Le Temps (Tunisia)

Une Instance spécialisé­e et non de droit commun

- Ahmed NEMLAGHI

Héritage de l’ère coloniale, le tribunal militaire permanent qui était à l’époque une instance judiciaire d’exception, a été réglementé à l’aube de l’indépendan­ce, en vertu du décret du 10 janvier 1957, quant à sa compétence, qui sera désormais limitée aux infraction­s commises par des militaires suivant les règles du code des procédures et des peines militaires.

Or, en vertu de ce code, tout litige à caractère pénal, entre un militaire et un civil, est du seul ressort du tribunal militaire. C’est donc le demandeur civil qui est obligé de comparaîtr­e devant ledit tribunal, tant en demandant qu’en défendant. C’est que ce tribunal a longtemps servi durant l’ère coloniale à juger des militants, dont certains ont été condamnés à la peine capitale, et passés devant le peloton d’exécution. Il en va de même à l’aube de l’indépendan­ce, lors du complot de 1962, qui a été déjoué et dont plusieurs membres ont été condamnés à la peine capitale par le même tribunal.

Désormais, en vertu de la Constituti­on de 2014, le tribunal militaire est compétent uniquement dans les délits strictemen­t militaire, tels que la désertion, ou l’insubordin­ation, ou tout autre délit à caractère militaire. La poursuite d’un civil devant le tribunal militaire constitue une atteinte à la Constituti­on.

Toutefois, le tribunal militaire, a continué à juger les délits de droit commun, même après la promulgati­on de la nouvelle Constituti­on. Plusieurs procès de blogueurs ou autres ont eu lieu devant le tribunal militaire, après leur inculpatio­n de délits qui ne caractéris­ent aucunement les faits qu’ils ont commis, tels que le délit de diffamatio­n ou d’atteinte à la dignité de l’etat après avoir exprimé leurs opinions.

Initiative des députés de L’ARP C’est la raison pour laquelle, une vingtaine de députés ont déposé, dernièreme­nt, propositio­n d’amendement concernant l’article 91 du Code de procédure militaire en vertu duquel, le Tribunal militaire est en mesure de juger un civil.

Il est stipulé dans cet article que « quiconque, militaire ou civil, en un lieu public et par la parole, gestes, écrits, dessins, reproducti­on photograph­iques ou à la main et films, se rend coupable d’outrages au drapeau ou à l’armée, d’atteinte à la dignité, à la renommée, au moral de l’armée, d’actes de nature à affaiblir, dans l’armée, la discipline militaire, l’obéissance et le respect dus aux supérieurs ou de critiques sur l’action du commandeme­nt supérieur ou des responsabl­es de l’armée portant atteinte à leur dignité, sera puni de 3 mois à 3 ans d’emprisonne­ment ». L’amendement aura pour but, sa conformité avec la Constituti­on.

En vertu de cette dernière, le tribunal militaire ne sera plus qu’un tribunal spécialisé, à l’instar du tribunal de commerce ou du conseil des prud’hommes. Jadis, il était un tribunal d’exception pour connaître notamment des affaires où il n’y avait aucune garantie d’un procès équitable.

Toute la procédure est à revoir à ce titre afin qu’un militaire puisse également être jugé devant les tribunaux de droit commun surtout dans des affaires où la victime n’appartient pas au corps militaire, tel que dans les affaires de réparation des dommages survenus suite aux accidents de la circulatio­n et où seul le code pénal est applicable et non le code militaire.

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