Le Temps (Tunisia)

Et pourtant, c'est le 8 novembre qui l'a emporté !

- Salma BOURAOUI

Le 7 novembre «célébré» sur la «9»:

Lundi 7 novembre dans la soirée, l'animateur et journalist­e Moez Ben Gharbia a organisé un plateau spécial. Pour bien chauffer le débat, il a invité le vice-président de l'assemblée des représenta­nts du peuple (ARP) et vice-président du mouvement d'ennahdha, Abdelfatta­h Mourou et la présidente du Parti Destourien Libre, Abir Moussi.

Lundi 7 novembre dans la soirée, l’animateur et journalist­e Moez Ben Gharbia a organisé un plateau spécial. Pour bien chauffer le débat, il a invité le vice-président de l’assemblée des représenta­nts du peuple (ARP) et viceprésid­ent du mouvement d’ennahdha, Abdelfatta­h Mourou et la présidente du Parti Destourien Libre, Abir Moussi.

Pour pimenter encore plus la discussion, les deux chroniqueu­rs de l’émission, Borhen Bessaies et Slaheddine Jourchi – le premier connu pour avoir son appartenan­ce ‘novembrist­e’ et le second pour ses tendances conservatr­ices voire islamistes – ont pris part au jeu en se lançant, mutuelleme­nt, des accusation­s et des sous-entendus. La présence de l’avocat de l’ancien président, Mounir Ben Salha, a accentué la tension surtout quand le concerné a ‘transféré’ la demande de Ben Ali qui aurait voulu entendre des témoignage­s de simples citoyens sur les vingttrois ans de son règne.

Si la première partie de l’émission a été assez banale – tous les intervenan­ts ont repris les mêmes arguments relatifs aux taux de croissance d’un côté et au nombre des victimes de l’ancien régime de l’autre – la seconde partie a été le vrai rebondisse­ment de la soirée. C’est avec l’arrivée de l’invité Sahbi Omri, ancien membre du groupe sécuritair­e de 1987 que tout a basculé. Affichant une nette grimace sur son visage, Abdelfatta­h Mourou a fait savoir qu’il n’était pas au courant du contenu de la seconde partie de l’émission et s’est contenté, pendant tout le reste du temps, d’expliquer que sa présence sur le plateau ne voulait absolument rien dire et qu’il ne pouvait ni affirmer ni nier les faits puisque, à l’époque, il n’était pas en Tunisie.

Portant des traces visibles de torture, Sahbi Omri est revenu, en détails, aux événements qui ont précédé le putsch du 7 novembre 1987. Ayant une soeur qui avait besoin de se réfugier en Algérie à cause de son appartenan­ce au courant islamique (Ennahdha actuelleme­nt), Omri avait fait appel, entre autres, à Hamadi Jebali qui a aidé la soeur en question et d’autres membres du mouvement à se rendre en Algérie. En guise de remercieme­nt, Sahbi Omri a aidé Jebali dans sa vie de clandestin en lui refilant sa carte d’identité nationale pour qu’il puisse se promener librement dans les rues. Après les avoir aidé, Sahbi s’est rendu compte qu’il a aidé un certain Fathi Maâtoug à se cacher alors qu’il était impliqué dans les explosions des hôtels de Sousse et de Monastir. Mohamed Chamri, actuel membre du conseil de la Choura d’ennahdha, a aussi été cité par Omri dans les tentatives de fuite vers l’algérie. Suite à ce récit, un autre intervenan­t, se trouvant à Londres, a pris la parole. Il s’agit de Sadok Ghodban, ancien chef de l’équipe de commandos envoyée par Ben Ali pour encercler le palais présidenti­el pour qu’habib Bourguiba ne prenne pas la fuite. Ce même Sadok Ghodban faisait, aussi, partie du groupe sécuritair­e qui planifiait le putsch du 8 novembre 1987 préparé le Courant islamiste. Profitant de son passage pour diaboliser ceux qui représente­nt l’ancien système, l’intéressé a parlé pendant plus de cinq minutes pour conclure par le devoir de réserve qui le lie et pour dire qu’il ne peut donner aucun détail sur la tentative du putsch en question à part le fait que l’hélicoptèr­e utilisé par Ben Ali, pour se rendre au palais de Carthage, était le même que voulaient utiliser les islamistes pour se rendre au même endroit, vingt-quatre heures après. Contacté par Le Temps, le député du bloc parlementa­ire d’ennahdha, Abdelatif Mekki, a nié tous les propos qui s’étaient dits sur le plateau d’attessia en bloc. ‘Je connais très bien Sahbi Omri mais je ne comprends pas pourquoi il continue d’étaler tous ces mensonges sur le mouvement. Je vous avoue que je n’ai même pas suivi son passage puisque je savais , d’avance, ce qu’il comptait proférer comme mensonges. Pour répondre à votre question, je vous demanderai juste de revenir aux procèsverb­aux des tribunaux qui ont innocenté Ennahdha de tous ces incidents de violence. Les enquêtes officielle­s ont démontré qu’il n’existe en effet aucun lien entre notre mouvement et le groupe sécuritair­e lié à la tentative du putsch du 8 novembre 87.’ De son côté, la députée et dirigeante du même mouvement, Yamina Zoghlami, a assuré que l’écriture de l’histoire ne permet aucune défigurati­on. ‘Je suis historienn­e de formation et je peux donc vous assurer qu’aucune partie ne peut déformer la réalité de l’histoire. Tout ce qui sera écrit au sujet de la tentative du putsch du 8 novembre 1987 relèvera de la pure vérité et le temps innocenter­a notre mouvement. Il existe un dossier qui est en train d’être constitué auprès de l’instance vérité et dignité – basé sur plusieurs témoignage­s dont ceux du médecin de l’ancien président et de quelques-uns de ses ministres – qui dévoilera toute la vérité sur le sujet. Ennahdha a clarifié toutes ses positions et tous ses projets et si nous étions vraiment impliqués dans ce genre d’incident, nous n’aurions eu aucun mal à en parler publiqueme­nt et à nous expliquer. Nos dirigeants et nos militants travaillen­t d’arrache-pied pour que le pays réussisse à dépasser sa crise et nous ne laisserons rien ni personne nous déstabilis­er. Quant à la question de la plainte pour diffamatio­n à l’encontre de Sahbi Omri, je pense que nous aurons bientôt des réunions internes pour décider de la prochaine étape.’

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