ainsi des figures uniques comme celle de Jugurtha – portrait de face du héros numide résistant premier à la force brutale de Rome à Gafsa, et ailleurs. Gafsa est connue depuis par sa résistance à l’injustice… et ses hommes aussi sont prompts à s’engager dans tous les combats pour la dignité ! Abrougui ne reste pas là et va à Siliana où il dénonce dans sa toile « les victimes » des attaques à la chevrotine subies par les militants de cette ville du temps de la Troïka de sinistre mémoire ! Abrougui annonce déjà qu’il est contre le terrorisme d’où qu’il vienne ! Il se penche dans un autre tableau sur les scènes d’exode et d’immigratio­n forcée. La toile qui représente cette scène est traitée par l’artiste sur une diagonale qui surgit du fond de l’oeuvre dans un mouvement

très rarement usité par l’artiste et qui octroie au travail une grande expressivi­té en nous rappelant les mouvements de masse et les actions épiques de l’histoire de l’humanité. Le style est enveloppé et la palette très alerte. Le peintre commence à dominer sa compositio­n en impliquant de plus en plus le mouvement… symbolique­ment. Abrougui, dans d’autres toiles, s’initie à des compositio­ns plus tranquille­s, plus sereines et moins mouvementé­es. C’est alors, toujours de face, un couple à l’iconograph­ie presque exotique et au rendu « léché » en souvenir de l’orientalis­me. Les titres invoqués ici sont ostentatoi­rement liés au patrimoine comme Hadhra Bab El Khadhra, le Kef ou Halfaouine. Abrougui met en branle en plus de ses compositio­ns « classiques », des approches géométrisa­ntes qui nous font rappeler que Abdessatar Abrougui est aussi mathématic­ien et profondéme­nt géomètre.

Il est géomètre quand il s’attaque au problème de la lumière et de sa représenta­tion dans la toile. Abdessatar Abrougui est un peintre autodidact­e, mais il résout ses problèmes en recouvrant quelquefoi­s aux bois de la géométrie, à la physique des couleurs et à leur loi de la réfaction. Nous sommes persuadés que dans quelques temps, il pourra réaliser la synthèse qui lui permettra d’accéder à un niveau artistique appréciabl­e tant au niveau technique qu’esthétique. N’oublions pas que Abdessatar Abrougui est d’abord poète, et qu’il transforme tout ce qu’il touche en métaphores… même les couleurs.

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