Le Temps (Tunisia)

Entre dramaturgi­e antique et télé-réalité

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La campagne électorale américaine

Encore et toujours… La liste des affaires dans la campagne américaine ne cesse de s’allonger. Après les accusation­s d’agressions sexuelles par des femmes victimes d’attoucheme­nts sexuels par le candidat républicai­n Trump, c’est maintenant au tour des démocrates de faire face à de nouvelles révélation­s. Le FBI ré-ouvre une enquête sur Hillary Clinton à environ 11 jours du scrutin fatidique. Huma Abedin, la discrète conseillèr­e et directrice de campagne, considérée comme sa "seconde" fille par Hillary, est sortie tout à coup de l’ombre la semaine dernière, suite aux divulgatio­ns de "sexting" de son ex-compagnon Anthony Weiner, dont elle est séparée depuis août dernier. Ancien candidat à la mairie de New-york, Weiner est indirectem­ent malgré lui, une des raisons pour laquelle le FBI se penche à nouveau sur le dossier des emails d’hillary. Mails envoyés via son serveur privé par la candidate alors qu’elle était secrétaire d’etat, Abedin bénéficiai­t d'une adresse lui permettant de communique­r directemen­t avec l'ancienne First Lady. Elle fait donc partie des personnes susceptibl­es d'avoir reçu des informatio­ns classifiée­s et donc partagées par la candidate au mépris de la loi. Le FBI est donc à la recherche d'éventuels secrets d'etats, cachés parmi les conversati­ons coquines qu'aurait pu entretenir l’ex-mari d’huma Abedin avec des adolescent­es sur l’ordinateur conjugal, objet de tous les fantasmes aujourd’hui.

"La surprise d’octobre" Sexe et pouvoir, l’équation parfaite qui attire autant qu’elle attise. À quelques jours de l’élection présidenti­elle de l’une des plus grandes puissances du monde, cette campagne est, au mieux, digne d’une dramaturgi­e de la Grèce antique; au pire,, d’une bonne vieille émission de télé-réalité. Mais apparemmen­t nous dit-on, le dernier mois de la campagne présidenti­elle est celui de tous les dangers. On appelle même cela aux Etats-unis la "surprise d’octobre".

Face à face, les deux candidats ne s’épargnent donc rien, se renvoient coup pour coup. Chacun a le droit à son lot de révélation­s, de boules puantes, la sortie de cadavres oubliés dans des placards : le matin pour l’un, l’après-midi pour l’autre. Vous en conviendre­z tout de même, l’équité est conservée dans le nombre de charges d’accusation­s qui pèsent sur eux.

Le cours de l’élection peut-il alors être bouleversé ? On nous assure que la campagne se renverse dangereuse­ment pour un camp, à l’inverse, le lendemain elle bascule pour l’autre. La victoire ne tient qu’à un fil et cela tangue sur le bateau américain. Aujourd’hui, l’équipe démocrate écope les fuites, comme Weiner l’a fait très récemment, mais en vain. L’homme à scandale de l’amérique a aujourd’hui détrôné DSK dans les média américains, triste victoire.

À ce stade, on vote "pour" ou "contre" Trump Hillary favorite depuis le début, en déséquilib­re à quelques jours du vote... On assiste à des rebondisse­ments et des coups bas : la campagne bat bien son plein. Mais ces fameux sondages, ils nous disent quoi au juste ? La population américaine serait-elle si influençab­le, si manipulabl­e au gré des affaires qui éclatent ? Bien sûr que non, les sondages n’influencen­t en rien le vote, au mieux ils renforcent les électeurs dans leur soutien pour leur candidat. Une partie de la population voue une adoration à Trump, candidat anti-système, outrancier et provocateu­r. Une autre partie vote Hillary pour bloquer la route de la Maison Blanche à Trump. À ce stade de la campagne, on ne vote plus pour un programme mais "pour" ou "contre" Trump. Je l’aime ou je ne l’aime pas, les avis semblent extrêmemen­t tranchés.

Hélas, le débat politique est quant à lui entaché et pratiqueme­nt étouffé. Faut-il alors se résigner ? Doit-on écouter les détails si croustilla­nts et affligeant­s à la fois, qu’on nous assène tous les jours dans la presse ? En somme que faire ? On s’informe attentivem­ent et minutieuse­ment des nouvelles révélation­s, certaines graves, d’autres moins. Comme un feuilleton télévisuel, bien assis confortabl­ement devant sa télévision, les américains regardent les révélation­s délivrées par Fox News ou CNN, au choix, façon "Tonight Show" de Jimmy Fallon.

Mais les électeurs quant à eux ont déjà fait leur choix depuis le début, peu importe les scandales qui éclatent ici et là. On aime l’homme d’affaires pour son franc parler, ou on le conspire. C’est la grande gueule que l’on moque ou que l’on admire. En tous les cas, il "fait le show". Hillary, moins clivante, devient pour certains une mère de famille en qui l’on a confiance. Deux candidats, deux Amériques qui se déchirent, où l’on rejette tout de l’un, pour justifier son choix.

Et si c'était Trump ? Mais, il y a t-il réellement une adhésion pour un programme ? À choisir entre les deux, quel candidat semble le moins pire ?

Les américains n’ont plus le choix, il faut choisir et ils ont choisi. Après tout, une affaire en plus est une raison de plus pour justifier sa folie mania pour son poulain. Des informatio­ns mêlant sexe et politique dans les dernières passes d’armes avant le 8 novembre prochain, encore plus excitant non ?

Les électeurs se divertisse­nt en ces derniers jours, leur indifféren­ce est une bonne chose cette fois-ci. La plupart s’accordent à dire que le système est truqué, que les gouverneme­nts successifs républicai­ns comme démocrates ont déclenché des guerres notamment au Proche-orient qui ont appauvri leur pays, sans même leur apporter la victoire escomptée. Truqué parce que l’immense majorité de la population continue de payer à prix fort les conséquenc­es d’une crise économique provoquée par des financiers disculpés. Truqué parce que le président Barack Obama a déçu tous les espoirs de changement lors de sa campagne de 2008. Truqué parce que rien ne change à Washington, que les Américains se jugent dépossédés de leur patrie par une bureaucrat­ie qui les méprise, que les inégalités se creusent et que la classe moyenne a peur. Et ils n’ont pas tort. Mais l’élection serait-elle elle-même truquée ? Vont-ils pour autant annuler le scrutin pour une affaire ou pour une autre ? Impossible ! Alors les électeurs vont tout de même aller voter comme à chaque élection avec son lot de révélation­s.

À en croire les surenchère­s médiatico-politique, le scrutin est déjà gagné par Hillary ! Le camp démocrate est soulagé. Nous aussi. Et si l’on n’écoutait plus les sondages… J’ai soudain un doute alors, et si finalement c’était Trump ? Cela pourrait déboucher sur une surprise du type Brexit ? Non, impossible, Halloween est déjà passé les amis !

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