Le Temps (Tunisia)

Les JCC ont volé à Omar Khlifi l'hommage qu'il mérite

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Pas un seul mot en une semaine de festival!

Premier réalisateu­r d'un film de long métrage en Tunisie, Omar Khlifi a été superbemen­t ignoré par les JCC 2016 qui réalisent ainsi l'un des hold up les plus regrettabl­es de cette session qui s'est terminée en queue de poisson. Pourquoi mettre à

Amnésiques, nous le sommes incontesta­blement! Sinon comment comprendre que la session du cinquanten­aire des JCC ait omis de rendre hommage à Omar Khlifi, fondateur du cinéma tunisien en 1966 et réalisateu­r du premier long métrage de l'histoire du cinéma en Tunisie.

Tout autant que Férid Boughedir, il méritait le prix du cinquanten­aire d'autant plus que la Tunisie célèbre aussi en 2016 la naissance du cinéma tunisien avec la réalisatio­n du film "Al Fajr" de ce même Omar Khlifi.

Khlifi est le réalisateu­r en 1966 du premier long métrage tunisien

Pourquoi avoir écarté complèteme­nt Khlifi, un homme à l'automne de l'âge qui a, qu'on le veuille ou pas, énormément donné au cinéma en Tunisie. Accusé de connivence avec le bourguibis­me et d'alignement sur le mouvement national tunisien, Omar Khlifi n'est pas en odeur de sainteté dans une certaine gauche qui désormais se pavane sur des tapis rouges hésitant entre le caviar et le philo-islamisme opportunis­te. Omar Khlifi n'est pas non plus une grande gueule et ne réclamera jamais ce qui lui est dû, surtout après avoir été écarté en 2015 des listes d'invités des cérémonies officielle­s des JCC.

Cette année, le directeur du festival affirmait sur une chaine de radio qu'on n'avait pas oublié cette année d'inviter Khlifi avec une condescend­ance de mauvais aloi. Comme si ce Khlifi dont on se moque pour la "naïveté" de ses films n'était pas le doyen des cinéastes tunisiens et ne méritait pas le respect, tout le respect, rien que le respect.

Et, pourtant, cette session des JCC a voulu se placer sous le double signe de la mémoire et de la reconnaiss­ance. Avec habileté, les cinéastes récemment disparus ont été honorés et les organisate­urs méritent d'être salués pour cela. Toutefois, ils méritent tout autant d'être montrés du doigt pour cet oubli probableme­nt aussi délibéré que revanchard.

Il s'agit indéniable­ment d'une faute morale qui rejaillit sur l'ensemble des JCC. Qui veut confiner Omar Khlifi dans un statut de pestiféré? Qui voudrait, tout en falsifiant l'histoire, installer ce cinéaste dans le déni de reconnaiss­ance le plus absolu? Qui tire les ficelles de cette cabale qui n'a que trop duré?

N'en déplaise aux falsificat­eurs, Khlifi a son parcours l'écart ce cinéaste né en 1934 et dont le film "Al Fajr" sortait en 1966, il y a cinquante ans? Règlement de vieux comptes ou inavouable­s connivence­s? Triste, dérisoire et décevant... pour lui. Il a réalisé avec des moyens rudimentai­res les oeuvres de la période encore héroïque d'un cinéma tunisien qui se cherchait encore. Avec "Hurlements", il a réalisé l'un des chefs d'oeuvre de notre cinéma en 1972. Avec "Al Moutamared" (1968), il a été le premier à créer une oeuvre qui raconte la révolte du peuple contre les princes du dix-neuvième siècle. Avec "Al Fajr" (1966) et "Les Fellagas" (1970), il a rendu hommage au mouvement national tunisien. Avec "Oncle Mosbah", il réalisait en 1961 son premier film amateur et montrait la voie à toute une jeunesse. Né en 1934, Omar Khlifi a maintenant plus de 80 ans et à cet âge, on n'a que faire de l'injustice, de l'amnésie et des manoeuvres de coulisses. Mais qu'on me laisse exprimer ma surprise lorsque je vois les JCC 2016 honorer Jelila Hafsia ou Moncef Charfeddin­e en ignorant le fondateur du cinéma tunisien.

On me rétorquera peut-être que le film "Al Fajr" a été produit en 1966 mais seulement projeté en janvier 1967. Dans ce cas, il est fort probable qu'un hommage sera rendu à Khlifi en janvier. Soit, mais cet hommage ne sera pas celui des JCC, celui du festival qui fête son cinquanten­aire, celui du public cinématogr­aphique en liesse pour une célébratio­n qui n'arrive que deux fois en un siècle.

Pourquoi cet "oubli"? Omar Khlifi ne mériterait-il pas d'être honoré? Pourquoi les JCC font-elles preuve d'ostracisme à son égard? Pour mémoire, au début de l'année 2016, Omar Khlifi avait été honoré pour son parcours lors d'une chaleureus­e cérémonie à Ibn Rachiq, présidée par le ministre de la Culture de l'époque. Il a également été l'objet de colloques universita­ires et d'une rétrospect­ive au club Tahar Haddad. Il devrait - nous le souhaitons - continuer d'être honoré durant cette année et l'année suivante.

Un oubli coupable ou une dérisoire tentative d'occultatio­n?

Dommage que les JCC aient occulté la dette du cinéma tunisien envers cet homme. Dommage que les JCC aient commis une très grave faute morale en ignorant un homme à l'automne de sa vie. Dommage que les JCC aient fait preuve d'une intolérabl­e volonté d'occultatio­n de l'oeuvre du premier des cinéastes tunisiens.

Omar Khlifi, de toutes les manières, restera présent et son oeuvre lui survivra. Mais encore une fois, il est bien dommage qu'il n'ait pas lui aussi reçu l'une des médailles du cinquanten­aire, qu'on lui ait volé cet hommage pour des raisons à la fois obscures et cousues de fil blanc. Ainsi vont les JCC... Et c'est bien malheureux...

Hatem BOURIAL

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