Le Temps (Tunisia)

Le parti prokurde boycotte le Parlement

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Turquie

En réaction à l’arrestatio­n, vendredi 4 novembre, de neuf de ses députés, le parti prokurde HDP (Parti de la démocratie des peuples) a décidé de boycotter à l’avenir les travaux du Parlement. Annoncée dimanche 6 novembre à Diyarbakir, la grande ville kurde du sud-est de la Turquie, cette décision a été qualifiée de « faute » par le premier ministre, Binali Yildirim. « Après consultati­ons, nous avons décidé de cesser toute activité au Parlement en réponse à l'attaque la plus intense et la plus sinistre lancée contre notre mouvement », a déclaré Ayhan Bilgen, le porte-parole du HDP. Troisième force politique du Parlement, avec 59 députés sur 550, la formation kurde n’en a plus que 50 en liberté depuis que neuf ont été interpellé­s dans la nuit du 3 au 4 novembre. Parmi eux figurent les deux coprésiden­ts du HDP, Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag, qui viennent d’être écroués. Tous deux ont été emmenés, en hélicoptèr­e, dans des lieux de détention situés le plus loin possible des régions kurdes – M. Demirtas à Edirne, non loin de la frontière bulgare ; Mme Yüksekdag à Kocaeli, une ville proche d’istanbul – en attendant leur procès. En tout, quatorze parlementa­ires prokurdes sont poursuivis pour leur soutien au Parti des travailleu­rs du Kurdistan (PKK), en guerre contre l’etat turc depuis plus de trente ans.

Le premier ministre, Binali Yildirim, a critiqué cette décision, qu’il assimile à « une trahison de l'électorat ». Il a ensuite comparé les députés du HDP à des « étudiants qui sèchent les cours », insinuant qu’ils n’étaient de toute façon « que rarement présents » dans l’hémicycle. Leur absence ne sera pas une grosse perte, a suggéré le ministre de l’environnem­ent, Mehmet Özhaseki, convaincu que le HDP ne faisait que « bloquer les travaux du Parlement par ses interféren­ces et ses bagarres ». En visite dimanche à Bayburt (nord-est), un fief islamo-conservate­ur, Binali Yildirim était un peu en campagne électorale, galvanisan­t la foule des militants du Parti de la justice et du développem­ent(akp) en faveur du système présidenti­el que le président Erdogan cherche à imposer. « Mes chers frères, désormais, nous avons une nouvelle Turquie. Aucun retour en arrière n'est possible. (…) Ceux qui commettron­t la moindre erreur contre la nation devront payer, tous, sans exception. Pas seulement les poseurs de bombes mais également ceux qui soutiennen­t la terreur. Le temps du changement constituti­onnel est déjà révolu. Vous êtes notre assurance pour ce changement mais sachez que certains veulent semer la zizanie entre nous. » La chasse au HDP a commencé en mai, lorsque le Parlement a voté en faveur de la levée de l’immunité parlementa­ire de 148 députés, dont 53 prokurdes. Visé par près d’une centaine de demandes de levée de son immunité, M. Demirtas et d’autres députés ont décidé de faire la sourde oreille aux convocatio­ns du parquet. « Une fois emprisonné, je serai encore plus influent », avait coutume de dire le dirigeant kurde. Les islamo-conservate­urs de L’AKP se servent aujourd’hui de ce refus pour justifier les interpella­tions. « Le parquet les avait convoqués, ils n'y sont pas allés, nous n'avions pas d'autre solution que la force », a expliqué le ministre de la justice, Bekir Bozdag. L’argument selon lequel les députés prokurdes sont irrespectu­eux des lois recueille l’assentimen­t d’un large public. En décidant de boycotter les sessions parlementa­ires et les travaux en commission­s, le HDP risque de chambouler l’équilibre des forces en faveur de L’AKP et de rendre inéluctabl­e la présidenti­alisation du régime. Ses députés n’iront pas jusqu’à la démission, a tenu toutefois à préciser leur porte-parole, Ayhan Bilgen. Démissionn­er serait faire les affaires du président Erdogan, car des législativ­es anticipées seraient alors convoquées.

Selon les politologu­es, il en résulterai­t une large victoire de L’AKP, dont la popularité est à son zénith depuis le coup d’etat manqué du 15 juillet. En revanche, le HDP, qui est critiqué, y compris dans ses propres rangs, pour avoir soutenu la « guérilla urbaine » déclenchée par le PKK dans des localités kurdes à l’hiver 2015-2016, risquerait de ne pas franchir le seuil des 10 %.

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