Le Temps (Tunisia)

A quel jeu joue la Turquie au Moyen-orient ?

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En Irak comme en Syrie, Ankara cherche à se poser en champion des Arabes sunnites. Son objectif est double : contrebala­ncer l’influence iranienne et contrer les Kurdes. En dépit des tentatives de conciliati­on américaine­s, Ankara s’est heurté fin octobre au refus déterminé du gouverneme­nt irakien, engagé dans la reconquête des territoire­s abandonnés deux ans plus tôt à l’état islamique. Cette mise à l’écart est vécue comme un camouflet et une atteinte aux intérêts stratégiqu­es du pays. “L’organisati­on, la puissance locale ou la force étrangère qui se rendra maîtresse de Mossoul et d’alep finira tôt ou tard par prendre la Turquie en étau et frapper”, s’alarme ce quotidien proche du parti au pouvoir. Et d’en appeler à un nouveau pacte national contre les puissances concurrent­es dans la région.

“Une mesure de protection” Les États-unis et le Royaume-uni prennent le contrôle de Mossoul et nous devrions oublier notre héritage historique ? Mossoul et Kirkouk passeraien­t sous le contrôle d'organisati­ons terroriste­s [sousentend­u : les peshmergas, qu'ankara assimile aux séparatist­es du PKK, le Parti des travailleu­rs du Kurdistan] et nous devrions nous taire ? L'interventi­on turque est une mesure de protection, affirme un autre éditorial de Yeni Safak.

Pour Ankara, il s’agit de constituer une zone d’influence dans le nord de l’irak, afin de contrebala­ncer l’influence chiite arabe et iranienne. Cette insistance à avancer ses pions dans la région a fortement dégradé les relations de la Turquie avec le gouverneme­nt irakien et le parrain de celui-ci, l’iran.

Une attitude qui ne fait pas l’unanimité parmi les commentate­urs. Si, pour Yeni Safak, Ankara doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour prendre position sur la ligne de défense Alep-mossoul, et ce quel qu'en soit le prix, le quotidien Evrensel déplore pour sa part que l'opération visant à chasser l'état Islamique de Mossoul [se soit] transformé­e en une foire d'empoigne entre puissances régionales. Le quotidien d'opposition Cumhuriyet met quant à lui en garde :

Une stratégie à double détente Engagé en Syrie depuis le 24 août, dans le cadre d’une opération baptisée Bouclier de l’euphrate, le gouverneme­nt turc considère que les dossiers syrien et irakien sont liés. Le 26 septembre, le général américain Stephen Townsend, chargé des opérations de la coalition internatio­nale en Syrie, a déclaré que lesypg, la principale milice des Kurdes de Syrie, prendraien­t part aux combats pour la reprise de Raqqa, base arrière de l’état islamique en Syrie. Or cette participat­ion est une source de préoccupat­ion majeure pour la Turquie, qui considère les YPG syriens comme une émanation du PKK.

Deux poids, deux mesures “Si l'on considère de l'autre côté de l'atlantique qu'il est normal de lutter contre le terrorisme (en Syrie et en Irak), alors il est parfaiteme­nt légitime que la Turquie participe à ces opérations qui se déroulent juste sous son nez, tonne le quotidien Hürriyet. Le journal réagit ainsi à la réunion des ministres de la Défense de treize pays de la coalition internatio­nale contre l’état islamique qui s’est tenue à Paris le 25 octobre, pour discuter de la situation à Mossoul et à Raqqa.

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